Retour à la page Info | English version | |
Crédits |
---|
|
|
Ottawa, Canada
Juin 2000 |
||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
L’Honorable Robert Nault, CP, député
Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien Chambre des communes Ottawa (Ontario) K1A OH4 Monsieur le Ministre, Nous sommes heureux de vous présenter, ci-joint, le septième rapport biennal de la Commission crie-naskapie, conformément au paragraphe 171(1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ce rapport repose sur les consultations et les audiences où les Cris et les Naskapis de même que le gouvernement du Canada ont fait part de leurs vues et de leurs préoccupations en ce qui concerne la mise en "uvre de la Loi et des affaires connexes. Nous avons bon espoir que les questions qui y sont soulevées et les recommandations formulées feront l'objet de discussions et que toutes les parties visées prendront les mesures qui s'imposent. Dans cette optique, nous espérons avoir l'occasion de nous entretenir avec vous, ainsi qu'avec les Cris et les Naskapis, les membres des comités permanents et les autres parties intéressées. Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de notre considération la plus distinguée.
La Commission crie-naskapie |
||||||||||||
|
|
|
Note sur la préparation du rapport & remerciements |
---|
La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec stipule que : |
165. (1) La Commission a pour mission :
d’établir les rapports bisannuels sur la mise en oeuvre de cette loi, prévus au paragraphe 171 (1); Les trois commissionnaires dirigent la préparation des rapports bisannuels. Ils discutent, examinent en détail et approuvent chaque partie des rapports, sans égard à la personne qui a rédigé le texte de départ. Étant donné que les charges de commissionnaire (y compris de président) sont des postes à temps partiel et que la préparation des rapports représente une tâche considérable, différentes démarches de recherche et de rédaction ont été testées depuis le premier rapport en 1986. Dans les premières années d’existence de la Commission, le personnel permanent ou temporaire effectuait les recherches nécessaires et préparait les textes de départ sous la direction des commissionnaires. Des avocats et des rédacteurs ont procédé à d’autres révisions. Les commissionnaires examinaient la substance et le ton des rapports avant de donner leur approbation finale. À partir de 1998, une autre approche a été adoptée. Le fait que les commissionnaires sont responsables de l’intégralité du contenu des rapports et les ressources financières extrêmement limitées ont obligé les commissionnaires à s’acquitter seuls de la recherche et de la rédaction des textes, sans recourir à la contribution d’avocats et de rédacteurs. Dans le cas du présent rapport, le commissionnaire Philip Awashish a fait les recherches et rédigé entre 75 et 80 % du texte. C’est le président Saunders qui s’est chargé du reste. Les trois commissionnaires ont discuté, examiné et approuvé en détail toutes les parties du texte. Tous les documents, résolutions et lettres mentionnés dans le présent rapport sont disponibles au bureau de la Commission crie-naskapie. Ces documents peuvent également être consultés sur le site Web de la commission. Remerciements Les commissionnaires tiennent à exprimer leur reconnaissance à l’égard du personnel qui a fait preuve d’un professionnalisme sans faille dans ses efforts. Brian Shawana, Micheline Ayotte, Gloria Dedam et Charlotte Kitchen ont apporté des contributions remarquables à la préparation de ce rapport. Sans eux, la tâche aurait été impossible. Les commissionnaires aimeraient également souligner l’excellent travail de Nicole Cheechoo qui a quitté la Commission l’an dernier pour aller étudier à l’Université Carleton. La Commission est redevable aussi aux représentants des Cris et des Naskapis présents lors des audiences spéciales sur l’application de la loi. |
|
MESSAGE DU PRÉSIDENT |
---|
« ...venez mes amis, il est encore temps de chercher un monde nouveau 1. » Tennyson
En écrivant ces mots en 1842, Tennyson exprimait l’espoir et la foi qui, de tout temps et en tous lieux, sous-tendent les plus nobles instincts de l’Homme, à savoir la conviction qu’il ne doit jamais cesser de tenter de transformer ce monde pour en faire un endroit meilleur où vivre. Les espoirs et les rêves, et non seulement les contraintes pratiques et les exigences, qui motivaient les Cris et les Naskapis il y a un quart de siècle, alors qu’ils négociaient et signaient les premiers traités des temps modernes, ne doivent jamais s’enliser dans les marécages de l’opportunisme politique et fiscal ou dans le cynisme découlant d’attentes en décroissance constante quant à ce qu’il est possible d’obtenir au Canada. Il ne faut pas laisser l’idéal des nations cries et naskapie, vibrantes, vigoureuses et épanouies à l’intérieur d’un Canada fort et progressiste, échouer devant les démêlés et les litiges découlant d’échecs de la mise en application des traités. L’an 2000 offre des possibilités de réflexion et de solution. Les exigences posées aux gouvernements cris et naskapi ainsi qu’au gouvernement du Canada placent trop souvent ceux-ci devant un manque de temps pour la réflexion. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est maintenant en vigueur depuis seize ans. Cette loi était requise par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Dans ses grandes lignes, cette loi définit plusieurs aspects des gouvernements locaux cris et naskapi, le régime des terres prévu aux conventions ainsi que certains droits individuels et collectifs. On n’exagère pas en disant que la loi représentait une étape audacieuse et innovatrice aussi bien pour les gouvernements locaux cris et naskapi que pour le gouvernement fédéral. Elle correspondait à une tentative honnête, non sans risque, d’appliquer certains des plans les plus créateurs et les plus définitifs élaborés jusqu’ici, afin de tourner le dos au colonialisme désuet incarné par la Loi sur les Indiens. Malgré des négociations ardues et des compromis difficiles, les conventions et la loi ont tenu leurs promesses d’un nouveau jour, réconciliant les droits et intérêts des peuples autochtones du Nord québécois, la souveraineté de la Couronne et les intérêts de tous les Canadiens. À l’époque et depuis lors, certains critiques ont avancé que les Cris et Naskapis avaient fait trop de concessions. D’autres soutiennent que les Cris et Naskapis en ont trop obtenu. Ces critiques font peut-être ressortir le fait que les conventions et la loi, telles qu’elles ont été conçues au départ, correspondaient non pas à un scénario comportant un gagnant et un perdant, mais à un compromis réaliste et harmonieux. Problèmes rencontrés dans la mise en application des conventions De nos jours, les conventions et la loi sont perçues bien différemment par les deux parties. De nombreux hauts fonctionnaires du gouvernement canadien expriment l’avis que les Cris reçoivent trop. Selon un haut fonctionnaire, les Cris touchent des subventions « énormes ». Les Cris, de leur côté, ont l’impression que le Canada omet délibérément de respecter les obligations découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Le docteur Ted Moses, grand chef des Cris (Eeyou Istchee), affirme dans une lettre datée du 6 mars 2000 :
Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), tous les gouvernements locaux cris et quantité d’individus ont attiré l’attention de la Commission sur des exemples précis de ce qu’ils jugent être des violations, par le gouvernement fédéral, de ses obligations en vertu des conventions. Le gouvernement fédéral a, au fil des ans, avancé que la prise en considération de questions découlant des conventions allait au-delà du mandat de la Commission. Les commissionnaires se sont penchés sur cette question en différentes occasions. Nous sommes d’avis que lorsque qu’une bande ne peut exercer adéquatement un pouvoir ou accomplir un devoir en vertu de la Loi, la Commission a le devoir d’examiner s’il en est effectivement ainsi et, dans l’affirmative, d’étudier le pourquoi de la situation. Les bandes tirent bon nombre de leurs pouvoirs et responsabilités des conventions en vertu du texte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La disposition pertinente affirme :
Les objets et les pouvoirs (y compris entre autres les devoirs prévus au paragraphe (j)) sont étendus et coûteux. La capacité d’assumer ces responsabilités dépend en grande partie de la volonté des gouvernements fédéral et provincial de respecter pleinement les obligations découlant des conventions et des programmes fournis normalement aux Premières Nations. Pratiquement depuis le moment de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois jusqu’à maintenant, il y a eu des différends entre le gouvernement fédéral et les Cris sur des questions touchant la portée et l’accomplissement des obligations du gouvernement découlant de la convention. Le ministère des Affaires indiennes s’est objecté à maintes reprises à la pratique de la Commission qui consiste à écouter les préoccupations de la communauté sur des questions découlant des conventions, mais cette opposition est devenue moins virulente l’an dernier. En fait, le directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James a reconnu, à l’occasion de son intervention aux audiences spéciales sur la mise en application de la convention, tenues en février 2000, que la Commission devait vraiment écouter les préoccupations réelles soulevées par les communautés. Un des devoirs fiduciaires de la Couronne consiste à maintenir et à veiller à la réalisation des espoirs et aspirations légitimes des Cris et des Naskapis tels qu’ils sont reflétés dans les conventions en abordant la mise en application de ces dernières d’une manière positive et pleine de bonne foi. Tenter de lire à la baisse des privilèges des Cris et des Naskapis prévus aux conventions, d’obtenir l’abandon de dispositions permanentes en échange d’avantages ponctuels ou d’éviter d’autre façon le respect d’obligations issues de traités sont contraires à la lettre et à l’esprit des conventions, de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois et de la politique même du gouvernement formulée par le ministre Nault. Imputabilité des politiques Par ailleurs, les tentatives de minimiser ou de contourner les conventions dénotent un problème que les commissionnaires ont qualifié, dans leur rapport de 1998, d’« impuissance ministérielle ». Le ministre Nault, au nom du Cabinet, a affirmé à maintes reprises qu’il s’est engagé à trouver des façons de garantir la mise en application des traités, y compris les conventions, dans le respect de leur esprit et de leur lettre. Son prédécesseur, la ministre Stewart, avait été aussi déterminée à établir une nouvelle relation et à tourner le dos à ce qu’elle appelait « les erreurs du passé ». Le ministre Nault et ses collègues du Cabinet réussiront à asseoir leur crédibilité dans la mesure où leurs fonctionnaires accepteront leurs choix politiques et y donneront suite. Ces derniers mois, on a amplement fait état dans les médias de la nécessité d’améliorer le contrôle des finances du gouvernement, notamment au sein du ministère du Développement des ressources humaines. En dépit de ces graves ratés, les mécanismes de contrôle financier internes du gouvernement fédéral demeurent remarquables. La Loi sur la gestion des finances publiques, avec ses règlements, directives, etc., procure un cadre d’imputabilité solide dans la gestion des fonds publics, conformément aux conditions établies par le Parlement et le Conseil du Trésor. Les échecs et défaillances du système sont relevés par le Vérificateur général ou par les activités de la Chambre des Communes. Le moment est venu d’exiger un niveau d’imputabilité comparable dans le domaine de l’application des politiques. Tout comme il y a des exigences juridiques relativement à l’imputabilité financière, il devrait en exister pour l’imputabilité en matière de politiques. Les Canadiens élisent les gouvernements pour différentes raisons et, même s’ils sont parfois en désaccord avec certaines décisions prises par leurs représentants, ils s’attendent à ce que ce soit la direction politique adoptée par les élus qui s’impose. Bon nombre de fonctionnaires de rang élevé n’acceptent tout simplement pas la direction prise par le ministre Nault. Le résultat de cela, c’est que les positions du ministre sur les politiques risquent de paraître non pertinentes dans le meilleur des cas et hypocrites dans le pire. Ce problème est loin d’être nouveau ou propre à ce ministère. Il ne survient que trop souvent au sein du gouvernement et explique le cynisme généralisé d’une bonne fraction de la population à l’égard des politiciens. Le gouvernement aurait intérêt à envisager sérieusement la pertinence d’une loi analogue sur l’imputabilité en matière d’application des politiques. Mise en application des traités et des conventions : dernières considérations La nécessité On reconnaît la nécessité d’un processus juste, opportun et durable de mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois, des autres traités existants et à venir ainsi que des ententes relatives aux revendications territoriales. Le concept de « juste » doit recouvrir l’exercice équitable et raisonnable du devoir fiduciaire du gouvernement d’une façon parfaitement cohérente avec l’honneur de la Couronne et en consultation avec les parties autochtones. « Opportun » emporte l’idée de résolution des questions relatives à la mise en application des conventions et des autres traités aussitôt que possible et, dans le cas de nouvelles conventions, au moment de la ratification. « Durable » suggère que le processus doit être conforme aux principes légaux applicables, réalisable sur le plan économique et défendable sur le plan politique. Les gouvernements doivent assumer activement leurs responsabilités afin d’obtenir un appui à ce processus aussi large que possible. Nécessité de mesures particulières Plusieurs conduites peuvent être adoptées; cependant, l’approche qu’on prendra doit reconnaître l’état lamentable des choses, déterminer pourquoi il en est ainsi et mettre en place des processus et structures susceptibles d’entraîner des changements positifs. Gouverner, dans une large mesure, signifie faire des choix politiques, établir des priorités budgétaires et exercer un pouvoir discrétionnaire dans le cadre d’une imputabilité plus politique que juridique. La mise en application des conventions et des traités comporte beaucoup moins d’exercice de pouvoir discrétionnaire. Les traités créent ce que la Cour suprême a appelé « obligations exécutoires ». La mentalité des institutions dont la tâche principale est la gestion de choix et l’établissement de priorités n’est pas idéale pour ceux dont la tâche consiste surtout à s’acquitter d’« obligations exécutoires »4. C’est pourquoi la Commission crie-naskapie, dans son rapport de 1998, recommandait la création d’un secrétariat chargé de la mise en application des traités avec les Autochtones, secrétariat qui serait encadré par une loi de mise en application des traités qui guiderait son travail, et par un tribunal sur les droits ancestraux et droits issus de traités chargé de trouver des solutions juridiques aux différends importants. Ces propositions ont été examinées par le Comité sénatorial sur les peuples autochtones, lequel en est à envisager la possibilité d’un suivi législatif. Également, les propositions ont été discutées à l’occasion de différents congrès de l’Assemblée des Premières Nations et approuvées par les nations cries et naskapie ainsi que par la Confédération des chefs lors de la réunion de l’APN tenue le 9 décembre 1999. Le temps est venu pour le gouvernement d’entamer un dialogue constructif visant l’élaboration d’une loi précise et détaillée sur la mise en application des traités, une loi « avec des dents ». Le temps où on se contentait de simples déclarations de bonnes intentions est depuis longtemps révolu. Notre histoire et nos lois mettent en lumière la nécessité d’entretenir un dialogue constant avec les Cris, les Naskapis et tous les peuples autochtones canadiens. Mais le dialogue seul ne suffit pas. Le dialogue doit mener à une évolution législative solide. Les Cris et les Naskapis et autres peuples autochtones sont les fondateurs de notre passé, et ils doivent faire partie de la conception d’une vision nationale de l’avenir. La mesure dans laquelle nous, en tant que nation, honorons nos traités et conventions avec eux sera garante de l’intégrité de notre avenir collectif en tant que Canadiens. Notes
|
|
CHAPITRE 1 |
||
---|---|---|
INTRODUCTION |
||
Alors que tous les États garantissent à leurs ressortissants certains droits civils, politiques et sociaux, c’est le droit international qui garantit à tous les peuples certains droits humains universels. Les droits des peuples autochtones ont été traités comme catégorie du droit international des droits humains. L’article I du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU stipule que :
Le Canada est signataire de ces pactes et doit par conséquent respecter ces derniers, lesquels sont entrés en vigueur le 19 août 1976. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes prévu par ces pactes est un droit fondamental et renouvelé ou permanent, qui est aussi un principe fondamental. Les Premières Nations cries et naskapie se considèrent comme des peuples ayant droit à disposer d’eux-mêmes. Les Premières Nations cries et naskapie constituent chacune un peuple, étant donné qu’elles possèdent une population permanente (environ 14 000 personnes), un territoire défini (avec lequel ces nations, descendantes des habitants originels de ces terres, entretiennent une relation historique et permanente), un système de gouvernement (inhérent aux Premières Nations cries et naskapie) et la capacité d’entrer en relation avec des États (relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement par l’intermédiaire de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois)1. Le droit international ne semble pas disposer d’une définition bien arrêtée de « peuple ». Cependant, conformément au droit traditionnel, lequel est ce vaste code lois de l’Eeyou inhérent aux Premières Nations cries et naskapie, ces dernières ne font pas de distinction entre les concepts de « peuple » et de « nation ». Pour les peuples cris et naskapi, « autodétermination » signifie gouvernement autonome réel, c’est-à-dire, l’exercice du droit pour un peuple de « déterminer librement son statut politique et d’assurer librement son développement économique, social et culturel ». En vertu de ce droit, les peuples cris et naskapi peuvent déterminer librement leurs relations avec le Canada et le Québec, dans un esprit de coexistence pacifique, et poursuivre librement leur développement politique dans des conditions de liberté et de dignité. Les peuples cris et naskapi se considèrent comme des peuples ayant toujours pratiqué l’autonomie gouvernementale. Les Premières Nations cries et naskapie, comme toutes les autres premières nations, étaient, avant le contact avec les Européens, parfaitement indépendantes et, comme la Cour suprême du Canada l’a souligné, constituaient « des sociétés organisées occupant un territoire comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis des siècles2 ». Dans le dernier quart du millénaire qui s’achève, la vie, la culture et la société des peuples cris et naskapi ont connu, pour le meilleur et pour le pire, de nombreux bouleversements. Cependant, il n’existe pas d’autre principe fondamental dans l’histoire et les relations avec autochtones que celui du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et de gouverner leur territoire conformément à leur volonté et à leurs aspirations.
Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones
De plus, le gouvernement canadien a rendu publique en août 1995 sa politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale autochtone " Autonomie gouvernementale autochtone " dans laquelle il affirme :
Le droit à l’autonomie gouvernementale est inhérent aux peuples cris et naskapi. Par conséquent, c’est à travers la nation que l’Eeyou (Cris et Naskapi) exprime son autonomie personnelle et collective. La nation Eeyou est l’unité traditionnelle et historique du pouvoir et de l’autorité autonome reconnus dans le processus de conclusion de traités et à travers les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Le 11 novembre 1975, le Grand Conseil des Cris (du Québec), au nom de la nation Eeyou (crie), a signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois à laquelle les gouvernements du Canada et du Québec sont parties et signataires (l’année en cours marque le 25e anniversaire de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois). Le 31 janvier 1978, la bande des Naskapis de Schefferville, au nom de la nation naskapie, a signé la Convention du Nord-Est québécois à laquelle les gouvernements du Canada et du Québec sont aussi parties et signataires. Un jalon marquant dans l’histoire et les relations autochtones a été franchi en 1982, alors que la Loi constitutionnelle du Canada, la loi suprême du pays, a été modifiée, afin, entre autre, de reconnaître et de confirmer les droits ancestraux des Autochtones et les droits issus de traités. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit l’affirmation et la reconnaissance des droits et des traités autochtones existants, y compris les droits existant par voie de règlements sur les revendications territoriales. Les Premières Nations cries et naskapie considèrent leurs conventions comme les traités ou ententes sur les revendications territoriales des temps modernes dans l’esprit et la lettre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, les peuples Eeyou (Cris et Naskapis) possèdent des droits ancestraux en raison des relations historiques et continues qu’ils entretiennent avec leurs territoires traditionnels et de leur statut de peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale. Par conséquent, en ce qui concerne les Premières Nations cries et naskapie, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les « droits ancestraux et les droits issus de traités5 ». Les droits issus de traités, selon l’Eeyouch, comprennent les droits prévus à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois. L’histoire, l’objectif et le statut de ces conventions et traités améliorent le statut des peuples et nations cris et naskapi. Ces conventions ou traités jettent les bases de nouvelles relations entre les Premières Nations cries et naskapie et les gouvernements du Canada et du Québec. Ces conventions ou traités prévoient une expression partielle du droit à l’autonomie gouvernementale pour les peuples cris et naskapi. L’article 9 (administration locale sur les terres de catégorie 1A) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule « qu’on recommande au Parlement l’adoption d’une loi spéciale prévoyant l’administration locale par les Cris de la Baie James des terres de catégorie IA qui leur ont été attribuées6. » L’article 7 (administration locale sur les terres de catégorie IA-N) de la Convention du Nord-Est québécois prévoit des dispositions semblables au sujet de l’autonomie gouvernementale des Naskapis du Québec sur les terres de catégorie IA-N attribuées à cette nation7. Par conséquent, conformément à l’article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la section 7 de la Convention du Nord-Est québécois, les Premières Nations cries et naskapie et le gouvernement du Canada ont traité des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette loi spéciale a été promulguée par le Parlement et sanctionnée le 14 juin 1984. Ainsi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d'administration locale organisé et efficace, ainsi que l'administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus aux Conventions8. » Les conventions et la loi n’épuisent cependant pas la question des droits et des pouvoirs liés à l’autonomie gouvernementale des Cris et des Naskapis. De plus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans son préambule, affirme que la Loi « n'a pas pour objet d'empêcher les Cris de la Baie James et les Naskapis du Québec de bénéficier de toute mesure législative ou autre, compatible avec les Conventions, édictée à l'avenir en ce qui concerne le régime d'autonomie des Indiens du Canada9. » Par conséquent, il semble que ces conventions et traités et la loi fédérale subséquente, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, correspondent à une expression partielle des droits à l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou. Puisque la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est de juridiction fédérale et qu’elle semble établir ou « créer » une administration locale, cette expression partielle de l’autonomie gouvernementale est une forme d’autorité déléguée d’un niveau de gouvernement (fédéral) à un autre niveau (administration locale établie par la Loi). Cette dérivation de la source de gouvernement autonome n’est pas compatible avec la nature inhérente du droit de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale. Le défi auquel font face les nations et peuples cris et naskapi est de garantir la compatibilité des traités et des lois avec la nature inhérente de leur droit à l’autonomie gouvernementale ainsi que d’assurer l’établissement d’un gouvernent bon et efficace. La source, la nature, la portée et la mise en "uvre du droit inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale soulèvent de nombreuses questions intéressantes auxquelles les Premières Nations cries et naskapie sont le mieux en mesure de répondre. Ce sont elles qui doivent décider de leur parcours actuel vers l’autonomie gouvernementale, conformément à leurs aspirations et à leur volonté. Toutefois, certaines questions demeurent de savoir si la politique de délégation de pouvoirs, d’autorité et de compétence pour le gouvernement local cri et naskapi, telle qu’envisagée dans les conventions et prévue par la suite aux dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, fonctionne ou non pour le bénéfice et l’avancement de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie. À cet égard, un examen de la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Convention du Nord-Est québécois est susceptible de fournir certaines réponses et pistes de réflexion. De plus, les relations entre les peuples et les nations ne constituent pas une entité statique. Elles changent et évoluent avec le temps en fonction des conditions nouvelles. Si on ne fait pas des efforts constants pour les maintenir et les actualiser, elles risquent de se détériorer rapidement. Les nations et peuples cris et naskapi considèrent leurs traités, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, respectivement, comme des moyens privilégiés d’établissement et de reconnaissance des relations. La mise en application adéquate des conventions et des traités, dans leur esprit et dans leur lettre, constitue un mécanisme important et essentiel pour l’établissement et le redressement, avec le temps, de relations dans le but de tenir compte des nouveaux besoins et des nouvelles conditions. Par conséquent, les relations passées et présentes entre les Premières Nations cries et naskapie et le gouvernement du Canada doivent être examinées afin de déterminer si des efforts constants sont déployés afin de maintenir et d’actualiser les relations pour le bénéfice et pour l’avancement de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie. La Commission crie-naskapie, établie par l’article 165 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a pour mission « d’établir les rapports prévus au paragraphe 171(1)10 » et de présenter ceux-ci au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui le « dépose devant chaque chambre du Parlement11. » Cependant, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sont dans une grande mesure indissociables et, pour en comprendre l’esprit et la lettre et pour mettre en place l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou, doivent être considérées comme un tout. À cet égard, la Commission crie-naskapie doit envisager la mise en application de ces conventions ou traités. Le présent rapport de la Commission crie-naskapie constitue le septième rapport biennal présenté au ministre. En préparation du présent rapport, la Commission a accompli les démarches suivantes :
Par conséquent, le présent document est un rapport spécial sur l’état de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie. Plus particulièrement, le propos de ce rapport est de fournir de l’information qui favoriserait une meilleure compréhension des questions et des préoccupations que doivent traiter les parties et les autorités intéressées à l’avancement de l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou. Également, ce rapport a été préparé de manière à éclairer le public sur l’histoire générale du gouvernement local de l’Eeyou. À cet égard, les conclusions et les recommandations du présent rapport doivent être prises à c"ur par les gouvernements et autorités (gouvernement fédéral ainsi que gouvernements et autorités cris et naskapis) afin d’entretenir et de renforcer le partenariat entre les nations et les gouvernements et de promouvoir et de réaliser le gouvernement autonome cri et naskapi.
|
||
|
|
CHAPITRE 2 |
||
---|---|---|
CONTEXTE |
||
Dans leur langue, les peuples cris et naskapi se nomment eux-mêmes « Eeyouch » (ou « Eenouch » dans le cas des Cris de l’intérieur), mot qui signifie « êtres humains » ou « personnes ». « Eeyouch » (ou « Eenouch ») est le terme utilisé par l’Eeyou depuis des millénaires, tandis que les appellations « Cris » et « Naskapis » ou leur variantes ont été utilisées par les peuples non-eeyou au cours des siècles passés. Étant donné que les Eeyouch se considèrent comme des peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale, les peuples cris et naskapi ont ajouté le principe de nationalité à leurs noms. Après tout, les nations cries et naskapie ont conclu leurs traités respectifs " la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois " avec un État. De plus, les Eeyouch se considèrent comme une nation à l’intérieur de l’État. En outre, pour prendre leur place dans l’histoire de ce continent et de ce pays, à titre de premiers habitants permanents et actuels de leurs territoires traditionnels et historiques, certaines nations cries s’appellent « Premières Nations ». Les « Premières Nations » se considèrent aussi « premières » dans leur relation unique, continue et centrale avec leurs territoires (appelées « Istchee », ou « terre », par les Eeyouch) et, à titre de nation et de peuple, assurent la gestion et la garde de l’« Eeyou Istchee », c’est-à-dire les territoires et terres ancestraux et historiques de l’Eeyouch. Le présent rappel des faits historiques n’entend pas faire la narration complète des événements et de la situation des Eeyouch (Cris et Naskapis) du Québec; il décrit les circonstances et les événements importants qui ont eu une influence marquante et une portée directe sur l’exercice du droit des Eeyou à l’autodétermination et, par conséquent, sur l’exercice et la pratique de l’autonomie gouvernementale dans les communautés locales Eeyou. Les Eeyouch se considèrent comme des peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale et qui étaient, avant l’arrivée des peuples européens, parfaitement indépendants et « organisés en sociétés et occupant le territoire comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis des siècles1 ». Ainsi, et en s’appuyant sur l’histoire, il est clair que les Eeyouch étaient les premiers habitants de la portion du Canada connue généralement comme le Nord du Québec. L’histoire des relations des Cris et des Naskapis (Eeyou) avec les pouvoirs coloniaux et plus tard étatiques équivaut à une suite de dépossessions des terres et ressources de l’Eeyou, au déni subséquent des droits et à l’exclusion des peuples Eeyou du développement politique et économique du Canada et du Québec. Par voie de conséquence, les relations passées et présentes entre les Eeyouch et les pouvoirs étatiques du Canada et du Québec sont ponctuées de conflits tournant autour des territoires, des ressources et du pouvoir. La colonisation des terres historiques et traditionnelles a touché les Eeyouch de bon nombre de façons et a conduit à la dépossession de leurs terres et de leurs droits. Les méthodes, la philosophie et les doctrines juridiques utilisées pour dessaisir les Premières Nations sont trop variées, complexes et étendues pour qu’on en fasse l’examen dans le présent rapport. Il est prudent de conclure que les attitudes, doctrines et politiques élaborées pour justifier la prise des terres et des ressources, avec le déni conséquent des droits des Eeyouch, étaient et continuent d’être mues par les objectifs politiques et économiques de l’État. Les choses se sont déroulées dans les territoires traditionnels et historiques des Eeyouch comme ailleurs au Canada : la souveraineté et la compétence non Eeyou ont été exercées d’abord par le commerce de la fourrure, ensuite pas les missionnaires et plus tard par l’État. Toutefois, le présent rapport examine en premier lieu les relations entre l’Eeyou et le gouvernement fédéral, notamment en ce qui a trait à l’exercice et à la pratique du gouvernement local de l’Eeyou (Cris et Naskapi). L’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au gouvernement fédéral le pouvoir de promulguer des lois visant « les Indiens et les terres réservées aux Indiens2 ». Cette responsabilité a été assumée par le gouvernement fédéral sans consultation avec les « Indiens » et sans leur consentement. La Proclamation royale de 1763 a établi que la conclusion de traités avec les Indiens relevait uniquement de la Couronne impériale au nom du Royaume-Uni. Après la Confédération, c’est le gouvernement fédéral qui a naturellement assumé cette responsabilité ainsi que celle de toutes les affaires ayant trait aux « Indiens et aux terres réservées aux Indiens ». À la fin du dix-neuvième siècle, le Parlement a promulgué, conformément à son autorité constitutionnelle sur les Indiens et leurs terres, la Loi sur les Indiens, basée sur les politiques relatives aux Indiens élaborées au dix-neuvième siècle. Ces politiques ont été conçues en postulant l’infériorité et l’incapacité des « Indiens » et en se fondant sur une approche assimilationniste au « problème indien ». La mentalité qui dicte et perpétue de telles politiques veut que ses choix soient justes et ceux des autres erronés, leurs croyances vraies et celles des autres fausses. Ce relativisme, qui a envahi la société canadienne, remet en question la nature de la vérité et tend à susciter chez l’« Eeyou » le sentiment d’être coupable de son essence propre, de sa culture, de ses valeurs et de sa société. Une telle mentalité et un tel relativisme constituaient une menace à la société, aux valeurs et à la culture des Eeyouch, car les politiques de l’État ont été élaborées et mises en "uvre dans le but d’éliminer ou de modifier profondément la société et la culture Eeyou. La Loi sur les Indiens était oppressive, comportait des disparités de droit considérables et prévoyait des pénalités et des interdits pour les Indiens. Si elle avait été appliquée à tous les citoyens, cette loi aurait été déclarée illégale et inconstitutionnelle. Les femmes indiennes étaient considérablement désavantagées par les dispositions inéquitables et discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Ceci est vrai particulièrement en ce qui a trait aux dispositions discriminatoires touchant l’abandon des terres, les dispositions testamentaires, les élections dans les bandes, le statut d’Indien inscrit et l’émancipation. De plus, la politique réglementant le droit de vote des « Indiens » constituait un cas clair de disparité de droits. En 1885, le droit de vote aux élections fédérales a été accordé aux Indiens de l’est du Canada; avaient le droit de vote les Indiens de sexe masculin qui occupaient une propriété immobilière, c’est-à-dire un lot dans une réserve d’une valeur d’au moins 50 $. Cependant, la loi qui accordait le droit de vote aux Indiens de l’est a été abrogée en 1898, ce qui privait tous les Indiens du droit de vote aux élections fédérales. Les lois provinciales ont alors établi les conditions d’admissibilité aux élections provinciales. De telles lois provinciales comportaient des exigences quant à des titres de propriété auxquelles les Indiens vivant en réserve ne pouvaient satisfaire, à moins de s’émanciper. En 1960, le droit de vote aux élections fédérales a finalement été accordé à tous les Indiens, sans condition. En 1969 enfin, le droit de vote au Québec a été accordé aux Indiens. Il faut savoir que le gouvernement du Canada, en appliquant la Loi sur les Indiens et les politiques subséquentes, traitait les « Indiens » en enfants ou en pupille de l’État. Avec les années, la Loi sur les Indiens et ses modifications ont empiété massivement sur la vie et la culture des Premières Nations autochtones, y compris les Premières Nations cries et naskapie. Avant l’exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois et des ordonnances subséquentes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement, la Loi sur les Indiens était la principale loi concernant le gouvernement local Eeyou, le contrôle et l’administration des terres locales cries et naskapies. La Loi sur les Indiens, dans sa version amendée, a divisé les nations autochtones, y compris les Cris et les Naskapis, en « bandes », a imposé une forme élective de gouvernement aux pouvoirs très limités et a accordé au ministre des Affaires indiennes un droit de veto sur les décisions prises par les gouvernements locaux. On a fait fi des formes traditionnelles de gouvernement fondées sur la loi et les coutumes traditionnelles pour les remplacer par des autorités fédérales en vertu de la Loi sur les Indiens. Le système électif visait à accélérer l’assimilation en éliminant les systèmes traditionnels de gouvernement. Conformément à la Loi sur les Indiens, les peuples indiens, y compris les peuples cris et naskapi, ne pouvaient gérer leurs propres terres ni leurs finances et se trouvaient sous la tutelle d’agents nommés par le gouvernement fédéral dont la tâche était de s’assurer de l’application des politiques fédérales dans les différentes réserves et communautés dispersées dans le territoire canadien. La Loi sur les Indiens, et ses modifications subséquentes, ont accordé au Surintendant général des Affaires indiennes le pouvoir de contrôler les conseils de bande et les élections, ce qui érodait les systèmes traditionnels de gouvernement. En vertu des révisions apportées en 1951 à la Loi sur les Indiens, l’autorité du ministre des Affaires indiennes et du Gouverneur en conseil demeurait considérable, car plus de la moitié de l’application de la Loi était laissée à leur discrétion. Le système électif de gouvernement local était maintenu avec rôle de supervision, bien que le ministre des Affaires indiennes jouisse du droit de veto. Le système juridique de pouvoirs législatifs des bandes, limités et supervisés, prévu par la Loi sur les Indiens était une entrave à l’exercice adéquat de l’autonomie gouvernementale locale. De nombreuses mesures ont été adoptées pour accroître le contrôle fédéral et réduire l’autonomie politique et culturelle des « Indiens » dans le cadre de la Loi sur les Indiens. La Loi réglementait presque tous les aspects importants de la vie quotidienne des « Indiens », de l’acquisition du statut d’Indien inscrit à la succession de la propriété à la mort d’un « Indien ». Au fil des ans, bien des tentatives ont été faites pour libérer les Indiens du régime juridique de la Loi sur les Indiens. Certaines décisions des tribunaux ont débouché sur des modifications de la Loi visant à réduire les disparités juridiques. Même si l’État avait tenté certaines consultations avec les peuples indiens, les propositions de réforme de la Loi sur les Indiens émanant des peuples autochtones n’ont presque jamais été prises au sérieux par le gouvernement fédéral. Toutefois, en ce qui a trait au gouvernement local des « bandes » et de l’administration de leurs terres, les dispositions de la Loi sur les Indiens maintenaient en place, dans son essence, le régime juridique établi au dix-neuvième siècle. La division des Affaires indiennes du gouvernement fédéral est par la suite devenue le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien actuel lequel assume le contrôle sur les « Indiens » ainsi que sur leurs affaires et relations gouvernementales et administratives. Le contrôle sur les structures politiques, l’administration et la gestion des terres, le développement économique et social des Indiens a donné au gouvernement fédéral tout ce dont il semblait avoir besoin pour parfaire les politiques non encore menées à terme héritées de ses prédécesseurs coloniaux. Les Eeyouch (peuples cris et naskapi) se souviennent très bien de la Loi sur les Indiens, qui a commencé pour eux avec l’arrivée de l’agent des Indiens dans leurs communautés et territoires. Au début du vingtième siècle, les Cris de l’Eeyou Istchee (territoire historique et traditionnel de l’Eeyou) ont été inscrits par les agents des Indiens en tant qu’« Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens. Entre la Confédération du Canada, établie en 1867, et 1898, la portion de l’Eeyou Istchee située au sud de la rivière Eastmain faisait d’abord partie de la terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest jusqu’à son transfert, en 1898 à la Province de Québec par le gouvernement du Canada. Ce transfert s’est effectué sans consultation avec les Cris qui habitaient ces territoires depuis des millénaires, et sans leur consentement. En 1912, les portions des terres de l’Eeyou Istchee et des Naskapis, ainsi que les terres des Inuit, situées au nord de la rivière Eastmain, ont été transférées à la Province de Québec par le gouvernement du Canada dans des circonstances semblables. Conformément à la Loi de l’extension des frontières du Québec de 1912, ce vaste territoire a été transféré à la Province de Québec par le gouvernement fédéral. En acquérant ce territoire, le Québec assumait l’obligation, en vertu de la Loi, de régler les revendications territoriales et autres des Autochtones vivant dans ce territoire. Dans les années 30, la plupart des Cris, à l’intérieur de leurs communautés, ont été inscrits comme « bandes » dispersées dans tout l’Eeyou Istchee. Pour ce qui est des Naskapis, les premiers contacts réguliers avec le gouvernement fédéral ont débuté en 1949, avec la visite de l’agent des Indiens à Fort Chimo3. L’agent des Indiens a apporté une certaine assistance, d’abord sous forme de « rations » puis de bons de nourriture ou de vêtements. Bon nombre d’histoires circulent au sujet du don, aux Cris, de bottes et d’aliments en conserve tels que des tomates. Un agent des Indiens comme Hervé Larivière, en tant que représentant du Surintendant général des Affaires indiennes, a exercé de nombreux pouvoirs dans presque tous les domaines de la vie quotidienne des peuples cris et naskapi. L’agent des Indiens, connu dans la plupart des communautés cries sous le nom de Chisa-Chemaou Kouhpahnehou (agent du grand patron) ou Weech-heewehou Oujemaaou (patron aidant), exerçait le contrôle des affaires locales de nature administrative, financière et juridique. L’agent des Indiens arrivait souvent dans les villages cris accompagné de la police " la Gendarmerie royale du Canada " pour établir la loi et l’ordre. On comprend facilement que l’agent des Indiens en soit venu à être considéré comme une personne toute-puissante, à l’influence énorme sur la vie quotidienne et villageoise des peuples cris et naskapi. L’agent fédéral des Indiens était le premier représentant officiel du gouvernement à entretenir des relations directes d’une certaine importance et sur une base régulière avec les peuples cris et naskapi. De toute évidence, l’agent des Indiens était l’agent principal et le plus influent dans les relations entre le gouvernement fédéral et les Cris et Naskapis. Abstraction faite de l’application et de l’exécution des lois et règlements provinciaux sur la chasse et la pêche, le gouvernement du Québec était considéré jusqu’à la fin des années 60 par les Cris (Eeyou) de l’Eeyou Istchee comme « absent » de ce territoire. En fait, le gouvernement du Québec estimait que les « Indiens » relevaient exclusivement du gouvernement du Canada. De plus, l’Eeyou Istchee était considéré par le Québec et le Canada comme terres de la Couronne ou terres publiques et constituait par conséquent une partie du territoire du Québec. Bien que les agents des Indiens aient commencé a se retirer dès les années 60, les conseils de bande des peuples cris et naskapi continuaient de fonctionner dans le cadre restrictif de la Loi sur les Indiens, laquelle avait d’abord été conçue au dix-neuvième siècle. Dans les années 60, les villages cris, isolés et fragmentés, ont été occupés par une ou plusieurs « bandes » reconnues et administrées par un bureau régional du ministère des Affaires indiennes. Les villages de l’Eeyou ont été nommés et associés à des postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les « bandes » administratives des « Indiens » cris ont par la suite conservé le nom. En fait, le peuple cri avait nommé ses villages en référence à ses attributs historiques, géographiques et autres. Dans les années 60, la Compagnie de la Baie d’Hudson a fermé ses comptoirs aux postes de Waswanipi et de Nemaska. Entendant des rapports selon lesquels leurs territoires et villages traditionnels seraient inondés par des développements hydroélectriques à venir, les Cris de Waswanipi et de Nemaska n’eurent d’autre choix que d’abandonner leurs villages. Les Eenouch de Nemaska se sont déplacés vers les villages de Mistassini et de Rupert’s House (Waskaganish). Les Eenouch de Waswanipi ont été dispersés en plusieurs campements et dans certaines villes non Eeyou, comme Chapais, Miquelon et Matagami. Les Eenouch de Waswanipi et de Nemaska considèrent leur déplacement comme une initiative ne venant pas d’eux-mêmes. Il s’agit à leurs yeux d’un déplacement forcé par leur situation sociale et économique. Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont été dispersés et déplacés à plusieurs reprises vers différents lieux et campements dans leurs territoires historiques et traditionnels. Pour des raisons administratives et économiques, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont été inscrits en tant que membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes. En outre, les Eenouch de Neoskweskow et de Nitchequon, lieux qui servaient de postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ont été inscrits, pour des raisons économiques et administratives, comme membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes. Il est permis de douter que les Eenouch de ces postes aient été consultés sur leur déplacement vers le village de Mistassini. En 1956, les Eeyouch naskapis sont parvenus à Schefferville au Québec, à la suite de plusieurs déplacements des communautés à partir de Fort Chimo, de Fort Nascapie et de Fort McKenzie sur une période de plus d’un siècle. Les Naskapis se sont établis sur un site adjacent au Lac John dépourvu des infrastructures et des services de base essentiels à un village4. En 1969, le ministère des Affaires indiennes a fait l’acquisition, pour le bénéfice des Eeyouch naskapis, d’un site situé au nord du centre urbain de Schefferville. En 1972, de nouvelles maisons avaient été construites pour eux (ce nouveau site est connu sous le nom de réserve de Matimekosh, que se partageaient des bandes montagnaises et naskapie)5. En 1971, les Eeyouch naskapis sont devenus une « bande » connue sous le nom de « bande des Naskapis de Schefferville » en vertu de la Loi sur les Indiens6. La Loi sur les Indiens, avec son imposition d’un système électif, déterminait la structure officielle d’un gouvernement local limité par le chef et le Conseil de chacune des communautés ou « bandes » cries et naskapie. Cette structure officielle a été soulignée par le ministère des Affaires indiennes dans ses rapports avec les « bandes » cries et naskapie. Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont confirmé et exercé le droit à l’autonomie gouvernementale, conformément aux lois et coutumes traditionnelles, car le gouvernement fédéral ne les considérait pas comme une « bande » distincte conformément à la Loi sur les Indiens. Le gouvernement local des autres villages cris et naskapi fonctionnait également à l’intérieur des paramètres des lois et coutumes traditionnelles, sans égard au régime juridique en vertu de la Loi sur les Indiens. Exemple classique d’administration et de gouvernement local par la « bande » dans les villages cris du début des années 70 : le chef recevait un salaire, habituellement à titre d’employé à mi-temps, et était secondé par un gestionnaire de bande et un secrétaire à temps plein qui dirigeaient le bureau de chacune des bandes, la plupart du temps dans une petite structure d’une pièce ou deux. Souvent, les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes prenaient des décisions importantes que le chef et le conseil entérinaient sans discuter. À l’intérieur des limites étroites du processus de prise de décisions imposé par la bureaucratie du ministère des Affaires indiennes, une action politique efficace par les Eeyouch et la direction de l’Eeyou était difficile. Le ministère des Affaires indiennes considérait généralement les structures officielles de gouvernement et d’administration de la bande comme instruments au service de la promotion et de la mise en place des politiques fédérales, car la Loi sur les Indiens n’accordait pas d’autorité réelle à ces structures locales. La Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes en sont venus à être considérés comme des instruments ou des agents d’intrusion dans la société Eeyou. Les peuples cris et naskapi, comme les autres « bandes indiennes », se situaient aux échelons inférieurs de la hiérarchie bureaucratique. Dans le ministère des Affaires indiennes, Ottawa était au centre des instances qui prenaient les décisions touchant les Indiens pour les différents programmes et services administrés par le ministère. Dans ces bureaux, il n’y avait pas ou peu de consultation avec les « bandes indiennes » comme les « bandes » cries et naskapie. Les employés gouvernementaux déterminaient les budgets locaux, évaluaient les arrangements administratifs, concevaient les maisons des communautés indiennes, esquissaient les systèmes d’aqueduc et d’égouts, élaboraient les programmes scolaires, planifiaient et suggéraient les schémas de développement économique, menaient des recherches juridiques et faisaient en général tout ce qu’ils estimaient être dans l’intérêt de la « bande indienne », quand ce n’était pas dans le meilleur intérêt du ministère. Chaque province avait un quartier général régional administrant toutes les bandes « indiennes » vivant dans son territoire. Québec était le siège social administratif régional des « bandes » indiennes du Québec. Dans les années 70, la majorité des « bandes » cries vivant dans le district abitibien étaient administrées à partir du Bureau de district des Affaires indiennes à Val d’Or au Québec (dans les années 60, le Bureau de district des Affaires indiennes était situé à Amos au Québec). En effet, le Bureau de district des Affaires indiennes était au centre des relations entre les bandes cries et le gouvernement fédéral. Les « bandes » cries et naskapie entretenaient rarement des relations directes avec le gouvernement du Canada. Cependant, le ministère des Affaires indiennes a permis à certaines bandes cries de s’administrer localement, mais non de déterminer, certains programmes ou services fédéraux grâce à des arrangements administratifs et contractuels. Ainsi, les bandes cries géraient dans une certaine mesure, limitée, les écoles locales. En 1970, les Eeyouch ont compris et continuent de comprendre que le progrès de l’autonomie gouvernementale, le développement social et économique et l’éradication des maux sociaux qui les affligent ne peuvent et ne pourraient pas être accomplis à l’intérieur des limites imposées par la Loi sur les Indiens et par le bras administratif dominateur du ministère des Affaires indiennes. Par conséquent, pour les Eeyouch, le contrôle étendu et la domination exercés par le gouvernement fédéral sur la société et le territoire Eeyou par la Loi sur les Indiens et le Ministère des Affaires indiennes sont devenus les catalyseurs du changement dans les relations Eeyou-fédérales. |
||
|
|
CHAPITRE 3 |
---|
GOUVERNEMENT LOCAL EEYOU (CRIS ET NASKAPIS) |
Le court texte qui suit décrit la situation et les conditions des Eeyouch (Cris et Naskapis), leurs administrations et gouvernement local ainsi que les relations avec le gouvernement fédéral au début des années 70, avant l’application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) :
En 1974, les Cris (Eeyou) de l’Eeyou Istchee établirent le Grand Conseil des Cris (du Québec) afin de protéger leurs droits et intérêts dans leurs territoires historiques et traditionnels et de promouvoir leur sens de la collectivité, de l’identité et du statut en tant que peuple et nation. Pour le peuple cri et naskapi, il n’y a pas d’autres principes de base dans l’histoire et les relations des Autochtones que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs territoires, conformément à leurs traditions, valeurs, buts et aspirations. En particulier, la reconnaissance mutuelle entre peuples coexistants et jouissant de l’autonomie gouvernementale est fondamentale dans le maintien des relations avec le Canada et le Québec. Les négociations qui ont mené, tout au long des années 70, à l’application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois ont été une occasion rare pour les peuples cris et naskapi, respectivement, d’obtenir la reconnaissance de droits, garanties et bénéfices particuliers pour leurs sociétés distinctes et leur mode de vie basé sur leur relation centrale et privilégiée avec leurs territoires historiques et traditionnels. Ces négociations et conventions ont aussi fourni un moyen de faire valoir, dans une certaine mesure, leur vision d’autonomie gouvernementale pour leur peuple, leurs communautés et leurs terres, vision limitée cependant par l’environnement politique et juridique en place dans les années 70. Par conséquent, le 11 novembre 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) a été signée par le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Québec Inuit Association, le Gouvernement du Canada, le Gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État telles qu’Hydro-Québec. La Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) a été signée le 31 janvier 1978 par la bande des Naskapis de Schefferville, le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Québec Inuit Association, le Gouvernement du Canada, le Gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État telles qu’Hydro-Québec. La CBJNQ et la CNEQ émanent de ce qui, au début, était l’opposition des Cris de l’Eeyou Istchee à un projet de développement hydroélectrique dans leurs territoires historiques et traditionnels. Par conséquent, ces conventions ou traités sont également des arrangements à l’amiable ainsi que des ententes de revendications territoriales ou traités. En ce qui concerne les Eeyouch (Cris), la CBJNQ a été signée sous coercition : refuser le développement hydroélectrique n’a jamais été une option envisageable, car la construction de routes d’accès aux sites de développement hydroélectrique avait commencé dès 1971, le travail sur le premier barrage en 1973, et une injonction stoppant brièvement la construction du projet de développement hydroélectrique avait été renversée en appel. Le 4 mai 1977, le Parlement passait la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois laquelle approuvait, appliquait et déclarait valide la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Conformément à cette loi, le Gouverneur en conseil a par la suite approuvé, appliqué et déclaré valide la Convention du Nord-Est québécois. En outre, l’Assemblée nationale du Québec a promulgué de nombreuses lois pour appliquer les articles particuliers de la CBJNQ et de la CNEQ. L’article 9 (administration locale sur les terres de catégorie IA) de la CBJNQ prévoit « qu’on recommande au Parlement l’adoption d’une loi spéciale prévoyant l’administration locale par les Cris de la Baie James des terres de catégorie IA qui leur ont été attribuées ». L’article 7 (administration locale sur les terres de catégorie 1A-N) de la CNEQ prévoit des dispositions semblables au sujet de l’autonomie gouvernementale des Naskapis du Québec sur les terres de catégorie IA-N attribuées à cette nation. Le paragraphe 5.1.2 de l’article 5 de la CBJNQ définit les terres de catégorie IA comme des « terres réservées à l’utilisation exclusive des bandes cries de la Baie James, incluant la bande de la rivière Grande Baleine. Elles seront administrées, dirigées et contrôlées par le Canada, sous réserve des conditions de la présente Convention ». De façon semblable, le paragraphe 5.1.2 de l’article 5 de la CNEQ définit les terres de catégorie IA-N comme des « terres mises de côté à l’usage et au profit exclusifs de la bande naskapie, relevant de l’administration, de la régie et du contrôle du Canada, sous réserve des conditions de la présente Convention ». Tous les villages cris et naskapi sont (ou dans le cas d’Oujé-Bougoumou, seraient) situés sur les terres de catégories IA ou IA-N. Il est clair que les peuples cris et naskapi souhaitaient maintenir une relation, mais une relation redéfinie avec le gouvernement du Canada sur la base de l’esprit et de la lettre des dispositions de la CBJNQ et de la CNEQ en tant que traités et responsabilités constitutionnelles du Canada. Par conséquent, conformément à l’article 9 de la CBJNQ et à l’article 7 de la CNEQ et afin d’établir une relation redéfinie avec le Canada, les peuples cris et naskapi et le gouvernement du Canada ont discuté des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, laquelle a reçu l’assentiment royal le 14 juin 1984. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d'administration locale organisé et efficace ainsi que l'administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus aux Conventions » en vertu de la CBJNQ et de la CNEQ. Durant la période de discussions au sujet des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (1975 à 1984), les déplacements des peuples cris et naskapi suivants ont eu lieu :
Dans les discussions concernant un nouveau régime au sujet du gouvernement local, de l’administration, de la gestion et du contrôle des terres communautaires, les Eeyouch (Cris et Naskapis) ont rejeté le régime juridique accordant au gouvernement local des pouvoirs supervisés et le droit de veto au ministre, en vertu de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens, laquelle cesse de s’appliquer aux bandes cries et à la bande naskapie. Elle (la Loi sur les Indiens) ne s’applique pas non plus aux terres des catégories IA ou IA-N sauf aux fins de déterminer lesquels des bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » aux termes de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, en plus d’ériger de nouvelles communautés et d’accélérer le développement des communautés, comme par exemple le logement et les infrastructures pour les communautés nouvelles et existantes, les peuples cris et naskapi mettaient en place un nouveau régime d’administration, de gestion et de gouvernement local des terres de catégories IA et IA-N, respectivement. La situation des Cris d’Oujé-Bougoumou est décrite au chapitre 5 du présent rapport. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et la Loi sur les Indiens ne s’appliquent pas aux Cris d’Oujé-Bougoumou qui, par conséquent, ne sont pas constitués en une corporation de bande distincte et séparée en vertu des lois. Néanmoins, les Cris d’Oujé-Bougoumou exercent leur droit à l’autonomie gouvernementale par la nation des Eenouch d’Oujé-Bougoumou, leur unité traditionnelle et historique d’autorité et de gestion. Sans égard au régime juridique de gouvernement local en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Eeyouch (peuples cris et naskapi) continuent à faire de la place à leurs traditions et coutumes dans l’exercice et la pratique du gouvernement local. Pour mettre en place et fournir un système de gouvernement local cri et naskapi et pour l’administration, la gestion et le contrôle des terres communautaires par les bandes cries et naskapie, respectivement, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit les points essentiels et généraux suivants :
Il semble donc que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec soit un statut complet et complexe de gouvernement local et d’administration pour les Cris et les Naskapis. Pendant les entretiens portant sur les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, un jalon historique dans l’histoire des relations avec les Autochtones a été posé lorsque la Constitution du Canada a été modifiée pour confirmer et reconnaître les droits des Autochtones et les droits issus de traités. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 affirme :
Par conséquent, en ce qui a trait aux peuples cris et naskapi, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les « droits autochtones existants et les droits issus de traités ». Les droits issus de traités comprennent les droits visés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et par la Convention du Nord-Est québécois. La source, les termes et les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec diffèrent donc considérablement de la Loi sur les Indiens sous les aspects suivants :
Toutefois, la source, les termes et les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ) sont semblables à ceux de la Loi sur les Indiens en ce qui a trait aux points importants suivants :
La mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été ardue pour toutes les parties concernées. Les nombreux problèmes, questions et préoccupations rencontrés par les peuples cris et naskapi et par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sont décrits aux chapitres 5, 6, 7, 8, 9 et 10 du présent rapport. Il convient de noter et de souligner que l’exercice et la pratique du gouvernement local cri et naskapi ne peuvent être compris que si on lit et considère comme un tout la CBJNQ, la CNEQ et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Après tout, d’autres sections de la CBJNQ et de la CNEQ portent sur la compétence et les responsabilités du gouvernement local et des autorités cris et naskapis. L’esprit et la lettre de ces traités doivent aussi être compris et respectés pour maintenir et améliorer les relations entre le gouvernement fédéral, les Cris et les Naskapis. À la lumière des arrêts récents de la Cour suprême touchant l’interprétation des traités et l’importance des rapports historiques oraux par les peuples autochtones, il devient nécessaire de rassembler des rapports oraux et écrits sur la conception et la signification des traités des temps modernes, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. La plupart des intervenants majeurs engagés dans ces processus historiques sont toujours en vie et pourraient contribuer de façon marquante qui favoriserait et permettrait une meilleure compréhension de l’esprit et de la lettre de ces conventions et traités. De plus, les peuples cris et naskapi possèdent un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Le droit à l’autonomie gouvernementale est inhérent aux nations cries et naskapie. Par conséquent, c’est par la nation que les Cris et les Naskapis expriment leur autonomie personnelle et collective. La nation Eeyou est l’unité traditionnelle et historique du pouvoir d’autonomie gouvernementale reconnu dans le processus de conception de traité et par les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones concluait que « le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un des droits des Autochtones et droits issus des traités » lequel est reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, le gouvernement du Canada, dans son énoncé de politique d’août 1995, reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en tant que droit autochtone existant en vertu de l’article 35 de Loi constitutionnelle de 1982. Par conséquent, l’interprétation et la mise en application de la CBJNQ, de la CNEQ et de la LCNQ sont des expressions partielles du droit inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale. La reconnaissance implicite du droit inhérent de l’Eeyou à une autonomie gouvernementale, dotée de moyens viables pour la mise en application adéquate de l’autonomie gouvernementale dans la CBJNQ et la CNEQ et une législation telle que la LCNQ, constituerait une expression complète du droit des Cris et des Naskapis à l’autonomie gouvernementale locale. Cependant, la signification, la source, la nature, la portée et les autres attributs associés à l’autonomie gouvernementale Eeyou doivent être déterminés et tirés au clair afin de déterminer la voie menant au gouvernement local Eeyou conformément aux besoins, aspirations et buts des Eeyouch. Idéalement, ces questions et points connexes peuvent être abordés par les Eeyouch et peut-être par des négociations et ententes subséquentes avec le gouvernement du Canada (et le gouvernement du Québec). Dans la mesure où l’autonomie gouvernementale Eeyou est exercée et pratiquée actuellement, la Commission crie-naskapie est parvenue aux observations et conclusions suivantes :
|
|
CHAPITRE 4 |
||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
LES ENTENTES REPLACÉES DANS LEUR CONTEXTE : DROITS ISSUS DE TRAITÉS 1975-2000 |
||||||||||||
Introduction |
||||||||||||
La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois (« les conventions ») ont été signées en 1975 et en 1978 respectivement. Avec l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, les droits des Cris et des Naskapis prévus aux conventions ont été déclarés « droits issus de traités » et ont été « reconnus et confirmés » comme faisant partie de la « loi suprême du Canada ». Depuis cette date, de nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada ont précisé le sens et la mise en application de ces dispositions constitutionnelles et, ce faisant, la portée et l’effet des conventions. Tout ceci peut sembler d’un intérêt quelconque pour toute personne qui se penche sur l’état des lois et des politiques relatives aux Autochtones en l’an 2000. La situation actuelle constitue toutefois un changement spectaculaire par rapport à celle qui régnait en 1975 et avant. À la fin du dix-neuvième siècle et durant une bonne partie du vingtième siècle, les tribunaux, à l’encontre de l’opinion selon laquelle les gouvernements devaient respecter les traités, considéraient ces derniers comme de « simples promesses de la Couronne ». Sans loi pour encadrer la portée précise de leurs dispositions, ces traités étaient essentiellement non exécutoires devant un gouvernement peu disposé à coopérer. La plupart du temps, les gouvernements interprétaient les traités de façon tellement réductrice que même les « simples promesses » n’entraînaient que peu d’obligations réelles pour eux en ce qui a trait aux droits des peuples autochtones1. Démocratie, minorités et peuples autochtones Le Canada est l’un des rares pays dans lequel une très grande majorité de la population est constituée soit d’immigrants ou de descendants d’immigrants. Ceci a eu pour conséquence que notre politique a souvent comporté une forte composante de débats portant sur les relations entre les différentes communautés. Ceci s’est concrétisé de différentes façons en termes de relations entre Francophones et Anglophones, d’écoles distinctes, de politique de bilinguisme et de multiculturalisme, de politique d’immigration ainsi que de législation sur les droits de la personne. Dans l’ensemble, on a souvent pu constater une tension dynamique entre les concepts de melting pot et de « communauté de communautés ». Cette tension est souvent un élément bon et positif de notre conscience publique. Bien entendu, cette situation amène de temps à autre à notre attention des aspects plutôt négatifs de la vie politique. En d’autres termes, le Canada a toujours dû maintenir un équilibre délicat entre le respect des minorités d’une part et le besoin d’unité nationale et de prise de décision démocratique d’autre part. La primauté du droit, le système fédéral et la Charte des droits et libertés représentent des tentatives (la plupart du temps heureuses) pour atteindre cet équilibre. Dans ce tourbillon de concepts et de réalités politiques, les peuples autochtones du Canada ont vu beaucoup trop souvent leurs droits ignorés. Encore en 1969, le premier ministre alors en poste, Pierre Trudeau, niait la pertinence des droits ancestraux des peuples autochtones et jouait avec l’idée de les abolir2. Il faut dire à la décharge du premier ministre qu’il a par la suite appuyé l’inclusion dans la Loi constitutionnelle d’articles qui « reconnaissent et confirment les droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones ». Être apte et disposé à faire la distinction entre les droits uniques (sui generis) ancestraux et issus de traités des peuples autochtones et les droits garantis par la Charte et autres dont jouissent tous les Canadiens représente un défi politique permanent, non seulement pour les peuples autochtones, mais pour tous les Canadiens. En tant que Canadiens, nous jouissons tous de droits individuels (et, dans une certaine mesure, de droits collectifs) définis dans la Charte des droits et libertés et dans les autres dispositions de la Constitution. Les droits existants des peuples autochtones sont les droits dont les peuples autochtones ont joui depuis les temps immémoriaux et qui n’ont jamais été modifiés par les traités signés avec la France, la Grande-Bretagne ou le Canada. Les droits issus de traités découlent de traités et de conventions en vertu desquels les signataires autochtones offraient au gouvernement certains avantages, tels que le territoire et les ressources, et recevaient, en retour, des bénéfices tels que le développement économique, les soins de santé, l’accès à l’éducation, etc. Ces bénéfices s’ajoutent aux services offerts à tous les Canadiens et représentent une forme de paiement analogue à un loyer du territoire et des ressources. Ceux qui critiquent les droits fonciers issus de traités oublient souvent les bénéfices énormes que tout le Canada a tirés de ces mêmes traités. Ainsi, les conventions touchant le Nord québécois ont donné aux Canadiens et aux Québécois accès à des produits forestiers et miniers, à des territoires et à des ressources hydroélectriques valant des milliards de dollars. Pour toutes ces raisons, les traités et conventions signés avec les Autochtones, tout en donnant des droits particuliers aux peuples autochtones, sont des moyens par lesquels les autres Canadiens ont eu accès à des territoires et à des ressources pratiquement illimités. La primauté du droit Une valeur centrale dans la théorie juridique canadienne est celle de la primauté du droit. S’il existe bon nombre de définitions de ce concept, celle de Hilaire Barnett est peut-être la plus éclairante :
Plus récemment et d’une façon plus autoritaire, la Cour suprême du Canada, dans son renvoi sur la sécession du Québec de 1998, a abordé la question de la primauté du droit et du concept apparenté de « constitutionnalisme ». La cour a entre autres affirmé :
Le fait que les amendements constitutionnels de 1982 enchâssaient les droits ancestraux et les droits issus de traités des premières nations dans la Constitution a eu une portée considérable. L’article 35 rappelle que : |
||||||||||||
|
||||||||||||
Ces deux dispositions rendues applicables par le principe de la primauté du droit ont tout changé. Dans l’arrêt Badger, la Cour suprême du Canada a conclu que : « Les traités - créent des obligations exécutoires7 ». On est donc loin des « simples promesses » que les tribunaux ont vu dans les différentes décisions de la Confédération pendant une bonne partie du vingtième siècle. La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois sont reconnues constitutionnellement et confirmées comme faisant partie de la « loi suprême du Canada ». Les conventions ont en fait créé des « obligations exécutoires ». Il peut se produire parfois que les gouvernements trouvent peu pratique, coûteux et même peu rentable sur le plan politique de respecter ces obligations. Cela ne leur donne pas le droit pour autant de manquer à leurs engagements. On a jugé que la Couronne avait une relation fiduciaire qui l’exige à respecter les obligations découlant des traités, même lorsque les pressions fiscales ou politiques sont susceptibles de dicter une autre conduite8. La nature des conventions et traités Les traités et conventions peuvent prendre des formes très différentes, allant de traités compacts, comme ceux négociés par les Cris et les Naskapis et qui contiennent des centaines de milliers de mots exposant une gamme étendue de responsabilités, jusqu’à la simple protection militaire identifiée comme traité dans l’arrêt Sioui. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fait des commentaires éclairants de 1990 en affirmant :
La Cour suprême a compris assez clairement le jeu de la politique et du droit dans l’histoire des relations entre les gouvernements et les peuples autochtones. En faisant allusion à l’histoire de la Baie James, le tribunal a affirmé dans l’arrêt Sparrow :
Dans certains cercles, on a exprimé quelques préoccupations, à savoir entre autres que les tribunaux prennent, du moins en partie, la place des gouvernements dans la conception des politiques relatives aux affaires indiennes. Ceci s’explique en partie par le fait que pendant des décennies, les gouvernements ont non seulement élaboré des politiques sans consulter les peuples autochtones, mais aussi qu’ils ont souvent conçu ces politiques en dérogation directe aux droits issus de traités des premières nations. Étant donné le pouvoir politique limité dont jouissent les premières nations, bon nombre d’entre elles n’ont eu d’autre choix que de s’adresser aux tribunaux pour protéger leurs droits. Cette démarche a eu un certain impact sur le processus d’élaboration de politiques mais, trop souvent, lorsque les tribunaux ont indiqué une direction claire quant à la façon d’élaborer les politiques, le gouvernement s’est conformé à l’arrêt de la cour dans le cas précis en cause tout en omettant d’observer le principe établi et en ne l’appliquant pas dans des circonstances analogues. Dans l’arrêt Sparrow, la Cour suprême a observé :
Bien sûr, la Cour n’avait jamais cherché à s’adjuger ce rôle extrajudiciaire. Au contraire, elle continue d’inciter les gouvernements et les peuples autochtones à négocier des ententes entre eux. Dans les cas des Cris et des Naskapis du Nord québécois, les conventions ont été négociées et signées en 1975 et en 1978 respectivement. La difficulté a résidé dans la mise en application des conventions, notamment de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ce genre de difficultés a constitué le lot des Premières Nations qui ont signé les traités historiques aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans le cas de ces anciens traités, les documents ont été rédigés par des représentants du gouvernement qui utilisaient leur propre langue ainsi que des concepts juridiques qui étaient les leurs. Par conséquent, dans bien des cas, le texte des traités écrits ne reflète pas toujours pleinement ou exactement les réalités abordées ou les termes sur lesquels les parties s’étaient entendues. Les tribunaux ont établi des règles d’interprétation qui remédient dans une grande mesure à cette difficulté. Dans le cas de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, la langue et les concepts juridiques étaient communs aux deux parties et bien compris d’elles. Les différends ont porté surtout sur l’interprétation des obligations ainsi que sur la question de savoir si oui ou non le gouvernement respectait les obligations prévues aux conventions (ainsi qu’en vertu des ententes conclues dans le cadre de ces conventions). Pour les communautés autochtones, il s’agissait là du principal problème associé aux conventions. Cette situation est source d’insatisfactions profondes, car les conventions étaient garanties d’abord légalement par la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones du Nord québécois et par la suite par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (c. 35). De nombreux procès ont été intentés par les Cris qui n’avaient d’autre façon de faire valoir leurs droits. Avant l’amendement de la Constitution en 1982, les droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones se trouvaient dans une position précaire sur le plan juridique. Ils pourraient être abolis (selon les tribunaux) par la législation britannique et plus tard par la législation canadienne (fédérale) qui visait clairement une abolition de ces droits. Traditionnellement, les tribunaux n’attribuaient qu’une portée limitée aux traités. En 1897, le Comité judiciaire du Conseil privé à Londres (à l’époque la dernière cour d’appel du Canada) affirmait :
Cette situation s’est maintenue, avec des variations minimes, jusqu’aux années 80. Encore en 1969, le premier ministre décrivait les traités comme des contrats et ajoutait qu’ils ne devaient peut-être pas être maintenus indéfiniment. Si les droits issus de traités devaient recevoir moins de protection juridique qu’ils ne méritaient, les droits des Autochtones se trouvaient en situation encore pire. Dans le même discours, le premier ministre affirmait en 1969 : « ...nous disons que nous ne reconnaîtrons pas les droits des autochtones14. » Comme nous le savons, le Premier Ministre Trudeau a par la suite changé d’avis (en partie peut-être à cause du raisonnement exposé dans l’arrêt Calder) et a accordé son appui à l’article 35 qui protège les droits des Autochtones. L’obligation de fiduciaire de la Couronne Au moment où est tombé l’arrêt Guérin en 1985, la Cour suprême du Canada a constaté qu’une relation de fiduciaire sui generis existait, laquelle imposait un certain nombre de responsabilités à la Couronne. Dans l’arrêt Guérin, ces responsabilités portaient sur le territoire, bien que les principes établis puissent s’étendre à certains aspects touchant les règlements de revendications territoriales. Dans l’arrêt Sparrow de 1990, une autre obligation de fiduciaire a été reconnue, laquelle exigeait du gouvernement qu’il agisse dans ses rapports avec les peuples autochtones, plutôt comme fiduciaire que de façon adversative. D’autres causes ont prolongé ces concepts. La Commission crie-naskapie croit que le cadre d’interaction entre le gouvernement fédéral et les Cris est beaucoup trop adversatif. Le Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James est, dans une mesure beaucoup trop grande, davantage une agence gouvernementale qui exerce des pouvoirs discrétionnaires et fixe ses propres priorités qu’un organisme qui vise à mettre en application l’esprit et la lettre de la Convention, laquelle jouit du statut de traité au sens de l’article 35. Peu importe la mesure dans laquelle le gouvernement en place souhaite changer l’histoire et ignorer les dispositions d’une convention qu’il juge peu pratiques, coûteuses ou peu rentables sur le plan politique, il a clairement le devoir d’agir honorablement et à titre de fiduciaire. On peut trouver des exemples de cette difficulté dans la controverse entourant les propositions émanant du gouvernement fédéral sur la protection contre l’incendie. L’article 28. 1 1 .1 (c) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit que le Canada et le Québec, en consultation avec les Cris, « doivent fournir financement et assistance technique pour : c) la protection contre l’incendie, y compris la formation des Cris, l’achat d’équipement et, lorsque cela s’avère nécessaire, la construction d’installations dans les différentes communautés cries ». Ceci signifierait pour les personnes les plus raisonnables que le Canada et le Québec ont accepté une responsabilité permanente dans le domaine de la protection contre l’incendie. Toutefois, le gouvernement fédéral a offert un paiement unique à la condition que les Cris libèrent le Canada de son obligation d’apporter indéfiniment son aide en matière de protection contre l’incendie. Ce type de comportement est incompatible avec l’obligation de fiduciaire et l’honneur de la Couronne. Un droit issu d’un traité est « reconnu et confirmé » par la Constitution et devrait être respecté par le gouvernement. Il est inique de tenter de manipuler les premières nations pour les amener à renoncer à de tels droits sous la pression des besoins immédiats. Également, un tel comportement mine la crédibilité des ministres Stewart et Nault, qui ont répudié publiquement les « erreurs du passé », invité à une nouvelle relation fondée sur la confiance et affirmé une résolution ferme d’assurer que les traités soient mis en application. Cette incohérence permanente entre les intentions gouvernementales formulées et le comportement bureaucratique fait ressortir le besoin urgent d’imputabilité pour les politiques du secteur public.** Les commissaires sont d’avis que si le ministre Nault est investi d’une autorité assez vaste et de portée assez profonde en matière de gestion de politiques, s’il jouit de l’appui constant de ses collègues du Conseil des ministres et si son mandat se prolonge au-delà de deux ou trois ans, il pourrait très bien réussir à faire appliquer les conventions, comme il se propose de le faire. Si l’une ou l’autre de ces trois conditions n’est pas remplie, il se verra confronté aux mêmes limites auxquelles ses prédécesseurs ont eu à faire face. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit l’imputabilité et le contrôle de la gestion des finances publiques. Une loi parallèle sur l’imputabilité des politiques pourrait garantir le devoir pour les fonctionnaires d’exécuter les politiques établies par le Cabinet et les ministres. Bref, la mise en application des conventions doit s’effectuer selon l’esprit, la lettre et l’intention de leurs dispositions. Une telle loi compenserait, dans une large mesure, le manque de pouvoirs réels de la plupart des ministres en ce qui a trait à la gestion de politiques. |
||||||||||||
|
|
CHAPITRE 5 |
|
---|---|
LES EENOUCH D’OUJÉ-BOUGOUMOU |
|
L’histoire des Eenouch d’Oujé-Bougoumou est l’épopée de la dépossession territoriale d’un peuple, de déplacements continuels d’une communauté pour des motifs d’administration et de développement, et de la lutte d’un peuple pour avoir une place au soleil dans son territoire historique et traditionnel. Historiquement et traditionnellement, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont toujours constitué un groupe distinct des Eenouch, et a exploité et occupé son territoire traditionnel, qui comprend environ 1 000 milles carrés de terres dans le Eeyou Istchee (terre des Cris). La découverte et l’exploitation de ressources minérales dans le territoire traditionnel et historique des Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont conduit à la dépossession territoriale et au déplacement continuel de ce peuple. Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou, en tant que nation autochtone distincte, n’est pas partie prenante de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Au moment des négociations qui ont mené à la conclusion de la (CBJNQ), les Eenouch d’Oujé-Bougoumou étaient enregistrés comme membre de la bande de Mistissini par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) pour des fins administratives et économiques. Par conséquent, les Cris d’Oujé-Bougoumou sont bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Cependant, la CBJNQ ne prévoit pas le transfert de terres des catégories IA, IB et II aux Cris d’Oujé-Bougoumou. Le droit aux terres des catégories I et II des Cris d’Oujé-Bougoumou, en tant que membres de la bande de Mistassini en 1974 et en 1975, a été calculé et inclus dans les terres des catégories I et II de Mistassini dans la CBJNQ. Étant donné que la nation crie d’Oujé-Bougoumou n’est pas une partie prenante distincte à la CBJNQ, cette dernière ne dit rien sur la question de l’attribution de terres des catégories I et II aux Cris d’Oujé-Bougoumou. Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne s’applique pas à la nation crie d’Oujé-Bougoumou. Au moment des négociations qui ont conduit à la conclusion de la CBJNQ, les Cris et les parties gouvernementales ont reconnu que la situation des Cris d’Oujé-Bougoumou, au nombre d’environ 200 Eenouch en 1974-75, serait visée par la CBJNQ une fois celle-ci entrée en vigueur. Les gouvernements du Canada et du Québec ont d’abord refusé une telle reconnaissance, mais les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont continué d’insister pour la tenue de négociations. Les Cris de Mistissini et le Grand conseil des Cris du Québec ont admis et reconnu que les Cris d’Oujé-Bougoumou constituaient un groupe séparé et distinct et qu’ils avaient par conséquent droit à leurs terres propres et à un nouveau village. Le gouvernement du Québec s’est présenté à la table des négociations dans les années 80. Le 6 septembre 1989, les Cris d’Oujé-Bougoumou et le gouvernement du Québec ont signé la Convention d’Oujé-Bougoumou. Les principales dispositions de la convention portaient, entre autres, sur le financement de la construction d'un nouveau village, sur un fonds de développement socio-économique et sur la reconnaissance par Québec des Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte. En ce qui a trait à un territoire pour les Cris d’Oujé-Bougoumou, la Convention d’Oujé-Bougoumou avec le Québec prévoit les dispositions suivantes** :
Les Cris d’Oujé-Bougoumou ont poursuivi leurs objectifs et aspirations tout au long de leurs négociations avec le gouvernement du Canada. Le 22 décembre 1990, les Cris d’Oujé-Bougoumou ont signé une entente de principe avec le Canada. Celle-ci repose sur la reconnaissance de la nation d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte et sur la participation financière du Canada à la construction d’un nouveau village. Cette entente de principe a ouvert la voie à d’autres négociations avec le gouvernement du Canada. La Convention Oujé-Bougoumou/Canada a été signée le 22 mai 1992 par les Cris d’Oujé-Bougoumou, le Grand Conseil des Cris (du Québec)/l’Administration régionale crie, et le gouvernement du Canada. La Convention Oujé-Bougoumou/Canada prévoit aussi la reconnaissance par le Canada des Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte et reconnaît de plus la nécessité d’accorder des terres aux Cris d’Oujé-Bougoumou. Dans cette optique, le Canada et les Cris ont entrepris d’amender la CBJNQ au moyen d’une Convention complémentaire qui inclurait les Cris d’Oujé-Bougoumou comme signataires de la CBJNQ de plein droit. De plus, le Canada a entrepris, dans la Convention Oujé-Bougoumou/Canada, de recommander l’adoption par le Parlement d’une loi visant à amender la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de manière à incorporer les Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que neuvième bande crie de la Baie James et à prévoir l’attribution de terres de la catégorie IA à la nouvelle bande d’Oujé-Bougoumou. La Convention Oujé-Bougoumou/Canada et la Convention entre la nation d’Oujé-Bougoumou et le Québec envisagent un « transfert » de terres à partir de portions actuelles de terres des catégories I et II de Mistissini afin de constituer un territoire pour les Cris d’Oujé-Bougoumou. Pour en arriver à une réattribution et à une réorganisation ordonnée, équitable et juste de ces terres, le Québec et la nation crie de Mistissini ont signé un protocole d’entente le 6 décembre 1989. Ce protocole d’entente prévoit également, avant tout « transfert » de terre, un règlement ou une entente portant sur des questions et des préoccupations précises de Mistissini. Le 30 mai 1991, les Cris d’Oujé-Bougoumou ont tenu une cérémonie historique sur les rives du lac Opemiska, à l’endroit où le nouveau village doit être construit. En 1994, les Cris d’Oujé-Bougoumou et le Gouvernement du Québec ont signé une Convention réglant certaines questions en suspens relativement à la Convention d’Oujé-Bougoumou (signée le 6 septembre 1989). Dans cette entente particulière, le Québec accepte, entre autres engagements, de «réserver provisoirement 2,7 kilomètres carrés de terres à l’usage et au profit exclusifs des Cris d’Oujé-Bougoumou… et relativement au village d’Oujé-Bougoumou. La constitution officielle de ces terres en terres de la catégorie IA, en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, sera ordonnée par décret, lequel sera soumis à l’approbation du gouvernement dès la fin des consultations… » Le village d’Oujé-Bougoumou, avec une population actuelle d’environ six cents (600) Eenouch de la nation Oujé-Bougoumou, a été construit sur le territoire de 2,7 km2 mentionné plus haut. La nation crie d’Oujé-Bougoumou peut avoir choisi provisoirement les terres qui seront désignées terres des catégories IA et IB et terres de la catégorie II pour la nation crie d’Oujé-Bougoumou dès qu’on se sera entendu sur les mesures suivantes et qu’elles auront été appliquées : convention complémentaire en vue d’amender les articles pertinents de la CBJNQ qui incorporerait les Cris d’Oujé-Bougoumou dans la CBJNQ;
En mars 2000, la nation crie d’Oujé-Bougoumou n’avait pas encore reçu officiellement ses terres des catégorie I et II. Actuellement, les Cris d’Oujé-Bougoumou occupent néanmoins leurs terres historiques et traditionnelles, que les gouvernements du Québec et du Canada considèrent comme publiques (ou comme terres de la catégorie III en vertu de la CBJNQ). Cependant, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou exercent leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, conformément aux lois et aux coutumes traditionnelles des Eenouch, et continuera de le faire, car ni la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ni la Loi sur les Indiens ne s’appliquent à eux ou à leurs terres communales. Le 14 février 2000, le chef et les représentants de la nation crie d’Oujé-Bougoumou ont fait une présentation devant la Commission crie-naskapie lors de ses audiences spéciales sur la mise en application de la convention tenues à Oujé-Bougoumou (Eeyou Istchee). La plupart des points soulevés par les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ne sont pas nouveaux, mais il vaut la peine de les rappeler à la lumière de leur importance pour la Première Nation d’Oujé-Bougoumou.
|
|
|
|
CHAPITRE 6 |
|
---|---|
NASKAPI EEYOUCH (NATION) DE KAWAWACHIKAMACH |
|
Comme nous l’avons indiqué dans la section «Contexte» du présent rapport, Naskapi Eeyouch (nation naskapie) est devenue, en 1971, une bande connue sous le nom de « bande des Naskapis de Schefferville », conformément à la Loi sur les Indiens. La « bande des Naskapis de Schefferville » a signé son traité, ou Convention du Nord-Est québécois (CNEQ), le 11 janvier 1978. En ce qui concerne les Naskapis, les Eeyouch, comme ils s’appellent eux-mêmes, avaient conclu un traité ou une convention portant sur leurs revendications territoriales avec les gouvernements du Canada et du Québec. Après tout, l’Eeyou est l’unité historique et traditionnelle de l’autorité gouvernementale autonome. Les droits, avantages et garanties consentis aux Naskapis Eeyouch en vertu du CNEQ sont, dans l’ensemble, comparables à ceux prévus accordés aux Cris et aux Inuits en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). La CNEQ prévoit cependant certains avantages qui ont été négociés de façon à tenir compte des aspirations et des besoins propres aux Naskapis. Par conséquent, conformément à l’article 20 (Déplacement) de la CNEQ, la nation naskapie Eeyouch a décidé par voie de scrutin en janvier 1980 de se déplacer à Block Matemice, où on procéderait à la construction du village de Kawawachikamach. La construction du nouveau village a débuté en 1981 et, vers la fin de 1984, l’édification de Kawawachikamach était presque achevée1. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec incorpore la bande des Naskapis de Schefferville de la Loi sur les Indiens comme bande des Naskapis du Québec ou nation Kobac naskapie, laquelle agit comme autorité du gouvernement local sur ses terres de la catégorie I A-N. Le 4 mars 1999, le Cabinet fédéral a approuvé le règlement 131 (touchant le changement du nom de la bande). La bande des Naskapis du Québec s’appelle actuellement Naskapi Eeyouch Kawawachikamach (en Naskapi), Naskapi Nation of Kawawachikamach (en anglais) et nation naskapie de Kawawachikamach (en français). La population actuelle de Kawawachikamach dépasse légèrement les sept cents (700) âmes. Le 14 février 2000, le chef et les représentants de la nation naskapie Eeyouch de Kawawachikamach ont fait une présentation à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales tenues à Oujé-Bougoumou, Eeyou Istchee (Québec). Dans sa présentation, la nation naskapie Eeyouch de Kawawachikamach soulevait les points suivants :
|
|
|
|
CHAPITRE 7 |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
QUESTIONS ET PRÉOCCUPATIONS DES EEYOUCH (PEUPLE CRI) |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec demande à la Commission crie-naskapie de présenter un rapport bisannuel sur la mise en application de la loi. Dans l’exercice de ses devoirs, la Commission observe certains principes d’enquête et d’examen équitable et compétent. Par conséquent, la Commission a établi et mis en place un processus de consultation publique qui prévoit des audiences publiques telles que les audiences spéciales sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis, tenues à Oujé-Bougoumou du 14 au 18 février 2000 et à Ottawa les 11 février 2000 et 10 mars 2000. Les premières nations cries et naskapie suivantes ont fait un exposé devant la Commission crie-naskapie à l’occasion des audiences spéciales sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis :
De plus, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le Washaw Sibi Eeyou ont fait des démarches devant la Commission crie-naskapie. Le directeur du Bureau de mise en application des Conventions de la Baie James a également fait un exposé devant la Commission au nom du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le tableau I suivant indique le nombre d’habitants cris des neuf communautés au 3 juin 1999. Le nombre d’habitants des différentes communautés est en réalité plus élevé si l’on recense aussi les habitants non cris. |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
On peut avancer en toute prudence que le nombre actuel d’habitants de nation crie dépasse légèrement les 13 000 personnes. La population crie a donc plus que doublé au cours du dernier quart de siècle, soit depuis l’exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Questions et préoccupations communes La démarche des Eenouch (Cris) s’intéresse aux questions et aux préoccupations communes suivantes :
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
CHAPITRE 8 |
||
---|---|---|
MISE EN APPLICATION ET AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC |
||
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec Conformément à l’article 9 de la CBJNQ et à l’article 7 de la CNEQ, le gouvernement du Canada a entrepris de recommander au Parlement l’adoption d’« une loi spéciale concernant l’administration locale des Cris de la Baie James sur les terres de la catégorie IA1 » et d’« une loi appropriée... concernant l’administration locale des Naskapis du Québec sur les terres de la catégorie IA-N2 ». Par conséquent, de 1976 à 1984, les gouvernements du Canada, les Cris et plus tard les Naskapis, ont discuté des termes et dispositions de cette « Loi spéciale et appropriée » ainsi que des ententes sur le financement nécessaire à sa mise en application. Dans son préambule, cette loi spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, prévoit, pour les Cris et les Naskapis, « un régime d’administration locale organisé et efficace, ainsi que l’administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N...3 ». Sauf pour établir lesquels des bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » aux termes de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens, qui ne s’applique pas aux Premières Nations cries et naskapies, pas plus que la Loi sur les Indiens ne s’applique aux terres des catégories IA ou IA-N. Les représentants des parties cries et naskapies et le gouvernement du Canada sont arrivés à s’entendre sur les conséquences et les répercussions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans le Protocole d’entente de 1984, lequel peut être décrit de la façon suivante : « [traduction] La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la pierre angulaire de la réalisation du plein potentiel de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Convention du Nord-Est québécois. Les nouvelles structures créées par les conventions étaient conçues pour faire interface avec les gouvernements locaux dûment constitués. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est aussi la base sur laquelle les rapports avec le gouvernement fédéral seront redéfinis. Avec la nouvelle Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris et les Naskapis seront en mesure de passer outre aux restrictions inhérentes à la Loi sur les Indiens et ils pourront, par conséquent, prendre le plein contrôle de l’administration de leurs communautés et gérer entièrement les terres des catégories IA et IA-N4 ». Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984 est la première loi canadienne à accorder une certaine reconnaissance de l’autonomie gouvernementale autochtone. Elle redéfinit les rapports entre le gouvernement du Canada et les nations cries et naskapie, car ce n’est plus la Loi sur les Indiens qui s’applique aux bandes cries et naskapie et à leurs terres communales. Par ailleurs, nonobstant le régime juridique de l’administration et du gouvernement local en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les nations Eeyouch et naskapie continuent d’intégrer leurs traditions et coutumes à l’exercice et à l’application de leur gouvernement local. En vue de la mise en place d’un gouvernement local cri et naskapi ordonné et efficace, ainsi que de l’administration, de la gestion et du contrôle des terres des catégories IA et IA-N par les nations cries et naskapie, respectivement, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit les dispositions principales et générales suivantes : PARTIE I " GOUVERNEMENT LOCAL
PARTIE II " ÉLECTIONS AUX CONSEILS DE BANDE
PARTIE III " ASSEMBLÉES ET RÉFÉRENDUMS
PARTIE IV " ADMINISTRATION FINANCIÈRE DES BANDES
PARTIE V " DROITS DE RÉSIDENCE ET D’ACCÈS AUX TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N
PARTIE VI " DROITS DES BANDES, DU QUÉBEC ET DES AUTRES RELATIVEMENT AUX TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N
PARTIE VII " EXPROPRIATION DE LA TERRE DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N PAR LE QUÉBEC
PARTIE VIII " DISPOSITION DES DROITS ET DES INTÉRÊTS SUR LES TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N ET LES BÂTIMENTS Subventions accordées par la bande Droit de superficie Transferts subséquents de droits ou d’intérêts PARTIE IX " CESSION PAR LES BANDES
PARTIE X " SERVICE DE L’ENREGISTREMENT
PARTIE XI " EXPROPRIATION PAR LES BANDES
PARTIE XII " COMMISSION CRIE-NASKAPIE
PARTIE XIII " SUCCESSIONS
PARTIE XIV " EXEMPTIONS FISCALES
PARTIE XV " EXEMPTIONS DE SAISIE
PARTIE XVI " POLICE
PARTIE XVII " INFRACTIONS
PARTIE XVIII " ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
PARTIE XIX " GÉNÉRALITÉS
PARTIE XX " AMENDEMENTS À D’AUTRES LOIS
À l’exception de la partie XII de la Loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur le 3 juillet 1984 (la partie XII de la Loi, relative à l’établissement, aux obligations et aux activités de la Commission crie-naskapie, est entrée en vigueur le 1er décembre 1984). Le défi et le but des nations Eeyouch cries et naskapie est le développement social et économique adéquat et l’autonomie politique dans l’exercice de leurs droits à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, dans le respect de leurs droits, libertés et intérêts élémentaires, dans la préservation et le maintien de leur caractère distinct et leur identité culturelle, et ce, conformément à leurs aspirations et à leurs besoins. À cet égard, la mise en application, dans l’esprit et dans la lettre, de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, doit permettre et faciliter le développement et l’évolution des gouvernements locaux des nations cries et naskapie en tenant compte des réalités sociales, économiques et politiques ainsi que des conditions existantes au sein des nations cries et naskapies. Par conséquent, la mise en application adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec revêt une signification exceptionnelle et entraîne des conséquences énormes pour les aspirations et les buts des Premières Nations cries et naskapie en tant que peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale. Plus particulièrement, pour être « ordonné et efficace », le gouvernement local des nations cries et naskapie doit posséder les attributs suivants : légitimité, pouvoir et ressources. Grâce au remplacement de la Loi sur les Indiens et à la mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, les rapports redéfinis entre les peuples cris et naskapis et le gouvernement du Canada doivent être de nature telle que ces attributs soient fournis de façon adéquate par des mesures législatives et administratives. De plus, la lettre et l’esprit des conventions et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être pris en compte pour assurer « un régime d’administration locale organisé et efficace... ». Mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec 1. Fonctions et responsabilités du gouvernement du Canada Les gouvernements promulguent des lois afin de procurer à la population un mode de gouvernance digne et de fournir une source de lois qui fasse autorité. En promulguant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ), le gouvernement du Canada remplit certaines obligations envers les Cris et les Naskapis, conformément à l’article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à l’article 7 de la Convention du Nord-Est québécois. En tant que source de loi qui fait autorité, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec accorde certains droits et protections au gouvernement local des Cris et des Naskapis et à l’administration des terres ainsi qu’une protection de certains droits individuels et collectifs, conformément aux conventions. En appliquant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, en tant que mode de gouvernance digne, et conformément aux obligations posées par les traités, le gouvernement du Canada assume certaines fonctions et responsabilités dans l’administration et la mise en application adéquates de la Loi. Les fonctions et responsabilités du Canada découlent des dispositions suivantes :
Il est clair que les devoirs et responsabilités du gouvernement du Canada vont au-delà de la promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le Canada doit aussi respecter et honorer ses fonctions et responsabilités premières dans l’administration et la mise en application adéquate de sa loi " la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (Les gouvernements locaux cris et naskapi assument également certaines fonctions et responsabilités dans la mise en application de la Loi.) Depuis sa promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement en 1984, la mise en application de cette loi, dans l’esprit et dans la lettre, n’a pas été menée d’une façon qui reconnaisse et améliore la pratique et le plein potentiel du gouvernement local autonome des Cris et des Naskapis. On avait prévu que la mise en application adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne serait pas un processus aisé et simple. D’abord, ce sont les peuples cris et naskapi qui ont eu la vision et la volonté politique d’exiger et de mettre sur pied un gouvernement local. Dans ce processus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, tel qu’envisagé dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et dans la Convention du Nord-Est québécois, devait prendre la relève de la Loi sur les Indiens, au régime juridique restrictif. Par conséquent, les peuples cris et naskapi attendent du gouvernement canadien qu’il trouve la volonté politique et qu’il fournisse les mesures législatives, administratives et financières nécessaires à l’avancement et à la réalisation de ce projet. À bien des égards, ce changement comporte la redéfinition des rapports entre le gouvernement du Canada et les (Premières) Nations cries et naskapie. Dans une large mesure, la mise en application adéquate et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été entravée par l’absence de compréhension ou d’accord sur la nature des rapports qui devraient exister entre le Canada et les peuples cris et naskapi. Habituellement, le processus de mise en application, comme dans le cas la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, prenait la forme d’une promulgation par le Parlement d’une loi, tandis que l’administration et la mise en application de la loi demeure du ressort du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans le meilleur des cas, on fait face à quelques questions d’organisation, comme l’actuel bureau de mise en oeuvre de la Baie James. Dans tout ce processus traditionnel de mise en application de la loi, on refuse aux peuples cris et naskapi un rôle important dans le processus de prise de décision, même si les Eenouch sont les premiers touchés par l’administration et la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Souvent, ce mode de mise en application traditionnel est marqué par un manque de sensibilité aux aspirations et aux besoins réels des peuples cris et naskapi, et débouche sur une mise en application symbolique, ce qui équivaut à une absence de changement réel du processus de prise de décision et de la manière de procéder. La mise en application adéquate et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fait partie intégrante du processus politique par lequel les fonctions et responsabilités du gouvernement fédéral et du gouvernement local des Cris et des Naskapis, ainsi que des conseils régionaux de la nation crie, devraient être tirées au clair et convenues entre les parties. Commission crie-naskapie Cependant, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit un mécanisme par lequel certaines fonctions et responsabilités seraient dévolues à la Commission crie-naskapie. En l’absence d’un processus global et approfondi de mise en application adéquate et réussie de la Loi, la Commission crie-naskapie a comme fonction de préparer des rapports bisannuels sur la mise en application de la Loi et d’examiner toutes les réclamations qui lui sont présentées relativement à la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le rapport bisannuel est présenté au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, lequel fait en sorte que le rapport soit déposé devant chaque Chambre du Parlement. En vertu de l’article 165 (1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, il incombe à la Commission « d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées, concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi. » Qui plus est, l’article 21, (j) de la Loi stipule qu’un des pouvoirs et missions des bandes est « d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure (Loi sur les Indiens). » (c’est la Commission qui souligne.) La Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois " une loi promulguée par le Parlement " approuve, rend exécutoire et déclare valide la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Conformément à cette Loi, le gouverneur en conseil, par ordre, a approuvé, rendu exécutoire et déclaré valide la Convention du Nord-Est québécois. Par conséquent, la Commission crie-naskapie considère qu’elle a au moins le devoir et la responsabilité de faire état de la mise en application des conventions, dans la mesure où celles-ci ont trait à l’exercice du pouvoir et à l’accomplissement d’une fonction des gouvernements locaux cris et naskapis. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) n’est pas d’accord avec cette interprétation particulière du devoir de la Commission. Même si le MAINC admet que « la Commission joue actuellement un rôle important dans la présentation de rapports sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ainsi que dans l’étude des réclamations appuyées sur la Loi5 », le ministère adopte une position selon laquelle la Commission crie-naskapie n’a pas le mandat ou la fonction de faire état de la mise en application des conventions. Par conséquent, le MAINC, s’appuyant sur son interprétation de la fonction de la Commission, continue à ignorer les conclusions et les recommandations des rapports précédents de la Commission crie-naskapie. Depuis sa mise sur pied le 1er décembre 1984, la Commission crie-naskapie a présenté six (6) rapports sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et, dans une certaine mesure, sur la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Comme les conclusions et les recommandations des six (6) derniers rapports de la Commission ont été effectivement ignorées par le MAINC, les conclusions et les recommandations de la Commission n’ont pas de portée, d’impact ni d’influence dans les processus de prise de décision et d’élaboration des politiques du gouvernement du Canada d’une manière qui reconnaisse et améliore l’état présent, les pratiques et le potentiel des gouvernements locaux des Cris et des Naskapis. Cependant, les conclusions et recommandations de la Commission crie-naskapie, telles qu’exposées dans le rapport de 1998, sont appuyées en principe par les résolutions des membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et par la nation naskapie de Kawawachimach (voir les annexes A et B du présent rapport). De plus, les membres de la nation crie d’Eastmain, à l’occasion de leur assemblée annuelle locale de 1999, ont adopté une résolution qui appuie inconditionnellement les recommandations du rapport de la Commission crie-naskapie de 1998 (une copie de la résolution des membres de la nation crie d’Eastmain figure à l’annexe G du présent rapport). Ces résolutions font autorité et devraient par conséquent être respectées par des actions et mesures appropriées du gouvernement canadien. Actuellement, la Commission crie-naskapie elle-même souffre du manque ou de l’absence d’un mécanisme propre et efficace de mise en application de la Loi. Cette absence de mécanisme capable d’assurer la mise en application adéquate des recommandations de la Commission crie-naskapie est source de préoccupations. Les commissions sont des instruments importants dans l’élaboration de politiques. Leur but est de favoriser une compréhension plus approfondie par le public des points débattus et de fournir une base plus solide aux choix de politiques que font les preneurs de décisions. La partie I de la Loi sur les enquêtes régit les commissions de grande envergure, telles que les commissions royales et les groupes de travail, qui sont des organismes temporaires créés pour étudier des incidents précis ou des préoccupations relatives aux grandes politiques et pour en faire rapport au gouvernement. Ces organismes sont habituellement dissous après la présentation de leur rapport et ne sont pas engagés dans la mise en application de leurs recommandations. Cependant, la Commission crie-naskapie a été mise sur pied par une loi fédérale spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, promulguée par le Parlement conformément aux obligations des traités en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Comme il a été précisé, la Commission crie-naskapie, depuis sa mise sur pied en 1984, a présenté six (6) rapports contenant ses conclusions et ses recommandations pour la mise en application adéquate de la Loi par les stratèges des gouvernements. De plus, la Commission crie-naskapie a produit les documents de travail suivants, destinés à stimuler le dialogue dans le processus d’élaboration des politiques :
Ces documents de travail ont été produits par la Commission en résultat direct des réclamations faites par les Cris et les Naskapis concernant leurs problèmes et leurs préoccupations relativement à la mise en application des traités signés récemment, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En tant que telles, les recommandations existantes tirées de ces documents de travail sont incorporées aux recommandations du présent rapport de la Commission crie-naskapie. Cependant, comme la majorité des recommandations de la Commission concernent la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le gouvernement du Canada est placé devant une question de politique importante concernant l’exercice du Gouvernement local cri et naskapi. Qui plus est, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la première loi canadienne qui reconnaît l’autonomie gouvernementale autochtone (Cris et Naskapis) conformément aux obligations fédérales en vertu des traités des temps modernes signés avec les Premières Nations cries et naskapie. Par conséquent, le droit et l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone (Cris et Naskapis) sont clairement une question d’importance majeure qui exige étude et conseil. Cependant, les recommandations de la Commission crie-naskapie ne sont vraiment pertinentes que quand elles sont mises en application de façon adéquate et réussie, d’une façon qui corresponde aux besoins et aux aspirations des gouvernements locaux cris et naskapi. Comme le gouvernement canadien semble engagé dans un processus de retards institutionnalisés dans les questions touchant les droits et l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone, la Commission crie-naskapie a apparemment perdu sa pertinence aux yeux des stratèges et des décideurs du gouvernement. Par conséquent, après environ seize (16) ans d’existence, la question de la pertinence de la Commission crie-naskapie dans le processus de prise de décision et d’élaboration de politiques relatives à la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec se pose avec acuité. Pendant les discussions menées de 1975 à 1984 avec les représentants du gouvernement du Canada sur les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la partie crie a envisagé un processus dans lequel l’efficacité de la Commission crie-naskapie ferait l’objet d’un examen. Par conséquent, conformément à l’article 172 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, après une période initiale de cinq (5) ans de fonctionnement, un Comité de réexamen indépendant a été institué pour « réexaminer les pouvoirs et fonctions de la Commission ainsi que son fonctionnement6 ». Le rapport du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie a été présenté au Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en avril 1991. Dans la lettre de présentation de leur rapport datée du 4 avril 1991, les membres du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie affirment :
Neuf (9) années se sont écoulées depuis la présentation du rapport du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie. Le statu quo persiste, alors que le gouvernement du Canada semble ignorer les recommandations du Comité de réexamen. De plus, les membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), l’Administration régionale crie et la nation naskapie de Kawawachikamach, lors de leurs assemblées générales annuelles respectives de 1999, ont adopté des résolutions qui prévoient que les pouvoirs, les fonctions et le fonctionnement de la Commission crie-naskapie soient examinés et révisés de façon adéquate par les gouvernements du Canada, de la nation crie et de la nation naskapie (de Kawawachikamach) de façon à tenir compte des expériences de la Commission crie-naskapie, des gouvernements locaux cris et naskapi ainsi que des conclusions et des recommandations découlant du réexamen de la Commission crie-naskapie effectué en 1991 (voir les textes intégraux des résolutions aux annexes A et B du présent rapport). Dans une lettre datée du 16 mars 2000, adressée au président actuel de la Commission, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien répond aux résolutions des Cris et des Naskapis de la façon suivante :
Par conséquent, au niveau du gouvernement fédéral, toute révision du mandat actuel de la Commission crie-naskapie ne devrait être envisagé que dans le contexte d’une initiative beaucoup plus large, visant à redéfinir l’autonomie gouvernementale des Cris, des Naskapis ou de ces deux nations. AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC Eeyouch (Questions touchant les peuples cris et naskapi) Les rapports précédents de la Commission crie-naskapie renferment des conclusions et des recommandations concernant l’examen et la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec visant à atteindre les objectifs principaux suivants :
Dans les audiences spéciales sur la mise en application des conventions tenues en prévision du présent rapport, les représentants des Cris et des Naskapis ont réitéré leurs préoccupations et leurs questions, dans l’espoir que ces points soient traités de façon adéquate par les autorités compétentes et d’une façon qui améliore et serve les gouvernements locaux cris et naskapi (Eeyouch). Néanmoins, les représentants des Cris et des Naskapis ont formulé les recommandations et commentaires principaux suivants concernant la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ses amendements ainsi que l’exercice de l’autonomie gouvernementale Eeyou :
2. Financement des opérations et de l’entretien Pour être en harmonie avec l’esprit et la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et, en particulier, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984, les représentants du gouvernement du Canada, les gouvernements cris et naskapi et les autorités ont conclu une entente sur le mécanisme de financement des administrations et des gouvernements locaux cris et naskapi. En particulier, les parties ont convenu que le gouvernement du Canada assurerait une subvention continue des opérations et de l’entretien pour soutenir l’exercice du gouvernement local des peuples cris et naskapi. La présente Entente sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien assure une subvention continue des opérations annuelles et de l’entretien aux gouvernements locaux cris et naskapi. Ces ententes sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien assure une subvention annuelle sur une période de cinq (5) ans, après quoi, de nouvelles ententes doivent être négociées. Les gouvernements cris locaux ont exprimé les préoccupations principales suivantes au sujet de l’entente sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien :
Plus haut dans le présent chapitre, on a reconnu dans les ressources un attribut essentiel pour assurer un gouvernement efficace et ordonné. Par conséquent, des moyens financiers suffisants et des ententes financières satisfaisantes doivent être disponibles pour permettre l’exercice efficace du gouvernement local. La partie crie a fait état de difficultés dans la mise en application et le renouvellement quinquennal de ces dispositions financières. Le temps est venu de redéfinir les rapports fiscaux à l’aide de nouvelles dispositions financières qui seront nettement en harmonie avec les obligations du traité et qui soutiendront la démarche vers une autonomie gouvernementale efficace, ordonnée et étendue, conforme aux besoins et aux aspirations de l’Eeyouch. 3. Loi C-23 (Loi en vue de moderniser les lois du Canada en rapport avec les avantages) À la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada, le gouvernement du Canada a déposé la Loi C-23, qui régit les droits et les bénéfices des couples du même sexe. La Loi C-23, si elle est adoptée, amenderait la définition de ‘conjoint’ à l’article 174 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les nations cries et naskapie adoptent la position selon laquelle le gouvernement du Canada ne peut amender unilatéralement l’article pertinent de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois, de tels amendements à la Loi exigent l’assentiment des parties cries et naskapie. Élections au gouvernement local Au cours des dernières années, bon nombre des réclamations présentées par la nation crie, conformément à l’article 165 (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ont trait aux élections au gouvernement local. En plus des rapports particuliers présentés aux individus, aux fonctionnaires et aux autorités concernés, la Commission crie-naskapie a, comme nous l’affirmions plus haut, produit un document de travail intitulé « Élections au gouvernement local des (Premières) nations cries et naskapie » daté du 22 septembre 1999. Les recommandations contenues dans le document de travail, que les gouvernements et les peuples cris et naskapi appuient, sont comprises dans les recommandations du présent rapport. Autres questions et motifs de préoccupation De plus, la Commission crie-naskapie a également produit un document de travail intitulé « Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ». À la lumière des constatations, conclusions et rapports des nations cries et naskapie, les points suivants constituent des questions et motifs de préoccupation importants :
Conclusions L’Eeyouch (Cris et Naskapis) exerce le droit à l’autonomie gouvernementale d’une façon qui dépasse le cadre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette évolution du gouvernement local est coutumière et naturelle, car le pouvoir politique est universel et inhérent à la nature humaine. Cependant, au cours des seize (16) années (depuis sa promulgation par le Parlement), la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec n’a pas évolué au même rythme que l’exercice et la pratique du gouvernement local de l’Eeyou. Par voie de résolutions, les membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation naskapie de Kawawachimach ont décidé qu’un processus de négociations doit être établi par le gouvernement canadien, la nation crie d’Eeyou Istchee et la nation naskapie de Kawawachimach en vue de la mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (voir les annexes A et B du présent rapport). De plus, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) a demandé à la Commission crie-naskapie de travailler avec les Cris (ainsi qu’avec la nation naskapie) au déclenchement d’un processus étalé sur deux (2) ans en vue de la préparation d’un rapport, qui serait présenté au cabinet fédéral, sur des amendements appropriés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Au surplus, les relations entre les Eeyou (Cris) et le gouvernement fédéral doivent être clarifiées et, dans certains cas, redéfinies, afin d’assurer un système adéquat et efficace de gouvernement local cri Eeyou, en harmonie avec les vues, les besoins et les aspirations du peuple Eeyouch. |
||
|
|
CHAPITRE 9 |
---|
SUIVI DU RAPPORT DE 1998 |
L’obligation de présenter des rapports La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec impose à la Commission crie-naskapie le devoir de présenter des rapports. La loi exige de la Commission qu’elle prépare aux deux ans un rapport sur la mise en application de la loi. La loi exige aussi que le rapport soit soumis au ministre des Affaires indiennes, lequel doit le déposer devant la Chambre des communes et le Sénat. Dans les cas des six rapports préparés de 1986 à 1998, la Commission a tenu des audiences, préparé ses conclusions et recommandations et présenté ses rapports, lesquels ont été déposés devant le Parlement, comme le requiert la loi. Les commissaires n’ont pas assuré de suivi. On avait d’abord cru que les ministères gouvernementaux, les communautés cries et naskapie et autres réagiraient à ces recommandations, et qu’un suivi par la Commission n’était pas indiqué. On avait l’impression, qu’à cet égard, du moins, la Commission était semblable à bien d’autres commissions, tribunaux, etc. en ceci qu’elle devait tenir des audiences, analyser les dépositions, tirer des conclusions et soumettre des recommandations. Il n’était pas nécessaire ou indiqué de procéder à d’autres démarches. C’est en fait la façon de faire de bien des commissions. Dans bon nombre de cas, cette démarche est la bonne. Souvent, la production des commissions prend la forme de décisions ayant force de loi, et un suivi ne s’avère donc pas nécessaire. Bien d’autres commissions ne visent qu’à soumettre des options de politiques qui pourront être suivies ou non par le gouvernement. Le suivi assuré par ce type de commissions serait vu comme du « lobbying » et non comme un élément légitime de leur rôle. Avec le temps, toutefois, la Commission crie-naskapie en est venue à constater que, lorsque les communautés soulevaient des questions aux audiences, elles s’attendaient à ce que ces questions soient abordées de façon pratique et concrète et pas seulement traitées dans un rapport devant mourir sur les tablettes des bibliothèques et dans les classeurs du gouvernement. Ne constatant jamais de résultats tangibles, les chefs et les membres des communautés ont commencé à remettre en question le bien-fondé des présentations faites devant la Commission. En tenant les audiences dans le cadre du rapport de 1998, les commissionnaires eux-mêmes se sont mis à repenser leur rôle. Après tout, si le Parlement a promulgué une loi exigeant que la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fasse l’objet de rapports bisannuels et que ces rapports soient déposés devant la Chambre des communes et le Sénat, cette loi doit bien viser davantage que de remplir les étagères de papier. Quel est l’objectif visé par l’obligation de présenter des rapports ? Le fait est que les tribunaux ont régulièrement rappelé que la Loi possède une finalité. Les communautés cries et naskapie, elles, ont certainement vu une finalité dans l’obligation de déposer rapport. En se fondant sur les attentes des communautés, lesquelles ont été exprimées avec force, et sur notre réflexion sur la finalité des rapports, les commissaires ont décidé d’assurer un suivi de leur rapport de 1998, du moins à un niveau fondamental. Cette démarche comportait quatre processus : a) suivi auprès de Chambre des communes et le Sénat, b) suivi auprès des communautés cries et naskapie, c) suivi auprès du ministère des Affaires indiennes, d) suivi auprès des autres groupes autochtones, e) préparation des documents de travail sur la mise en application des traités et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Suivi auprès de la Chambre des communes et du Sénat Les commissaires ont d’abord demandé une audience devant le comité permanent des Affaires autochtones de la Chambre des communes. Le président, Guy St. Julien, député, a rapidement accédé à la demande, et les commissaires ont témoigné le 27 octobre 1998. Leur témoignage incluait un aperçu des principaux points soulevés dans le rapport de 1998 ainsi que les réponses aux différentes questions posées par les députés. Le président St. Julien a indiqué que la Commission serait la bienvenue aux audiences ultérieures et qu’on profiterait de cette invitation pour présenter les principales conclusions du rapport de l’an 2000, l’année en cours. Après les audiences formelles devant le comité de la Chambre, les commissaires ont également rencontré individuellement plusieurs membres du comité ainsi que d’autres députés intéressés. Les commissaires ont également demandé une audience auprès de l’honorable Charlie Watt, OQ, président du comité sénatorial sur les peuples autochtones. Le sénateur Watt a accédé à cette demande, et les commissaires ont fait une longue présentation le 3 novembre 1998. En conséquence de cette comparution, la table ronde du comité sénatorial sur la gouvernance a invité la Commission à participer et à discuter de nos recommandations au sujet du besoin d’une mise en application adéquate des conventions et traités, y compris la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Ces questions ont été abordées au chapitre 2 du rapport de 1998 et sont couvertes par les recommandations nos 4, 5, et 6 de ce rapport. Par la suite, l’honorable Charlie Watt, OQ, président du comité sénatorial, a invité la Commission à soumettre un projet de loi pour examen. Ce projet de loi a fait l’objet d’un document de travail de la Commission sur la mise en application des traités qui a été distribué aux communautés cries et naskapie le 3 mars 1999. Le comité du sénateur Watt a continué de travailler sur ces questions et, en février 2000, il a publié un rapport intitulé Forging New Relationships: Aboriginal Governance in Canada. Ce rapport formule cinq recommandations, dont quatre portent sur des questions soulevées par la Commission crie-naskapie dans son rapport de 1998. Les commissaires ont le plaisir de signaler que le travail se poursuit avec le comité sénatorial et son personnel, et qu’on a bon espoir de voir ces questions traitées efficacement. Suivi auprès des communautés cries et naskapie Le rapport de 1998 a été abordé dans certains détails avec le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) et l’administration régionale crie à Montréal le 20 janvier 1999. Une autre rencontre s’est tenue le 28 octobre 1999 à Val d’Or. À ces deux occasions, les commissaires ont présenté les fondements de leurs conclusions et recommandations, et ont fait état des suivis qui se menaient ailleurs. À l’occasion de son assemblée générale annuelle tenue à Whapmagoostui en août 1999, le Grand Conseil des Cris (Eeyou/ Istchee) et l’administration régionale crie ont donné leur accord de principe aux recommandations du rapport de 1998. Les commissaires ont également discuté du rapport lors de différentes rencontres avec les chefs et les conseils, quand l’occasion s’est présentée. Le 15 mars 1999, les commissaires ont rencontré le chef et le conseil naskapi à Kawawachikamach et ont examiné le rapport. Tout en appuyant ce dernier et les recommandations globales, la direction naskapie a noté que la Commission doit être plus précise dans les distinctions qu’elle fait entre les vues et priorités des Naskapis et celles des Cris. Ce conseil a été retenu, et les commissaires ont bon espoir qu’il se traduise concrètement dans le présent rapport et dans les rapports à venir. L’assemblée générale naskapie tenue à Kawawachikamach en septembre 1999 a donné son accord de principe aux recommandations contenues dans le rapport de 1998. Les commissaires espèrent que les parties cries et naskapie réagiront également d’une façon tout aussi claire et opportune au présent rapport de la Commission et à ses rapports à venir. Suivi auprès du ministère des Affaires indiennes Les commissaires ont rencontré l’honorable Jane Stewart, C.P., députée, ministre des Affaires indiennes, le 5 octobre 1998 afin de soumettre le rapport de 1998, conformément aux exigences de la loi, et de discuter les différentes questions soulevées. Le problème du financement de la Commission a été abordé. Pendant la rencontre, la ministre Stewart a affirmé que le ministère examinerait le rapport et élaborerait une réponse détaillée dans un délai raisonnable. Comme il a été noté ailleurs, jamais une réponse écrite n’a été fournie. Ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’une réponse verbale et quelque peu superficielle a été faite et là encore, uniquement à titre de préliminaire au témoignage aux audiences spéciales de mars 2000 sur la mise en application des traités. La ministre Stewart a également consenti à tenir compte de la demande d’augmentation de financement de la Commission et, dans un court délai, a augmenté le montant accordé, bien que pas au niveau demandé. Ce geste est apprécié des commissaires, car il a permis à la Commission de maintenir son niveau de travail minimum requis par la loi. Il faut certes trouver une façon de faciliter le travail du Ministère et de la Commission quand ils se penchent sur les questions soulevées durant les audiences et abordées dans les rapports. De toute évidence, le prédécesseur de la ministre actuelle souhaitait que ceci se produisît. Le Ministère n’a cependant pas donné suite aux intentions du ministre. Les commissaires proposent que le ministère des Affaires indiennes prenne dorénavant l’habitude de fournir une réponse écrite aux rapports de la Commission crie-naskapie dans les six mois suivant son dépôt devant la Chambre des communes et le Sénat. Suivi auprès d’autres groupes autochtones Certaines des recommandations contenues dans le rapport de 1998 (notamment celles touchant la mise en application des traités) pourraient avoir un impact sur d’autres groupes autochtones dans le pays. De plus, ces recommandations auraient de bien meilleures chances d’être appliquées si d’autres groupes autochtones les jugeaient souhaitables. Pour ces raisons, les commissaires ont tenu des pourparlers avec le chef national de l’Assemblée des Premières Nations Phil Fontaine, Harry Daniels, président du Congrès des peuples autochtones, Marilyn Buffalo, de la Native Womens Association of Canada, et Okalik Eegeesiak, président de l’Inuit Trapirisat du Canada. Tous ont donné leur accord de principe aux activités et aux objectifs de la Commission. Dans le cas de l’Assemblée des Premières Nations, les commissaires ont été invités à faire une présentation aux congrès nationaux convoqués précisément pour se pencher sur les questions touchant la mise en application des traités. Les présentations ont été faites aux congrès tenus à Victoria et à Sault Ste. Marie. Une autre présentation a été faite lors de la rencontre de la Confédération des chefs de l’Assemblée des Premières Nations, tenue à Ottawa au printemps de 1999. À la suite de ces efforts, une confédération de chefs de l’APN a adopté, en décembre 1999, à Ottawa, une résolution donnant un accord de principe aux recommandations de la Commission crie-naskapie touchant la mise en application des traités. Un travail de suivi avec l’Assemblée des Premières Nations est en cours. Préparation de documents de travail La Commission reconnaît que certaines des questions soulevées lors des audiences spéciales sur la mise en application des traités sont d’une importance et d’une complexité telles qu’elles commandent un traitement plus profond qu’il n’est possible de faire dans les rapports bisannuels. Dans ces cas, la Commission a décidé que, sous réserve de ses limites financières, elle a la responsabilité d’assurer un suivi basé sur la reconnaissance plus poussée des faits et de l’analyse. Les résultats de ce travail forment la base des documents de travail largement diffusés au sein des communautés, aux fonctionnaires gouvernementaux et à d’autres dans l’espoir d’approfondir la prise de conscience des questions et de stimuler la discussion sur les solutions possibles. En ce qui concerne le rapport de 1998, les questions touchant le besoin d’une mise en application adéquate des conventions et des autres traités ainsi que la nécessité d’apporter des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ont été suivies grâce à des documents de travail précis. Pour ce qui est du document portant sur la mise en application des traités, la principale réaction, comme il a été noté plus haut, est venue du comité sénatorial sur les peuples autochtones. Quant au document sur la nécessité d’apporter des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le gouvernement a indiqué qu’il en était toujours à envisager un processus d’examen et de révision de la loi. Un tel processus engagerait les parties cries et naskapie et mettrait à contribution la Commission crie-naskapie*. * À noter que des documents de travail de la Commission sont également préparés sur des sujets n’émanant pas des rapports bisannuels, mais d’autres sources, comme des démarches particulières de portée générale étendue. Depuis le rapport de 1998, par exemple, on a élaboré un document de travail sur les élections au gouvernement local. |
|
CHAPITRE 10 |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Réponse du ministère des Affaires indiennes aux recommandations du rapport de 1998 |
||||||
À la suite de la présentation de chacun des cinq premiers rapports de la Commission crie-naskapie, le ministère des Affaires indiennes n’a pas fait de réponse officielle aux recommandations qui s’y trouvaient. Cela est bien malheureux, et les commissionnaires y voient un malentendu de l’esprit et de la lettre de l’article 165 (1) (a) et de l’article 171 (1) et (2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces articles précisent que :
La loi adoptée par le Parlement est considérée par la plupart des autorités comme une loi poursuivant une finalité. L’article 171 ne vise pas seulement l’accumulation d’archives ou l’encombrement des rayons de la bibliothèque des parlementaires. L’article vise à fournir l’information aux députés, aux sénateurs, aux autorités cries et naskapies ainsi qu’au ministre grâce à un rapport bisannuel sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Dans ces circonstances, il est raisonnable d’attendre de la Commission qu’elle procède à un examen poussé de la mise en application de la loi, d’enregistrer les réalisations et les échecs, d’écouter les opinions des personnes le plus directement touchées par la loi et de formuler des recommandations fondées sur ses conclusions. Si l’on songe que la plupart de ceux qui font des présentations devant la Commission lors des audiences sur la mise en application de la loi ont fait une préparation poussée de leurs idées et de leurs préoccupations, il est raisonnable d’attendre des différents fonctionnaires du gouvernement qu’ils examinent le rapport et se penchent sérieusement sur ses conclusions et recommandations. Il est encourageant de constater que la ministre Stewart, en recevant le rapport, s’est engagée à ce que son ministère y réponde en détail. Elle a répété cet engagement à deux occasions subséquentes. Il est regrettable que les fonctionnaires du ministère aient mis presque un an à respecter effectivement l’engagement de la ministre et qu’ils n’aient fourni que des réponses orales et superficielles. Ces réponses ont été faites durant les audiences spéciales sur la mise en application de la loi tenues en février 2000 en préparation du présent rapport. Les commissionnaires espèrent que le ministre actuel, l’honorable Robert Nault, C..P., député, réagira de façon opportune et professionnelle aux questions et aux préoccupations touchant les communautés sur la mise en application de la loi, lesquelles sont abordées dans le présent rapport. Comme nous l’avons discuté plus loin (commentaires suivant la recommandation n° 7), ceux qui font des présentations sérieuses et qui soulèvent des préoccupations légitimes devant une commission statutaire sont pour le moins en droit d’attendre que leurs préoccupations soient prises au sérieux et qu’on y donne suite de manière opportune et adéquate. Le 11 février 2000, M. Jeff Moore, alors directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James, a comparu devant la Commission au nom du ministère des Affaires indiennes. À cette occasion, il a fourni des réponses verbales brèves aux recommandations contenues dans le rapport de la Commission crie-naskapie de 1998. Des 41 recommandations faites, M. Moore a soutenu que 29 étaient soit « non directement pertinentes » soit « pas nécessairement pertinentes » à la mise en application de la loi. Étant donné que cette affirmation revient dans un grand nombre de ses réponses, nous avons noté au début de la réponse [« pas nécessairement pertinente »] plutôt que de citer sans cesse le même commentaire. Les recommandations originelles du rapport de 1998 sont reproduites en italiques. Réponses particulières du ministère des Affaires indiennes Recommandation n° 1 DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Des discussions devraient avoir lieu entre les hauts représentants du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), des gouvernements locaux cris et naskapi, du gouvernement du Québec ainsi que du gouvernement du Canada afin d'élaborer des paramètres de négociation d'une entente portant sur le futur développement des terres et des ressources des catégories II et III. Une telle entente devrait au moins comprendre les éléments suivants : ÉDUCATION ET FORMATION
INFRASTRUCTURE
PLANIFICATION ET GESTION DU DÉVELOPPEMENT
PARTAGE DES GAINS
[« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a observé que la formation et l’infrastructure sont abordées dans le cadre du processus Vennat-Namagoose tout comme le sont certaines des exigences essentielles. Il a également affirmé, qu’en ce qui a trait aux questions touchant les terres des catégories II et III et le partage des gains, le « Canada a clairement besoin du Québec à la table2. »
Commentaires : Recommandation n° 2 « Le ministère de la Justice devrait prévoir des ateliers à l'intention des hauts fonctionnaires afin de les tenir au fait de l'évolution de la législation sur les droits ancestraux et les droits issus de traités de même que des obligations du gouvernement à titre de fiduciaire.3 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé qu’il existe des ateliers et que les documents pertinents sont régulièrement mis à la disposition des hauts fonctionaires4. Commentaires : Encore une fois, la réponse est superficielle et pour la forme, et ne révèle chez les hauts fonctionnaires de besoin de se tenir au courant de la loi en évolution rapide dans le domaine des droits des peuples autochtones et des droits issus de traités. Le simple fait d’avoir des documents disponibles ne suffit pas. Une méthode plus efficace serait d’organiser des ateliers périodiques animés par des spécialistes compétents. Recommandation n° 3 « Parmi les personnes occupant des postes de directeur ou de sous-ministre, on ne devrait nommer que celles qui possèdent une très bonne connaissance des questions dont elles seront responsables. Dans des circonstances exceptionnelles, certaines personnes nommées peuvent être tenues de suivre avec succès une formation précise et importante au cours des six premiers mois de leur nomination.5 » [« pas nécessairement pertinente »] Dans sa réponse, M. Moore prétendait que cette recommandation avait fait l’objet d’attention, car les hauts fonctionnaires « sont nommés en fonction de certains facteurs, dont l’expérience, les connaissances, le leadership et d’autres aptitudes associées aux tâches propres à de tels postes6 ».
Commentaires : Recommandation n° 4 « On devrait mettre sur pied un secrétariat de mise en application de traités totalement indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada afin que le gouvernement remplisse ses obligations en vertu des traités et des conventions.7 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit que « depuis 1986, il est de la politique du Canada d’inclure les plans de mise en application avec chaque traité [ou] convention signé depuis8 ». Il a aussi souligné qu’une Assemblée conjointe des Premières Nations et une instance du ministère des Affaires indiennes se penchent sur la mise en application des traités signés avant la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Commentaires : Recommandation n° 5 « Une loi sur la mise en application des traités devrait être élaborée en englobant la plupart de la nouvelle loi sur les droits ancestraux et les droits issus de traités de même que la loi fiduciaire en un seul statut qui servirait de guide faisant autorité à l'intention des fonctionnaires du gouvernement dans l'exercice de leurs responsabilités en vertu des divers traités et conventions. Cette nouvelle législation, ou une partie de la législation correspondante, dont une loi de mise en application de traités (dispositions financières) devrait stipuler clairement la façon dont les aspects financiers des traités et conventions devraient être réglés.9 »
Commentaire : Recommandation n° 6 « Une cour supérieure de compétence nationale devrait voir le jour afin de traiter les cas mettant en cause les droits ancestraux et les droits issus de traités. Cette cour serait dotée d'une compétence dans ces secteurs et les cas découlant de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Loi sur les Indiens, la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et d'autres parties de la loi. De plus, on pourrait lui conférer un pouvoir de juridiction d'appel dans les cas issus de futurs tribunaux des Premières Nations. Les appels provenant de ces tribunaux sur les droits ancestraux et les droits issus de traités seraient entendus par la Cour fédérale d'appel et la Cour suprême du Canada. Les juges de ce tribunal seraient nommés par les Premières Nations et le gouverneur en conseil et le tribunal pourrait être administré par une section de la Cour fédérale du Canada. Après dix ans, on pourrait réévaluer le besoin de disposer de ce tribunal.10 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a observé que des tribunaux existants entendent des causes portant sur les droits des peuples autochtones et les droits issus de traités et il se demande quelle valeur la création d’un tel tribunal ajouterait au système de justice.
Commentaires : Recommandation n° 7 « Un processus de consultation devrait être entrepris par les gouvernements fédéral, cris et naskapi afin de passer en revue la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et d'atteindre les objectifs suivants :
[« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé qu’il ne pouvait voir la Commission jouer un rôle dans un tel processus. Il a ajouté qu’il n’y avait pas eu de demande officielle ni des Cris ni des Naskapis pour un tel examen.
Commentaires : Lorsque le Parlement crée explicitement une commission, se charge de la nomination de commissionnaires par décret selon les recommandations des Premières Nations, autorise et demande à la commission de présenter rapport devant la Chambre des communes et le Sénat, les gens sont en droit de croire que les présentations faites devant ces commissions sont aussi adéquates et officielles que possible. Attendre d’eux qu’ils refassent les mêmes présentations devant le personnel du ministère n’est pas raisonnable. Les peuples cris et naskapi s’attendent à ce que le ministère accomplisse son devoir, prenne ses responsabilités et réponde aux questions et préoccupations qui ont été soulevées devant la Commission. Cette question est abordée plus en profondeur dans le chapitre du présent rapport portant sur la mise en application et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Recommandation n° 8 « Le gouvernement canadien ainsi que les administrations cries devraient immédiatement passer en revue l'entente de financement actuelle, dont l'Entente sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien en tenant compte de la situation actuelle et à venir et des besoins des communautés cries et des gouvernements locaux.12 » M. Moore a affirmé que la recommandation avait été mise en "uvre et que les ententes sur le financement des opérations et de l’entretien avaient été conclues à la satisfaction de toutes les parties.
Commentaires : Recommandation n° 9 « Le ministère de la Justice, de concert avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, devrait amender la loi sur le contrôle des armes à feu afin de prévoir la nomination d'agents autochtones affectés aux armes à feu, qui seraient dotés des mêmes pouvoirs et de la même autorité qu'un agent en chef sur les armes à feu, proposée par la loi fédérale. Les peuples cri et naskapi ne devraient pas être assujettis aux droits de permis et d'enregistrement. De plus, les amendements devraient permettre aux gouvernements cris et naskapi locaux d'offrir un cours sur la sécurité des armes à feu et de délivrer des permis sur les armes à feu et des certificats d'enregistrement.13 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que la loi sur les armes à feu était sur le point d’être promulguée et qu’aucun amendement n’était prévu.
Commentaires : Recommandation n° 10 « Un examen approfondi et significatif de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois devrait être mené par toutes les parties visées. Il faut également établir un processus et un mécanisme qui lieraient toutes les parties afin qu'elles puissent respecter leurs obligations, responsabilités et engagements conformément aux conventions.14 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a noté que certains articles de la Convention du Nord-Est québécois faisaient l’objet d’un examen. Il a fait remarquer que le Québec et peut-être les autres parties devraient s’engager dans un examen plus approfondi.
Commentaires : Recommandation n° 11 « Les communautés cries et naskapie doivent disposer de ressources financières adéquates afin d'offrir efficacement des services de maintien de l'ordre à l'intention de leurs communautés et leurs policiers devraient avoir et exercer leur compétence à l'extérieur des terres de la catégorie I.15 » M. Moore était d’avis que ceci relevait des compétences de la Commission crie-naskapie et a noté qu’une convention tripartite avait été signée.
Commentaires : Recommandation n° 12 « On devrait accorder aux pointeurs le pouvoir d'agir à titre d'agents de conservation sur tout le territoire. 16 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que ceci était la responsabilité du Québec et que personne n’avait soulevé la question officiellement.
Commentaires : Il convient de souligner que, dans la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois, le Parlement a affirmé explicitement, au cinquième point :
On pourrait se demander « est-ce que ceci a un sens » ? À tout le moins, ceci « reconnaît et confirme » le devoir fiduciaire existant. Les commissionnaires sont d’avis que ce devoir exige du gouvernement du Canada qu’il fasse des efforts particuliers pour s’assurer que la lettre et l’esprit des droits des peuples autochtones et des droits issus de traités soient respectés, et ce, non seulement par les agences et ministères gouvernementaux, mais aussi par les provinces et autres instances. Recommandation n° 13 « L'administrateur fédéral, les membres fédéraux du Comité fédéral d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social et les fonctionnaires fédéraux ne devraient pas s'immiscer dans la compétence, le pouvoir de prise de décisions et l'autorité de l'administrateur local de l'environnement. De plus, le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations, ses responsabilités et son rôle conformément à l'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.17 » M. Moore a admis que la recommandation se situait à l’intérieur du mandat de la Commission crie-naskapie. Il a noté qu’une table sectorielle environnementale avait été mise sur pied dans le cadre du processus Vennat-Namagoose, et que le Québec devrait être mis à contribution à un certain moment. Il a aussi observé que certains points touchant les questions environnementales étaient actuellement devant les tribunaux.
Commentaires : Recommandation n° 14 « Les méthodes traditionnelles des Cris et des Naskapis devant les questions juridiques devraient être reconnues. Un examen complet et valable des articles portant sur la justice et la police figurant dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être effectué afin de faciliter l'établissement et la mise en application de l'appareil judiciaire local et faire régner la justice en bonne et due forme. 18 » Encore une fois, le ministère des Affaires indiennes était d’avis que la question de la police était liée au mandat de la Commission crie-naskapie et qu’elle était encadrée par le processus Vennat-Namagoose. Le MAINC était généralement disposé à discuter de questions de justice avec les Cris, mais exprimait la préoccupation que le Québec devait également être à la table.
Commentaires : Recommandation n° 15 « Les transferts finals des terres de la catégorie I et l'attribution des terres de la catégorie II ne devraient être finalisés qu'après des pourparlers et une entente avec le Grand consei1 des Cris (Eeyou Istchee) et les Premières Nations cries locales relativement aux limitations et aux questions s'y rattachant. Toutefois, les transferts finals des terres de la catégorie I devraient être effectués dès que possible. 19 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que les transferts de terre étaient achevés, et que les questions de frontières pourraient être discutées, mais que le Québec avait là la principale responsabilité et qu’il devrait être à la table. La nation crie s’est objectée au transfert final unilatéral de terres de catégorie IA sans qu’on n’ait résolu les questions frontalières et connexes.
Commentaires : Recommandation nos 16 et 17 La bande de 200 pieds le long des rivages des lacs et rivières sur les terres de la catégorie I des Cris devrait être abolie. Les autorités visées (y compris les Cris) devraient procéder à un choix final des terres et à une classification le long des rivages des cours d'eau sur les terres de la catégorie I des Cris.20 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore estimait que c’est le Québec qui avait la première responsabilité dans ces domaines.
Commentaires : Recommandation n° 18 « Le statut des revendications des Cris sur les eaux et les lits mettant en cause les îles au large des côtes de la Baie d'Hudson et de la Baie James devrait être résolu dès que possible par des négociations entre les Cris et le Canada. 21 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a noté que le Canada et les Cris en sont actuellement à nommer des négociateurs.
Commentaires : Recommandation n° 19 « Le gouvernement fédéral devrait accélérer le processus du transfert final des terres de la catégorie I A-N aux Naskapis et l'approbation du changement de nom officiel de la bande. 22 » [« pas nécessairement pertinente »] Le MAINC a signalé que le transfert est maintenant achevé, et que le changement de nom a été approuvé.
Commentaires : Recommandation n° 20 « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait engager des pourparlers avec les Washaw Sibi Eeyou à l'égard de leurs revendications, de leurs droits et de leurs inquiétudes au sujet de leur territoire. 23 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a signalé que le MAINC avait maintenant entamé un dialogue avec les Washaw Sibi Eeyou et qu’il avait fourni 25 000 $ aux fins d’une étude.
Commentaires : Recommandation n° 21 « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait amorcer un dialogue avec la nation naskapie afin de résoudre dès que possible les revendications des Naskapis en ce qui a trait au Labrador.24 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit que les Naskapis avaient soumis la documentation trois ans auparavant, et que le MAINC avait demandé des informations supplémentaires, mais qu’il ne les avait pas reçues.
Commentaires : Recommandation n° 22 « Les gouvernements cris locaux et le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) devraient mettre de l'avant un processus visant à clarifier les rôles et responsabilités des entités et des institutions locales et régionales en faveur d'une autonomie gouvernementale des Cris.25 » Le MAINC est d’avis qu’il s’agissait d’une idée positive, relevant du mandat de la Commission crie-naskapie.
Commentaires : Recommandation n° 23 « La constitution officielle des Cris d'Oujé-Bougoumou en personnes morales dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être terminée. 26 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que les discussions mettant en cause Mistissini et Oujé-Bougoumou sont déjà en cours. Le Canada prévoit qu’on lui demandera d’y participer sous peu.
Commentaires : Recommandation n° 24 « La formule de rajustement dans l'entente actuelle de financement sur les opérations et l'entretien d'Oujé-Bougoumou devrait être revue afin de tenir compte des réalités actuelles et des besoins réels de la communauté. 27 » M. Moore a admis que ceci relève du mandat de la Commission. Il a ajouté qu’Oujé-Bougoumou fait partie de l’Entente sur le financement des opérations et l’entretien des Cris, et que des rajustements au financement avaient été faits pour les exercices 1998-1999 et 1999-2000, ce qui fournit des ressources supplémentaires.
Commentaires : Recommandation n° 25 « Le gouvernement fédéral devrait participer au processus de mise à jour de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois et les Cris et les Naspakis devraient envisager la possibilité d’entreprendre des mesures parallèles avec les deux ententes. 28 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit que rien n’avait été fait, mais que le ministère aimerait obtenir davantage de détails et qu’il était d’avis que le Québec devait nettement jouer un rôle ici.
Commentaires : Recommandation n° 26 « Le gouvernement fédéral devrait participer ou jouer un rôle d'observateur dans l'examen de l'article 11 de la Convention du Nord-Est québécois. 29 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit que l’éducation était une question relevant essentiellement du Québec, mais que le MAINC avait certaines obligations. Le MAINC n’avait pas été invité officiellement à participer aux discussions.
Commentaires : RECOMMANDATIONS PROPRES AUX COMMUNAUTÉS Recommandation n° 27 (CHISASIBI) « Le gouvernement fédéral, en tant que fiduciaire de la nation crie de Chisasibi, en particulier en ce qui a trait aux droits de Chisasibi conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, devrait aider Chisasibi dans la reconnaissance de ses droits relativement au Bloc D.30 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore était d’avis qu’il s’agissait essentiellement d’une question touchant le Québec, mais qu’une solution au problème ne devrait pas tarder.
Commentaires : Recommandation n° 28 (EASTMAIN) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que le chef et conseil d'Eastmain devraient entamer des pourparlers afin de s'entendre sur les frais à verser pour la création d'un nouveau bureau pour la bande et les frais de remplacement de l'équipement lourd.31 » Le ministère des Affaires indiennes était d’avis que ceci pourrait être du ressort de la Commission crie-naskapie. Le MAINC tente de venir à terme avec ces questions dans le contexte des négociations en cours au sujet de l’Entente sur le financement des opérations et de l'entretien.
Commentaires : Recommandation n° 29 (EASTMAIN) « Un nettoyage sur le plan environnemental des réservoirs d'huile ancienne n'ayant pas servi et des autres débris sur l'emplacement de l'ancienne usine génératrice diesel devrait être assuré par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.32 » [« pas nécessairement pertinente »] Encore ici, le ministère des Affaires indiennes était d’avis que la question se situait à l’extérieur du mandat de la Commission crie-naskapie. La question était à l’étude, et une médiation était en cours, selon M. Moore.
Commentaires : Recommandation n° 30 (EASTMAIN) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec le chef et conseil d'Eastmain, devrait élaborer des plans pour la création d'un nouveau site d'évacuation des déchets.33 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que le MAINC considérait qu’il s’agissait d’une question urgente pour Eastmain, et que son ministère tentait de trouver les fonds.
Commentaires : Recommandation n° 31 (EASTMAIN) « Eastmain, les Services sociaux et de santé des Cris ainsi que la Direction générale des services médicaux du ministère de la Santé devraient conjuguer leurs efforts dès que possible afin de se pencher sur les besoins d'Eastmain en matière de santé, en particulier en ce qui a trait aux problèmes respiratoires et de diabète. 34 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a signalé que rien n’avait été fait, et qu’il s’agissait d’une question intéressant le Québec dans la mesure où les services de santé avaient été transférés aux Services sociaux et de santé cris.
Commentaires : Recommandation n° 32 (EASTMAIN) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'entretenir avec Eastmain afin de mettre sur pied et de financer des programmes et des installations nécessaires à l'intention des jeunes. 35 » [« pas nécessairement pertinente »] Le MAINC a affirmé qu’une table de négociations avait été mise sur pied, et qu’un dialogue était en cours.
Commentaires : Recommandation n° 33 (MISTISSINI) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement ainsi que Mistissini devraient commencer à élaborer des plans afin d'éliminer le problème de pénuries de logements et à se fixer un échéancier.36 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit que l’Administration régionale crie avait reçu un paiement non renouvelable de 6,5 millions $ en 1997-98 en vertu de la nouvelle politique de logement du MAINC. Il a ajouté que Mistissini avait accès aux programmes de logement de la SCHL ainsi qu’aux subventions du MAINC. Il était d’avis que la pénurie de logements était un problème considérable pour toutes les Premières Nations et pour tous les Canadiens, et qu’elle nécessitait des solutions plus larges.
Commentaires : Recommandation n° 34 (MISTISSINI) « Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les gouvernements cris locaux ainsi que les communautés devraient amorcer des pourparlers sur l'élaboration d'une constitution crie.37 » M. Moore a exprimé l’avis qu’il s’agissait d’une excellente idée.
Commentaires : Recommandation n° 35 (MISTISSINI) « Transports Canada devrait terminer l'évaluation environnementale du site de Nitchiquon comme il a été prévu et mener à bien l'assainissement environnemental requis.38 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a signalé que l’évaluation environnementale avait été faite et qu’un assainissement était en cours ou terminé.
Commentaires : Recommandation n° 36 (WEMINDJI) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait se pencher sur les inquiétudes au sujet des droits d'utilisation de l'eau de la communauté et les régler avec le chef et conseil de Wemindji.39 » Le ministère des Affaires indiennes a reconnu que la Commission crie-naskapie pourrait jouer le même rôle. M. Moore a affirmé qu’il n’y avait pas eu jusqu’ici de demande de la communauté, et que le Québec devait être mis à contribution.
Commentaires : Recommandation n° 37 (WEMINDJI) « Un processus devrait être établi afin de traiter les besoins urgents des pointeurs relativement à la violation de leurs parcours de piégeage et des territoires de chasse.40 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a affirmé que la question n’avait pas été soulevée auprès du ministère, que celui-ci avait besoin d’un complément d’information et que le Québec devrait être mis à contribution.
Commentaires : Recommandation n° 38 (WASWANIPI) « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'occuper des besoins spéciaux des aînés et des jeunes et un plan d'action devrait être élaboré.41 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore était d’avis que cette question pourrait être abordée dans le cadre des négociations sur les centres communautaires (voir recommandation n° 32).
Commentaires : Recommandation n° 39 (NEMASKA) « Nemaska ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devraient entamer des pourparlers afin de régler la revendication non résolue de Nemaska sur la somme de 3,85 millions de dollars pour avoir accès à une route, y compris les immobilisations et l'entretien.42 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a signalé que les pourparlers avaient été entamés, mais qu’ils s’étaient maintenant enlisés. M. Moore a également dit qu’il ne pensait pas que le Canada avait des obligations juridiques, mais qu’une solution négociée de l’affaire était souhaitable.
Commentaires : Recommandation n° 40 (NEMASKA) « Vieux Poste devrait être désigné comme lieu historique en raison de ses peintures rupestres et d'autres caractéristiques d'intérêt historique.43 » [« pas nécessairement pertinente »] M. Moore a dit qu’il n’y avait pas eu de demande de la part de la communauté mais qu’on devrait peut-être se tourner vers le ministère du Patrimoine canadien.
Commentaires : Recommandation n° 41 (NEMASKA) « Le Québec devrait renoncer aux frais de coupe sur le bois d'"uvre utilisé dans la construction du site Vieux Poste.44 » [« pas nécessairement pertinente »] Le ministère des Affaires indiennes estimait que la solution de cette question relevait de la province de Québec.
Commentaires :
|
||||||
|
|
CHAPITRE 11 |
---|
RECOMMANDATIONS |
La Commission crie-naskapie présente les recommandations suivantes; ce faisant, son objectif est que les autorités fédérales, cries et naskapie prennent les mesures qui s'imposent pour améliorer et pour avancer l'administration Eeyou locale ainsi que les droits Eeyou : Recommandations générales
Nation naskapie de Kawawachikamach
Administration autonome Eeyou
Convention de la Baie James et du Nord québécois et Convention du Nord-Est québécois
Financement de l'exploitation et de l'entretien (E&E) Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) examinent le présent « accord sur le transfert du financement de l'exploitation et de l'entretien » afin de tenir compte des besoins et des préoccupations de l'heure de la nation crie d'Eeyou Istchee. En particulier, les modalités du financement et la formule de l'accord sur le financement d'E&E devraient être revues et mises à jour afin de refléter les besoins, la situation et les préoccupations de l'heure des administrations locales Eeyou et des autorités régionales Eeyou.
Habitations
Développement économique et emploi
Projets d'immobilisations
Contrôle des armes à feu
Préoccupations collectives spécifiques
Mise en "uvre et modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach devraient déterminer le rôle de la Commission crie-naskapie au cours du processus devant se terminer par la présentation d'un mémoire au Cabinet fédéral, au plus tard dans deux (2) ans. (La Commission a préparé un document de travail intitulé « Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ».)
|
|
CONCLUSION |
---|
Au cours des seize années qui se sont écoulées depuis la proclamation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, il y a eu beaucoup de changements. Les collectivités des Cris et des Naskapis ont grandi et se sont développées. Les administrations locales ont évolué et progressé. Les Cris comme les Naskapis sont plus conscients de former des nations, ce qui a dans une large mesure remplacé l'ancienne notion de « bande » indienne. Cette évolution est, pour une bonne part, attribuable aux accords qui ont été conclus. De plus, la nation crie prétend que les gouvernements fédéral et provincial n'ont pas assumé leurs responsabilités de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. L'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes, a déclaré à de nombreuses occasions qu'il veillait à ce que les traités et les accords soient correctement mis en "uvre. Plusieurs des accords plus récents sur les revendications territoriales contiennent des mécanismes de règlement des conflits. Tel n'est pas le cas pour la Convention de la Baie James et du Nord québécois et pour la Convention du Nord-Est québécois. Beaucoup trop de modalités de la Convention de la Baie James et du Nord québécois sont contestées et prêtent à litige. Il devient évident que la Cour suprême du Canada, et de plus en plus les tribunaux, sont généralement à la fine pointe lorsqu'il s'agit d'assurer dans la pratique le respect des droits des Autochtones ainsi que ceux conférés par les traités et qui sont garantis par la Constitution. En revanche, les gouvernements combattent invariablement cela avec beaucoup de ténacité. Il est temps que le gouvernement fédéral assume le leadership et apporte son soutien aux droits constitutionnels des Autochtones du Canada et, certes, à ceux de tous les Canadiens au lieu de persister à nier ces droits. Dès qu'un accord complexe est signé, tel un règlement en matière de revendications territoriales, il est à prévoir qu'il y aura des divergences légitimes pour l'interprétation des dispositions en cause. Un mécanisme quelconque de résolution des conflits est nécessaire. Pour l'instant, il nous semble clair que seuls les tribunaux ont suffisamment d'autorité pour résoudre définitivement ces conflits, tout en ayant la capacité d'imposer leurs décisions. C'est pourquoi la Commission crie-naskapie croit que si le ministre Nault est sérieux quant au besoin de respecter l'esprit et l'intention des traités, il doit faire plus qu'offrir des énoncés sur ses bonnes intentions. Nous croyons que trois recommandations de notre rapport de 1998 peuvent servir de fondement pour garantir une mise en "uvre efficace. Voici ces trois recommandations :
Les juges d'un tel tribunal seraient recommandés par les Premières nations et nommés par le gouverneur en conseil, et le tribunal constituerait une division de la Cour fédérale du Canada. Après une période de dix ans, il faudrait réévaluer le besoin d'un tel tribunal. Il devient de plus en plus évident que la gouvernance Eeyou est d'abord et avant tout une affaire de valeurs, de culture et de changement. Au niveau local, la mise en "uvre de la gouvernance Eeyou continuera d'être guidée par la convergence des pratiques traditionnelles et contemporaines. Le défi des autorités fédérales, cries et naskapie consiste à articuler et à faire avancer des stratégies, mesures et changements efficaces visant l'amélioration de l'administration locale Eeyou. Enfin, les commissaires croient qu'il y a de nombreux signes positifs indiquant que les parties sont prêtes à résoudre les problèmes en suspens. L'engagement personnel évident du Ministre est très encourageant. Au niveau ministériel, le défi consiste à passer des intentions personnelles aux mesures concrètes. La réalité est simplement que le Ministre, comme ses prédécesseurs, sera remplacé dans une année ou deux. Si le processus de mise en "uvre véritable et de bonne foi des traités qu'il recherche doit aboutir, il doit livrer une législation solide, spécifique et pratique qui garantira, après son départ, les droits constitutionnels des peuples autochtones et confirmera l'intégrité du Canada à titre de signataire de traités. Document révisé le 29 mai 2000 |
|
GLOSSAIRE |
---|
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec :
Convention de la Baie James et du Nord québécois :
Convention du Nord-Est québécois :
Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois :
Eeyouch ou Eeyou :
Eenouch ou Eenou :
Eeyou Istchee : |
ANNEXE |
---|
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE, TELLES QU'ELLES SONT FORMULÉES DANS LE DOCUMENT DE TRAVAIL, ET QUI PORTENT SUR LES ÉLECTIONS DES ADMINISTRATIONS LOCALES DES (PREMIÈRES) NATIONS CRIE ET NASKAPIE. |
RECOMMANDATIONS |
En ce qui concerne les élections des administrations locales Eeyou (nations crie et naskapie), la Commission crie-naskapie recommande les mesures suivantes :
|
|