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RAPORT DE LA COMMISSION CREE-NASKAPI 2004
Rapport de la commission CREE-NASKAPI 2004
TERRITOIRES CREE-NASKAPI

HOMMAGE AUX CONSTRUCTEURS DE LA NATION
Mr Elijah Einish
Chef Elijah Einish
DU 17 JUIN, 1955 AU 28 JUIN, 2004
M. Elijah Einish était un des négociateurs pour la nation naskapie duQuébec dans le cadre des négociations tenues avec le gouvernement du Canada et celui du Québec et qui ont mené à l'exécution de la Convention du Nord-Est québécois. C'est lui qui a traduit la version naskapie officielle de cette Convention. Avant 2003, M. Einish avait servi la nation naskapie de Kawawachikamach en tant que membre du Conseil de la nation naskapie. Il a été élu chef de la nation naskapie de Kawawachikamach en août 2003. L'objectif déclaré du chef Elijah Einish était de promouvoir la force grâce à l'unité entre la nation naskapie et les autres Premières nations du Québec et du Canada.
M. Peter John Gull a servi les Eenouch de Waswanipi en tant que chef et membre du conseil de la Première nation crie de Waswanipi de 1968 à 1986. Durant ses mandats à titre de chef, Peter J. Gull a été le chef visionnaire qui a réussi la réunification des bandes Waswanipi grâce à l'établissement de la nouvelle communauté de Waswanipi. Le chef Peter J. Gull a été un des signataires de la Convention de la Baie James et du Nord canadien. M. Peter J. Gull s'est également distingué comme leader du développement économique de Waswanipi. Durant ses nombreuses années de collaboration auprès de la Mishtuk Corporation et de la Nabakatuk Forest Products, M. Peter J. Gull a occupé des postes de président, de vice-président et de secrétaire. Mr Peter John Gull
Chef Peter J. Gull
DU 10 JUIN, 1943 AU 18 JUIN, 2003
Mr Walter James Hughboy
Chef Walter J. Hughboy
DU 11 NOVEMBRE, 1946 AU 2 AVRIL, 2004

M. Walter James Hughboy a été au service des Eeyouch de Wemindji à titre de chef durant vingt et un (21) ans, soit de septembre 1978 à septembre 1999. Le chef Hughboy a été membre fondateur et président de nombreuses entreprises, notamment celles-ci : Sakami Eeyou Corporation, Tawich Development Corporation, Tawich Construction Inc., Air Wemindji Inc. Il a été négociateur déterminant de la Convention du lac Sakami, de la Convention La Grande et de la Convention Opimiscow. Le chef Hughboy a aussi joué un rôle majeur dans le développement économique et communautaire de Wemindji. Pendant sa vie publique, le chef Walter J. Hughboy a été un constructeur de la nation eeyou.
CREDITS

RÉDACTEURS
Richard Saunders, Président Philip Awashish, Commissaire

COUVERTURE, MISE EN PAGE ET CONCEPTION
gordongroup

IMPRESSION
Gilmore

TRADUCTION
George Guanish (Naskapi)
Mary Mokoush (Naskapi)
C.I.L.F.O. Translation (French)
Louise Blacksmith (Cree)

PHOTOGRAPHIE
Edward Saunders Photography
John Mameanskum
Philip Awashish

CONTACTEZ-NOUS
Commission Cree-Naskapi
222 rue Queen, Bureau 305
Ottawa, (Ontario) K1P 5V9

téléphone: (613) 234-4288
télécopieur: (613) 234-8102
sans-frais: 1 (888) 236-6603

SITE WEB
www.creenaskapicommission.net

REMERCIEMENTS


LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE REMERCIE LES REPRÉSENTANTS ET LES DIRIGEANTS DU GRAND CONSEIL DES CRIS (EEYOU ISTCHEE), LES GOUVERNEMENTS LOCAUX DES NATIONS CRIE ET NASKAPIE, AINSI QUE LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD POUR LA PRÉSENTATION DE LEUR EXPOSÉ LORS DES AUDIENCES SPÉCIALES SUR L'EXÉCUTION DE LA LOI, QUE LA COMMISSION A TENUES EN PRÉVISION DU PRÉSENT RAPPORT BIENNAL. CES EXPOSÉS SE SONT AVÉRÉS ESSENTIELS À LA PRODUCTION D'UN RAPPORT D'INFORMATION SUR LES ENJEUX ET LES PRÉOCCUPATIONS DES NATIONS EEYOU, AINSI QUE DU GOUVERNEMENT DU CANADA.

LES COMMISSAIRES TIENNENT ÉGALEMENT À REMERCIER LE PERSONNEL DE LA COMMISSION. LE TRAVAIL ET LA CONTRIBUTION DE BRIAN SHAWANA, DE GLORIA DEDAM ET DE CHARLOTTE KITCHEN ONT EFFECTIVEMENT PERMIS DE CONCEVOIR CE RAPPORT.

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Ottawa, Ontario
Le 28 juin 2004



L'honorable Andy Mitchell, C. P.,
député Ministre des Affaires indiennes et du Nord
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0H4

Monsieur le ministre,

Nous sommes heureux de vous présenter ci-joint le neuvième rapport biennal de la Commission Crie-Naskapie, en vertu de l'article 171 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Le présent rapport se fonde sur les audiences et les consultations lors desquelles les Cris, les Naskapis et le gouvernement du Canada ont fait part de leurs opinions, de leurs préoccupations et de leurs suggestions quant à l'exécution de la loi. Depuis la publication de notre dernier rapport, nous avons également étudié les suggestions écrites que nous a transmis votre ministère, ainsi que d'autres sources.

Nous sommes impatients de vous rencontrer, ainsi que vos représentants, afin de discuter des mesures à prendre pour assurer le suivi des révélations et des recommandations du rapport. Nous nous entretiendrons également de ce rapport avec les nations Crie et Naskapie, ainsi qu'avec les autres parties concernées.



Nous vous prions d'agréer, monsieur le ministre, nos respectueuses salutations.



La commission Cree-Naskapi
Richard Saunders
Richard Saunders
Président
Robert Kanatewat
Robert Kanatewat
Commissaire
Philip Awashish
Philip Awashish
Commissaire
 


Commissionners
Philip Awashish
Commissaire

Philip Awashish était un des principaux négociateurs pour la nation crie d'Eeyou Itchee lors des négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Pendant vingt ans, il a servi la nation crie d'Eeyou Istchee à divers titres, notamment comme chef exécutif et vice-président du Grand Conseil des Cris (du Québec) et de l'Administration régionale crie, et chef et conseiller de la nation crie de Mistissini.
Richard Saunders
Président

Richard Saunders détient des diplômes universitaires en sciences politiques et en administration publique de l'Université Carleton. Il a travaillé pour l'Assemblée des Premières nations, la Indian Association of Alberta, le gouvernements fédéral, ainsi que les gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta. Au cours des trois dernières années, il a agi comme directeur des négociations pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, qui a récemment signé une entente cadre avec les chefs Mi'kmag et le gouvernement fédéral. Richard a été membre de la Commission crie-naskapie pendant trois mandats consécutifs, de 1986 à 1992; il en est le président depuis 1997.
Robert Kanatewat
Commissaire

Robert Kanatewat, un Eeyou de Chisasibi, a joué un rôle-clé dans la promotion de la sensibilisation aux droits des Eeyous à titre de membre exécutif de la Confédération des Indiens du Québec à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Il a été le principal demandeur dans l'affaire Kanatewat c. Société de développement de la Baie James, lorsque la nation crie a décidé de s'opposer à l'aménagement hydro-électrique initial d'Eeyou Istchee. En sa qualité de cadre principal, il a participé aux négociations menant à l'exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Pendant de nombreuses années, il a servi les Eeyous d'Istchee comme chef exécutif du Grand Conseil des Cris (du Québec), chef de la nation crie de Chisasibi et dirigeant de diverses entreprises commerciales. À l'exception d'un mandat, Robert Kanatewat est membre de la Commission Crie-Naskapi depuis 1986.
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TABLE DES MATIÈRES

MESSAGE DU PRÉSIDENT .................................................................................2

CHAPITRE UN
Introduction ...............................................................................................................7

CHAPITRE DEUX
L'administration locale Eeyou et la loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ................................................................................................................... 12

CHAPITRE TROIS
Préocupations et problèmes de la nation Eeyou (crie) ................................ 37

CHAPITRE QUATRE
(Nation) Naskapie Eeyouch Kawawachikamach .......................................... 59

CHAPITRE CINQ
Résponse du Ministre des affaires Indiennes et du Nord Canadien ........64

CHAPITRE SIX
Recommendations ............................................................................................. 77

CHAPITRE SEPT
Conclusion ........................................................................................................... 82




2004 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE               1
 
MESSAGE DU PRÉSIDENT

«Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument.» -Lord Acton


Tous les Canadiens ont une forme quelconque de relation avec leurs gouvernements. Pour la grande majorité, cette relation s'établit à distance, sans importuner; elle est généralement positive et relativement limitée. Par contre, pour les Premières Nations, la relation a été immédiate, axée sur le contrôle, souvent négative et très étendue. Le Canadien moyen aurait de la difficulté à imaginer l'ampleur ou la généralité de l'intrusion et du contrôle du gouvernement dans beaucoup d'aspects de la vie des peuples des Premières Nations.

Il n'est pas nécessaire de réciter la litanie des exemples qui illustrent comment ce problème a marqué les collectivités et les personnes. La déclaration la plus claire de l'échec de la politique gouvernementale reliée aux affaires " indiennes " en général se trouve dans le rapport de 1996 de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) :

« Notre grande conclusion se résume simplement : La grande orientation politique, de plus de 150 ans, d'abord retenue par le gouvernement colonial et, ensuite, le gouvernement canadien, a été une erreur »1.

Ces 150 ans de politique " erronée " ont non seulement eu d'énormes répercussions sur les Premières Nations, mais ont fini par définir la culture de la bureaucratie publique qui a administré la politique; cela a donné des résultats considérables aux niveaux communautaire, régional et national, résultats qui prennent une quantité extraordinaire de temps et d'efforts lorsque nous voulons du changement. Si quelqu'un considère que ces 150 ans de politique « erronée » ont été administrés par une bureaucratie centralisée, approchant d'une certaine façon le « pouvoir absolu » qui préoccupait Lord Acton, nous commençons à voir l'ampleur des défis auxquels les Premières Nations font face au moment où elles reprennent leur droit inhérent à l'autonomie et où un gouvernement fédéral consent prépare en hésitant, avec des doutes occasionnels, à se dépouiller d'une grande partie de ce pouvoir presque absolu.

CHANGEMENT DE POLITIQUE ET DE RAPPORT DES FORCES
la Convention de la Baie James et du Nord Québécois, la Convention du Nord-Est québécois ainsi que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec consécutive étaient des virages audacieux et optimistes éloignant de la politique « erronée » et du « pouvoir absolu ». Elles ont créé de grandes attentes, à juste titre, mais difficiles à combler, en matière d'autonomie gouvernementale dans les collectivités des Cris et des Naskapis. En 1975, lorsque la première convention a été signée, on ne s'est pas rendu compte, surtout au gouvernement, de ce qu'allaient signifier, pour les changements politiques et de rapports de force, tous les aspects de ces traités et de la législation connexe. Les conventions ont précédé la révision constitutionnelle de 1982, où étaient enchâssés les droits des Autochtones et des traités; elles étaient bien en avance sur leur temps par rapport à ce que pensaient les responsables des politiques. Elles étaient à la fine pointe du

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changement et ont dû faire face à la résistance habituelle que ces sortes de nouveautés engendrent. Le changement dramatique de politique et, encore plus dramatique, de rapport de forces qui a suivi n'était que partiellement compris, planifié ou même accepté par un gouvernement conditionné par plus d'un siècle d'exercice d'un contrôle presque sans entraves sur les Cris et les Naskapis. Tous les conflits et difficultés prévisibles ont surgi. Il y a eu (et il y a encore) des conflits relatifs au sens précis des clauses des conventions. Il y a eu (et il y a encore) des débats sur la nature et l'étendue des obligations de la mise en oeuvre. Il y a eu (et il y a encore) absence de consensus sur la manière dont les conventions et la loi s'intègrent au droit classique, coutumier et actuel, ainsi qu'aux droits autochtones plus généraux et protégés constitutionnellement. Ces difficultés et conflits sont bien documentés par les parties elles-mêmes, dans les transcriptions des actions en justice ainsi que dans les rapports antérieurs de la Commission crie-naskapie.

PROBLÈMES DE MISE EN OEUVRE
Souvent les Premières Nations négocient et signent des règlements de réclamations foncières, espérant beaucoup que la relation entre elles et le Canada deviendra positive, stable, que les problèmes persistants dans les domaines social, économique et de la santé, auxquels elles se heurtaient jusqu'alors, seront attaqués conjointement et dans un esprit de collaboration, puis réglés graduellement. La réalité transparaît dès que la mise en oeuvre des règlements de réclamations commence (ou échoue). Malheureusement, trop souvent il y a eu des désaccord à la mise en oeuvre, et ce, au sujet de la portée et du sens des clauses des conventions ainsi que de la nature et de l'étendue des obligations créées. Cela a souvent débouché sur des litiges, de l'acrimonie et, ce qui importe le plus, à l'échec, c'est-à-dire, ne pas répondre aux besoins sociaux, économiques et de santé des collectivités qui, en premier lieu, étaient censées bénéficier des conventions.

Le problème est que, dans de nombreux cas, des plans adéquats de mise en oeuvre n'ont jamais été préparés et qu'il n'y a pas d'organisme indépendant (à part les tribunaux) qui veille sur la mise en oeuvre, règle les conflits et exige des compte des parties. Le vérificateur général du Canada a signalé ce problème à un certain nombre d'occasions. Le rapport de septembre 1998, par exemple, disait ceci :



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« 14.3... Entre autres choses, la réussite de la mise en oeuvre des règlements est essentielle pour respecter les intentions de ces traités.... Nous avons relevé des lacunes dans la mise en oeuvre, notamment l'absence de plans de mise en oeuvre ou des plans inadéquats ainsi que le besoin d'améliorer la surveillance, les évaluations et les rapports »2.


Les défectuosités et les échecs de la mise en oeuvre ne se limitent pas au Nord québécois. En novembre 2003, quelque 29 ans après la signature de la Convention de la Baie James et du Nord Québécois, une réunion a eu lieu à Ottawa pour les représentants des nations autochtones qui avaient signé des conventions au cours de cette période. À la fin de la réunion, les nations autochtones ont émis une déclaration commune, où elles demandaient au gouvernement fédéral de travailler avec elles à élaborer une nouvelle politique de mise en oeuvre des règlements de réclamations foncières.

La proposition du groupe (aujourd'hui désigné par Land Claim Agreement Coalition [coalition pour l'accord de revendications territoriales]) recommandait qu'une nouvelle politique de mise en oeuvre de réclamations foncières comprenne les quatre éléments suivants :

« 1. La reconnaissance du fait que la Couronne aux droits du Canada, non le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, est la partie de nos accords de revendications territoriales et de nos ententes sur l'autonomie gouvernementale.

2. Il faut un engagement fédéral d'atteindre les objectives généraux des accords de revendications territoriales et de nos ententes sur l'autonomie gouvernementale, et ce, dans le contexte des nouvelles relations par opposition à la simple conformité technique à des obligations précises. Cela doit comprendre, notamment, un financement adéquat assuré, en vue d'atteindre ces objectifs et d'honorer ces obligations.

3. La mise en oeuvre doit relever de cadres supérieurs fédéraux pertinents, qui représentent l'ensemble du gouvernement canadien.

4. Il doit y avoir une mise en oeuvre indépendante et un organisme d'examen distinct du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce pourrait être le service du vérificateur général ou un service semblable relevant directement du Parlement. Des rapports annuels seront préparés par ce service, en consultation avec les groupes ayant des accords de revendications territoriales »3.

Compte tenu de l'expérience de la Commission crie-naskapie dans les affaires de mise en oeuvre dans le Nord québécois, ces recommandations ont du sens et le gouvernement fédéral devrait y donner suite, en consultation avec les nations autochtones en cause. Beaucoup d'idées des recommandations se trouvent, en fait, dans les rapports biennaux de la Commission qui ont été présentés au Parlement depuis 1986.

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Ce qui est important aujourd'hui, en 2004, c'est de savoir et d'accepter que les choses ont changé et que la tâche actuelle est de mettre en oeuvre les ententes portant règlement, de manière à rendre justice politiquement, économiquement et socialement aux Cris et aux Naskapis, globalement et individuellement, en respectant complètement la lettre, l'esprit et les intentions des ententes.

Dans notre rapport de 2004, les commissaires ont traité des problèmes soulevés par les Cris et les Naskapis lors des séances spéciales de 2004 axées sur la mise en oeuvre ainsi que lors de commentaires formulés au cours des deux dernières années. De plus, toutefois, nous voulons nous tourner vers l'avenir. À partir de l'étude de ce que nous avons entendu, nous présentons certaines recommandations, non seulement en rapport avec les préoccupations spécifiques relevées, mais aussi avec les orientations politiques futures qui, selon nous, pourraient mieux nous permettre de parvenir à la sorte de justice politique, économique et sociale envisagée par les signataires des conventions et ceux ayant adopté la législation. Dans le domaine de la justice politique, nous traitons d'idées permettant de pousser plus loin la reconnaissance, la restitution et le développement de l'autonomie. En matière de justice économique, nous traitons d'une habilitation économique supérieure, qui découle d'une participation plus grande à l'économie canadienne ainsi que d'une habilitation pouvant se concrétiser par un accès accru à ses « propres revenus autonomes ». Au chapitre de la justice sociale, nous traitons d'idées devant améliorer ce qui est généralement désigné par le « filet de sécurité sociale »; nous abordons l'administration de la justice ainsi que les conditions générales de vie dans les collectivités.

AUTONOMIE
Depuis un certain nombre d'années, le Canada reconnaît le droit inhérent à l'autonomie, en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Quant aux Cris et aux Naskapis, ces nations existent et exercent le pouvoir gouvernemental depuis des milliers d'années. Elles n'ont jamais renoncé à leur droit à l'autonomie. Pendant une longue période, le gouvernement fédéral a affirmé son contrôle administratif sur les Cris et les Naskapis ainsi que sur d'autres Premières Nations, par l'entremise de la Loi sur les Indiens. Dans le cas de beaucoup de Premières Nations, ce maintien du contrôle administratif accompagne encore, de façon incongrue, la reconnaissance par le Canada du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, protégé constitutionnellement.

Par la Convention de la Baie James et du Nord Québécois et la Convention du Nord-Est québécois, le Canada s'engageait à adopter une législation remplaçant la Loi sur les Indiens, du moins pour les Cris et les Naskapis. Cet engagement découlait de la promulgation en 1984 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les conventions et la loi n'affaiblissaient en rien le droit inhérent à l'autonomie qui précédait effectivement les conventions, la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ)(et, quant à cela, l'arrivée des premiers colons européens). Les conventions et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec accordaient davantage d'autonomie que la Loi sur les Indiens. Il reste toutefois beaucoup de travail à faire pour reconnaître complètement les pouvoirs de l'autonomie traditionnelle des Cris et des Naskapis et pour les mettre en oeuvre. Certaines dispositions de la Loi sont en conflit avec certains éléments du droit

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traditionnel et coutumier, qui sont, en toute vraisemblance, protégés par les clauses sur les droits autochtones de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il faudra éliminer ces conflits à la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En outre, des nouveautés contemporaines dans l'exercice des pouvoirs cris et naskapis doivent être reconnues sur le plan législatif et/ou mises en oeuvre le cas échéant.

JUSTICE ÉCONOMIQUE
Conformément à notre argumentation d'anciens rapports, la véritable autonomie ne peut exister pour les Premières Nations s'il y a dépendance complète ou presque d'un autre gouvernement pour les revenus de base. Pour que l'autonomie ait du sens et une viabilité, il faut, à court terme, des revenus autonomes propres considérables qui suffisent au moins pour financer le coût de base de l'exercice des pouvoirs. Cela n'élimine pas le besoin à long terme d'honorer complètement les obligations relatives aux dispositions des traités, aux obligations contractuelles et aux transferts dont la nature s'apparente à la péréquation. Cela ne correspond pas, non plus, à dire plus que les responsabilités fiscales constitutionnelles des autres paliers gouvernementaux disparaîtront. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'existence viable continue et les activités de base des gouvernements des Premières Nations doivent reposer sur des revenus autonomes propres durables. Un exemple des difficultés engendrées par le manque actuel de revenus autonomes propres considérables se voit dans les litiges répétés entre les Cris et le ministère des Affaires indiennes au sujet du financement de l'exploitation et de l'entretien. Le besoin absolu de revenus de base pour les Premières Nations signifie que, à l'approche des fins d'année, des pressions extrêmes sont exercées sur elles afin qu'elles consentent à des montants de financement, assortis de conditions, que ces montants et conditions paraissent ou non raisonnables à leurs yeux.

Cela crée un déséquilibre et une injustice considérables lors des négociations sur le financement, déséquilibre qui est incompatible avec l'autonomie véritable et l'intention de créer une relation nouvelle, positive, reposant sur une collaboration et un partenariat.

En dépit de l'existence de difficultés importantes, de véritables progrès ont été faits. La convention signée entre les Cris et le Québec en février 2002, prévoyant un financement indexé pour une période de cinquante ans consacré aux activités de développement économique et communautaire des Cris, est un pas en avant. C'est un exemple de la façon de s'y prendre pour commencer à régler le problème du financement à long terme. Il faut des arrangements semblables avec le gouvernement fédéral. Le Canada devrait entamer immédiatement des discussions avec les Cris et les Naskapis afin de trouver un processus de négociations axées sur une solution à long terme pour ses obligations économiques liées aux conventions et qui ne sont pas honorées. Les Cris et les Naskapis devront aussi relever des domaines où ils peuvent assurer des revenus entièrement indépendants, c'est-à-dire qui ne sont pas à la merci de la discrétion ou de l'apport d'un autre palier gouvernemental quelconque. Dans certains cas, ils auront besoin de la coopération du Canada et/ou du Québec. À titre d'exemple, il pourrait y avoir la mise en place de taxes, de droits et de permis liés à certaines activités de leur territoires traditionnels.

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JUSTICE SOCIALE
Chacun des rapports de la Commission crie-naskapie, de 1986 à ce jour, a traité de ces questions qui, prises collectivement, illustrent le manque de solution satisfaisante en matière de justice sociale, et ce, dans le sens large de celle-ci et pendant ce quart de siècle, à savoir depuis la signature des conventions. Année après année, la Commission a entendu des commentaires sur les graves pénuries de logement, l'urgent besoin de réparer les maisons, les besoins de formation, l'insuffisance des programmes de développement économique, les besoins de l'administration de la justice, l'absence de programmes adéquats pour les jeunes, les problèmes non résolus de mise en oeuvre ainsi que les insuffisances des infrastructures communautaires dans beaucoup de domaines, pour ne donner que quelques exemples. Le temps de résoudre ces problèmes est maintenant.

CONCLUSION
Après avoir vécu pendant vingt ans avec la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, l'heure est venue pour le gouvernement fédéral ainsi que pour les Cris et les Naskapis d'aller de l'avant, de concrétiser la démarche vers l'autonomie et de régler finalement les points en suspens à la mise en oeuvre.

NOTES FINALES
1 Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA). À l'aube d'un rapprochement, (faits saillants du rapport de la CRPA), Ottawa, 1996, p. x.
2 Vérificateur général du Canada. Rapport du Vérificateur général du Canada, septembre 1998.
3 Coalition pour l'accord sur la revendication territoriale. " Déclaration conjointe de la Coalition pour l'accord sur la revendication territoriale ", communiqué de presse, novembre 2003.


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Chapitre un

Introduction


Pour les Cris et les Naskapis, il n'y a pas d'autre principe de base en histoire autochtone et dans les relations que le droit d'un peuple de se gouverner lui-même ainsi que ses territoires conformément à ses traditions, valeurs, buts et aspirations. En particulier, la reconnaissance mutuelle de peuples qui coexistent et sont autonomes est ce sur quoi repose toute relation continue avec le Canada et le Québec.

Au cours des années 1970, les négociations qui ont mené à la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi qu'à la Convention du Nord-Est québécois ont été de rares occasions pour les Cris et les Naskapis de faire reconnaître des droits particuliers, d'obtenir des garanties et des avantages pour leur société distincte respective. Ces négociations et les conventions subséquentes ont aussi donné un moyen de concrétiser, dans une certaine mesure, leur vision de l'autonomie pour leur population, collectivités et territoires, mais cette vision était limitée par le contexte politique et juridique des années 1970.

La Convention de principe, signée le 15 novembre 1974 par les représentants des Cris, du Canada et du Québec ainsi que de certaines sociétés de l'État, accordait aux Cris 2 000 milles carrés de terres de réserves (terres de catégorie I), dont 1 274 milles carrés devaient être administrés selon la Loi sur les Indiens. En outre, l'article 16 de cette convention de principe stipulait que les « Conseils de bande auront certains pouvoirs... en plus de ceux actuellement prévus par la Loi sur les Indiens »1.

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Toutefois, les dirigeants cris, lors de négociations menant à l'entente finale, soit la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ont rejeté le régime restrictif et supervisé d'administration locale imposé aux Cris par la Loi sur les Indiens.

Le 11 novembre 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) était signée par le Grand Conseil des Cris (du Québec), l'Association des Inuit du Nouveau Québec, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d'État, notamment Hydro-Québec.

La Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) était signée le 31 janvier 1978 par la bande naskapie de Schefferville, Grand Conseil des Cris (du Québec), l'Association des Inuit du Nouveau Québec, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d'État, notamment Hydro-Québec.

L'article 9 (Administration locale des terres de la catégorie 1A) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule qu'une « législation spéciale doit être recommandée au Parlement au sujet de l'administration locale pour les Cris de la baie James sur les terres de la catégorie 1A qui sont attribuées »2 .

L'article 7 (Administration locale des terres de la catégorie 1A-N) de la Convention du Nord-Est québécois contient des engagements semblables au sujet de l'administration locale pour les Naskapis du Québec sur les terres de la catégorie 1A-N qui sont attribuées.

Par conséquent, aux termes de l'article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de l'article 7 de la Convention du Nord-Est québécois, les Premières nations cries et naskapies ainsi que le gouvernement du Canada ont discuté les conditions et les dispositions de la législation spéciale relative à l'administration locale pour les Cris et des Naskapis du Québec. Cette législation spéciale - la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec - a été édictée par le Parlement et a obtenu la sanction royale le 14 juin 1984.

Les représentants des Cris et des Naskapis ainsi que du gouvernement du Canada sont parvenus à une entente sur les répercussions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, et ce, dans la déclaration sur l'entente de 1984, que rend très bien le libellé suivant :

« La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la pierre angulaire de la réalisation du plein potentiel de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Convention du Nord-Est québécois. Les nouvelles structures qui ont été créées par ces conventions devaient servir de point de contact avec les administrations locales adéquatement constituées. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la base à partir de laquelle les rapports avec le gouvernement fédéral seront redéfinis. À l'aide de la nouvelle Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris et les Naskapis pourront échapper aux restrictions inhérentes de la Loi sur les Indiens et, par conséquent, exercer un contrôle complet sur l'administration de leurs collectivités et la gestion des terres de catégorie IA et IA-N »3.


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Ainsi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d'administration locale crie et naskapie, organisé et efficace, servant à gérer et à contrôler les terres des catégories IA et IA-N - par les bandes cries et naskapies, respectivement - ainsi qu'à protéger les droits individuels et collectifs prévus aux Conventions »4.

La Commission crie-naskapie, créée par l'article 158 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a le devoir de « préparer les rapports semestriels relatifs à la mise en oeuvre de cette loi »5, rapports destinés au Ministre, lequel « en fait déposer un exemplaire devant chacune des chambres du Parlement »6.

Toutefois, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sont inséparables dans une large mesure, et doivent être considérées comme un tout pour saisir l'intention et l'esprit de la pratique de l'administration locale des Cris et des Naskapis. En fait, le paragraphe 21(j) de la Loi stipule qu'une bande a pour objet de « d'exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure »7. Pour cette raison, la Commission crie-naskapie doit aussi tenir compte de la mise en oeuvre de ces conventions, en ce qui a trait aux pouvoirs et aux responsabilités des Premières nations cries et naskapies. Qui plus est, aux termes de l'article 10 de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, l'obligation légale du Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de présenter annuellement au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de ces conventions prenait fin en décembre 1998. Par conséquent, les Cris et les Naskapis n'ont plus de rapports ni de système de surveillance liés à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois.

La Commission crie-naskapie est donc le seul organisme qui reste, faisant rapport sur certains aspects de la mise en oeuvre des conventions en cause.

Le présent document est le neuvième rapport semestriel remis au Ministre, conformément aux paragraphes 165 (1) et 171 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Lors des préparatifs de ce rapport, la Commission a organisé des audiences spéciales sur la mise en oeuvre, en vue d'obtenir des exposés des représentants des administrations cries et naskapies ainsi que du gouvernement du Canada.

Par conséquent, les constatations et les recommandations du présent rapport de la Commission reposent surtout sur les exposés qui ont été présentés à la Commission. Le ton du rapport est déterminé par ce que les commissaires croient que les représentants des Premières nations cries et naskapies ont dit ainsi que ceux du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et du gouvernement du Canada.

L'existence juridique de la Commission crie-naskapie remonte maintenant au 1er décembre 1984. Toutefois les premiers commissaires n'ont pas été nommés avant février 1986. En 2004, ce sera tout de même le 20e anniversaire de l'adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par

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le Parlement. Dans ce rapport, la Commission a donc rédigé un chapitre sur les administrations locales Eeyou ainsi que sur la mise en oeuvre et des modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, espérant que la Loi sera modifiée afin de refléter les réalités, l'évolution et la dynamique des administrations locales cries et naskapies. La sévérité et l'inflexibilité de certaines dispositions de la Loi auront été un obstacle dans la pratique de l'administration locale Eeyou et le processus décisionnel des vingt (20) dernières années, d'où le besoin de modifications appropriées.

NOTES FINALES
1 Convention de principe (Agreement in Principle), le 15 novembre, article 16.
2 Convention de la Baie James et du Nord québécois - Édition 1997, Les Publications du Québec, article 9 (Administration locale des terres de la catégorie 1A).
3 Groupe de travail - Statement of Understanding of Principal Point Agreed to by the Cree-Naskapi (of Quebec) Act, le 9 août 1984. Document reproduit au complet à l'annexe A du rapport de 1986 de la Commission crie naskapie.
4 Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984, C. 46 - préambule.
5 Ibid., alinéa 165(1)a). 6 Ibid., paragraphe 171(1). 7 Ibid., paragraphe 21(j).



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Chapitre deux

L'administration locale Eeyou et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec1


CONTEXTE ET INTRODUCTION
Les Eeyou (nations cries et naskapies) ont toujours été des peuples autonomes sur le plan politique. En fait, il n'y a pas de principe plus fondamental dans l'histoire des Eeyou que le droit de se régir eux-mêmes et de régir leurs territoires conformément à leurs lois, coutumes, valeurs et aspirations traditionnelles. C'est à travers leur nation jouissant de l'autodétermination que l'Eeyouch expriment leur autonomie personnelle et collective. Le droit des Eeyou à la gouvernance (" Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin ") est inhérent et permanent, au sens où il trouve son origine ultime dans les vies, l'histoire, les traditions et les lois de l'Eeyouch plutôt que dans la Constitution du Canada, dans les traités signés avec ce pays et dans les lois adoptées par son Parlement. Néanmoins, les réclamations de souveraineté et les régimes coloniaux des Britanniques et des Français ont été établis au mépris du fait que les terres Eeyou étaient déjà occupées et gouvernées par eux-mêmes. Bien que le statut d'autonomie gouvernementale des Eeyouch ait été grandement diminué par l'empiétement des régimes extérieurs durant les dix-neuvième et vingtième siècles, il est parvenu à survivre sous une forme atténuée. Il importe donc de souligner que la gouvernance des Eeyou n'est pas une chose qui attend de se réaliser à l'avenir, mais bien quelque chose que les Eeyou ont pratiqué pendant des siècles, et qu'ils continueront de pratiquer conformément aux lois, droits et aspirations du peuple Eeyou.

La Cour suprême du Canada a reconnu à maintes reprises que les Premières nations se gouvernaient toutes seules lorsque les Européens sont arrivés. En fait, la conclusion de traités avec la Couronne était, en soi, un exercice d'autonomie gouvernementale et impliquait la reconnaissance de la capacité des Premières nations à signer des traités avec la Couronne.

Pour la reconnaissance et la protection de leurs droits et intérêts, les peuples cris et naskapi ont négocié leurs traités des temps modernes, la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Les Cris et Naskapis voient dans ces conventions ou traités un rappel confirmant leurs droits et leur statut de 'nations' et de 'peuples'. Ils considèrent aussi que ces conventions ou traités établissent un cadre autour de relations significatives et positives avec les gouvernements du Canada et du Québec ainsi qu'avec la société moderne.

À l'insistance de la direction des Cris et des Naskapis (ainsi que des Inuit), la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois ont été approuvées, sont entrées en vigueur et ont été déclarées valides par les lois des gouvernements du Canada et du Québec.


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De plus, et fait d'importance capitale, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits issus de traités des peuples autochtones. En ce qui concerne les nations Eeyou, le droit inhérent à l'autodétermination est un droit existant au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ainsi, les droits reconnus dans les traités signés par les peuples cris et naskapi en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) ainsi que leurs droits autochtones sont protégés par la loi fondamentale du Canada.

Le gouvernement du Canada, en tant que politique, reconnaît le droit inhérent à l'autodéter-mination comme un droit existant au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 19822. Cette politique relative aux droits inhérents est simplement une politique et, en tant que telle, elle n'a pas force de loi. Le gouvernement peut s'écarter de cette politique, il le fait effectivement et n'est pas juridiquement tenu d'adhérer à ses politiques. La politique limite les domaines que le gouvernement consent à reconnaître comme faisant partie des droits inhérents. La politique exige que dans tous les cas, les gouvernements provinciaux prennent obligatoirement part aux négociations et conventions dans lesquelles les points discutés relèvent normalement des compétences provinciales. La politique semble créer une hiérarchie de compétences en appuyant le principe selon lequel dans tous les cas les lois fédérales et provinciales d'importance nationale ou provinciale supérieure prévaudront sur les lois autochtones qui seraient source de conflits, mais sans reconnaître comme principe qu'il y a des situations qui exigeront qu'une loi d'une première nation ait préséance, étant d'importance cruciale pour celle-ci. Pour ces raisons, la commission entretient certaines préoccupations sur la politique relative aux droits inhérents aux peuples autochtones du gouvernement du Canada.

Avant l'application de la CBJNQ et de la CNEQ, les peuples cris et naskapi étaient considérés comme soumis aux dispositions de la Loi sur les Indiens et de ses amendements. La Loi sur les Indiens donne au gouvernement du Canada les moyens de gérer les vies et les affaires des 'Indiens'. En ce qui concernait les Cris et les Naskapis, la Loi sur les Indiens limitait considérablement l'exercice de la pratique et du droit des Eeyou à l'autonomie gouvernementale. Donc, en tant que moyen de réaffirmer leur droit à l'autodétermination et d'en obtenir reconnaissance, les chefs des peuples cris et naskapi, chacun de leur côté, ont négocié le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA) et d'autres chapitres pertinents de la CBJNQ, ainsi que le chapitre 7 (Administration locale dans les terres de la catégorie IA-N) et d'autres chapitres pertinents de la CNEQ. Ces chapitres intégrés aux traités des temps modernes assurent une expression partielle du droit des Cris et des Naskapis à l'autodétermination.

Les pouvoirs des gouvernements locaux des Eeyou découlent donc des pratiques ancestrales, basées sur les lois et coutumes traditionnelles Eeyou, ainsi que sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois de même que sur la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
Les Eeyou (peuples cris et naskapi) voulaient entretenir des relations avec le gouvernement du Canada, mais des relations nouvelles basées sur l'esprit et la lettre des dispositions de la CBJNQ et de la CNEQ en tant que traités et responsabilités constitutionnelles du Canada.


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Conformément au chapitre 9 de la CBJNQ et au chapitre 7 de la CNEQ, respectivement, le gouvernement du Canada a entrepris de recommander au Parlement « une loi spéciale concernant le gouvernement local des terres de catégorie IA pour les Cris de la Baie James » et « une loi convenable concernant le gouvernement local pour les terres de catégorie IA-N pour les Naskapis du Québec ».

Par conséquent, de 1976 à 1984, les gouvernements du Canada et des Cris et plus tard des Naskapis ont négocié les conditions et dispositions de cette « loi spéciale et convenable » ainsi que le financement d'arrangements en vue de son application et la redéfinition des relations avec le Canada. Cette loi spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans son préambule, prévoit « pour les Cris et les Naskapis, un régime d'administration locale organisé et efficace, ainsi que l'administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N ».

Sauf pour déterminer quels bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » selon la définition de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens qui ne s'applique pas aux Premières nations cries et naskapie, pas plus que la Loi sur les Indiens ne s'applique aux terres des catégories IA et IA-N.

Dans le protocole d'entente de 1984, les représentants des parties cries et naskapies et le gouvernement du Canada en sont arrivés à une compréhension partagée des implications et impacts de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qu'on pourrait résumer ainsi :

« La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la pierre angulaire de l'atteinte du plein potentiel de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Les nouvelles structures créées par les conventions étaient conçues pour se raccorder aux administrations locales convenablement constituées. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est également la base sur laquelle sera redéfinie la relation avec le gouvernement fédéral. Grâce à la nouvelle Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris et les Naskapis seront en mesure d'aller au-delà des restrictions inhérentes à la Loi sur les Indiens et d'assurer ainsi le plein contrôle de l'administration de leurs collectivités et la gestion de terres des catégories IA et IA-N ».

Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984 est la première loi au Canada à prévoir une certaine reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones. Elle redéfinit la relation entre le gouvernement du Canada et les nations cries et naskapie, car la Loi sur les Indiens ne s'applique plus aux bandes cries et naskapie et à leurs terres communales.

Pour permettre et assurer un système adéquat et efficace d'administration locale des nations cries et naskapi et l'administration, la régie et le contrôle des terres des catégories IA et IA-N par les bandes cries et naskapie respectivement, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit les conditions et dispositions pour les questions principales et générales suivantes :


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PARTIE I - ADMINISTRATIONS LOCALES
Constitution des bandes en personnes morales
Appartenance aux bandes
Mission de la bande
Siège de la bande
Conseil de la bande
Assemblées du conseil
Comités du conseil
Organismes, personnel et mandataires de la bande
Règlements administratifs touchant le gouvernement local
Règles régissant la prise des règlements administratifs et des résolutions
Contestation des règlements administratifs et résolutions
Dispositions transitoires

PARTIE II - ÉLECTIONS DE LA BANDE
Droit de vote et exceptions pour le directeur du scrutin, scrutateur ou scrutateur adjoint
Règlements administratifs électoraux
Éligibilité des membres du conseil
Personnel électoral
Convocation des élections
Contentieux électoral

PARTIE III - ASSEMBLÉES ET RÉFÉRENDUMS DE LA BANDE
Usage des langues crie ou naskapie
Assemblées ordinaires
Assemblées extraordinaires et référendums


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PARTIE IV - ADMINISTRATION FINANCIÈRE
Exercice et arrangements budgétaires
Règlements administratifs pour la préparation et l'exécution des budgets
Livres comptables, registres financiers et vérification des états financiers
Pouvoirs d'emprunt
Marchés
Mise en tutelle

PARTIE V - TERRES DES CATÉGORIES IA ET IA-N : DROITS DE RÉSIDENCE ET D'ACCÈS
Interdiction générale
Règlements administratifs : droits de résidence et d'accès
Droits de résidence
Droits d'accès
Dispositions générales (Disposition particulière pour les Naskapis, dispositions générales et maintien des recours existants)

PARTIE VI - DROITS DES BANDES, DU QUÉBEC ET DES TIERS CONCERNANT LES TERRES DES CATÉGORIES IA ET IA-N
Le Québec conserve la nue-propriété des terres des catégories IA et IA-N la bande a l'usage et le bénéfice exclusifs des terres de catégorie IA ou IA-N qui lui sont attribuées et des ressources naturelles qui s'y trouvent
Dépôts de stéatite
Ressources forestières
Gravier
Droits relatifs aux minéraux et droits tréfonciers
Droits et intérêts acquis sur les terres des catégories IA et IA-N

PARTIE VII - EXPROPRIATION DES TERRES DE CATÉGORIE IA OU IA-N PAR LE QUÉBEC
Autorité du Québec
Expropriation pour cause d'utilité publique des terres de catégories IA et IA-N
Indemnisation de la bande

PARTIE VIII - OCTROI DE DROITS ET D'INTÉRÊTS SUR LES TERRES DES CATÉGORIES IA ET IA-N ET LES BÂTIMENTS QUI S'Y TROUVENT
Concessions de la bande
Droit de superficie
Transferts ultérieurs

PARTIE IX - ABANDONS
Il est possible d'abandonner des terres des catégories IA ou IA-N, mais seulement au Québec Conditions de validité de l'abandon

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PARTIE X - SERVICE DE L'ENREGISTREMENT
Opposabilité des droits
Constitution du service de l'enregistrement
Obligations de la bande

PARTIE XI - EXPROPRIATION PAR LA BANDE
Faculté d'expropriation
Règlements concernant les aspects de forme de l'expropriation

PARTIE XII - COMMISSION CRIE-NASKAPIE
Mise sur pied et composition de la commission
Nomination des commissaires
Mission

PARTIE XIII - SUCCESSIONS
Succession testamentaire
Disposition des biens traditionnels lors d'une succession ab intestat

PARTIE XIV - EXEMPTIONS FISCALES
Interprétation biens non imposés

PARTIE XV - INSAISISSABILITÉ
Interprétation et biens insaisissables
Renonciation du bénéficiaire

PARTIE XVI - POLICE
Pouvoirs de police
Accords en matière de pouvoirs de police

PARTIE XVII - INFRACTIONS
Infractions à la présente loi
Infractions aux règlements
Fixation de maxima

PARTIE XVIII - ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
Compétence des juges de paix
Cour des poursuites sommaires

PARTIE XIX - DISPOSITION GÉNÉRALES
Commissaire aux serments
Copies certifiées conformes
Admissibilité des copies en preuve

PARTIE XX - MODIFICATIONS CORRÉLATIVES
Amendement, abrogations et substitutions concernant les autres lois fédérales


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La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée par la Chambre des communes le 8 juin 1984. À l'exception de la partie XII de la loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur le 3 juillet 1984 (la partie XII de la loi concernant l'établissement, les devoirs et le fonctionnement de la Commission crie-naskapie est entrée en vigueur le 1er décembre 1984). Cette loi fédérale globale concernant l'administration locale des nations cries et naskapi est en vigueur depuis environ vingt (20) ans.

Administration locale Eeyou : Les conventions et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
Le but poursuivi par le chapitre 9 de la CBJNQ et le chapitre 7 de la CNEQ était que la loi serait adoptée par le Parlement, lequel prévoirait l'administration locale des nations cries et naskapi sur les terres de leurs collectivités respectives. Cependant, l'inclusion de pouvoirs de gouvernance locale dans les traités n'avait pas pour but de définir les pouvoirs de gouvernance des peuples cris et naskapi pour toujours, et le préambule de la loi mentionne nommément que « la présente loi n'a pas pour objet d'empêcher les Cris de la Baie James et les Naskapis du Québec de bénéficier de toute mesure législative ou autre, compatible avec les Conventions, édictée à l'avenir en ce qui concerne le régime d'autonomie des Indiens du Canada ».

Les tribunaux du Québec ont considéré que les pouvoirs conférés par la loi sont reliés à la CBJNQ et ont interprété ces pouvoirs généreusement en faveur de l'existence de compétences pour les Premières nations autonomes. En 1986, dans un jugement traitant des lois sur les substances intoxicantes adoptées par les Cris de la première nation de Waskaganish, la Cour provinciale du Québec conclut que :

« Le conseil de bande constitue un niveau autonome de gouvernement lorsqu'il exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Tant qu'il demeure à l'intérieur des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, le conseil de bande représente un niveau de gouvernement indépendant du Parlement canadien et de l'Assemblée nationale du Québec. Ses membres sont les représentants élus de la communauté qui, en leur confiant leur mandat, leur confère des pouvoirs accordés à la bande en vertu de la convention, notamment de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. C'est aux membres de la bande que le conseil doit rendre des comptes pour son administration et l'exercice de ses pouvoirs, et non au Parlement, duquel il n'est pas un agent »3.

Dans une autre cause placée devant la Cour provinciale du Québec, touchant cette fois un règlement relatif à un couvre-feu de la nation crie d'Eastmain, la cour conclut que les « Cris détiennent une certaine souveraineté résiduelle en ce qui a trait à leur administration locale »4.

Le défi et l'objectif des Premières nations cries et naskapie consistent à réaliser un développement économique et social adéquat et à parvenir à l'autodétermination politique dans l'exercice de leurs droits à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale tout en protégeant leurs droits, leurs libertés fondamentales et leurs intérêts et en préservant et maintenant leur caractère distinct et leur identité culturelle, conformément à leurs besoins et aspirations.


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À cet égard, la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans sa lettre et son esprit, doit permettre et faciliter le développement et l'évolution des administrations locales cries et naskapie, en tenant compte des réalités sociales, économiques et politiques et des conditions en place de temps à autre chez les Premières nations cries et naskapi. La mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a donc une signification exceptionnelle et des conséquences très lourdes pour les aspirations et buts des Premières nations cries et naskapie en tant que peuples jouissant de l'autodétermination. La mise en oeuvre correcte de la loi a également des conséquences considérables sur les obligations du gouvernement du Canada découlant des traités conclus avec les Premières nations cries et naskapie.

Notamment, pour être « organisé et efficace », l'administration locale des Eeyou (Cris et Naskapis) doit être dotée des attributs suivants : légitimité, pouvoir et ressources. En remplaçant la Loi sur les Indiens et par la mise en oeuvre correcte de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, la relation redéfinie entre les nations cries et naskapie d'une part, et le gouvernement du Canada d'autre part, doit s'assurer que ces éléments sont prévus adéquatement grâce à des mesures législatives et administratives. De plus, il convient de prendre en considération l'intention, l'esprit et la lettre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour garantir un système organisé et efficace des administrations locales cries et naskapies.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et la Loi sur les Indiens ne s'appliquent pas aux Cris d'Oujé-Bougoumou, qui ne sont donc pas constitués en bande séparée et distincte selon les lois. Néanmoins, les Cris d'Oujé-Bougoumou exercent leur droit à l'autonomie gouvernementale à travers la nation Eenouch d'Oujé-Bougoumou - leur unité traditionnelle et historique de pouvoir et de gouvernance (le Canada a entrepris dans l'Entente Oujé-Bougoumou-Canada visant à recommander au Parlement d'amender la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin d'incorporer les Cris d'Oujé-Bougoumou en tant que neuvième bande crie de la Baie James et de faire en sorte que la nouvelle bande d'Oujé-Bougoumou dispose de terres de catégorie 1A).

Le droit à l'autonomie gouvernementale est inhérent aux nations cries et naskapie. Par conséquent, c'est à travers la nation que les Cris et Naskapis expriment leur autonomie personnelle et collective. La nation Eeyou est l'unité traditionnelle et historique de pouvoir autonome reconnu dans le processus de conclusion de traités et dans les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement.

De plus, sans égard au régime législatif du gouvernement local selon la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Eeyouch (peuples cris et naskapi) continuent à intégrer leurs traditions et coutumes à l'exercice et à la pratique de l'administration locale.

On doit noter et souligner que l'exercice et la pratique de l'administration locale crie et naskapie ne peuvent être compris que si la CBJNQ, la CNEQ et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (CNQA) sont lues et considérées dans leur ensemble. Après tout, les autres chapitres de la CBJNQ et de la CNEQ ont trait aux compétences et aux responsabilités du gouvernement local et au pouvoir cri et naskapi. L'esprit et la lettre de ces traités doivent également être compris et respectés de manière à entretenir et à améliorer les relations du gouvernement fédéral avec les Cris et les Naskapis.

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L'interprétation et la mise en oeuvre de la CBJNQ, de la CNEQ et de la CNQA sont des expressions partielles du droit inhérent des Eeyou à l'autonomie gouvernementale. La reconnaissance implicite du droit inhérent des Eeyou à l'autonomie gouvernementale, dotée de façons viables de mise en oeuvre correcte de l'autonomie gouvernementale dans la CBJNQ et la CNEQ, de même que dans des lois habilitantes telles que la CNQA, constituerait la pleine expression du droit des Cris et des Naskapis à l'autonomie gouvernementale.

Conformément aux articles 12 (1) et (2) et à l'article 14 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les bandes cries et naskapie suivantes, en vertu de la Loi sur les Indiens, sont constituées séparément en personnes morales et portent les noms suivants :

Bande indienne du Poste-de-la-baleine (actuellement connu sous le nom de première nation Whapmagoostui);
Bande indienne de Chisasibi (actuellement connue sous le nom de nation crie de Chisasibi);
Bande indienne de Wemindji (actuellement connue sous le nom de nation crie de Wemindji);
Bande indienne d'Eastmain (actuellement connue sous le nom de nation crie d'Eastmain);
Bande indienne de Waskaganish (actuellement connue sous le nom de première nation crie de Waskaganish);
Bande indienne de Nemaska (actuellement connue sous le nom de nation crie de Nemaska);
Bande indienne de Waswanipi (actuellement connue sous le nom de première nation crie de Waswanipi);
Bande indienne de Mistassini (actuellement connue sous le nom de nation crie de Mistissini);
Bande indienne des Naskapis du Québec (actuellement connue sous le nom de nation naskapie de Kawawachikamach).

Tel que mentionné, la nation crie d'Oujé-Bougoumou n'est pas encore constituée en personne morale selon la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec; mais elle exerce néanmoins son droit inhérent à l'administration locale conformément à la loi Eeyou, et aux coutumes et pratiques traditionnelles de cette nation.

La signification et la pratique de l'administration locale Eeyou a évolué et elles ont été redéfinies au cours des vingt (20) dernières années. Les Eeyouch utilisent actuellement leurs administrations locales pour répondre à ces besoins et exercer leurs compétences dans les domaines suivants :

1) logement

2) travaux publics

3) appartenance

4) élections et référendums

5) développement économique et entreprises

6) occupations traditionnelles (chasse, pêche et piégage)

7) administration des terres et bureau d'enregistrement local

8) développement culturel

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9) développement de la langue Eeyou

10) développement social

11) police

12) gestion et dépense de fonds consentis aux Eeyou en vertu des conventions

13) résolution des différends

14) administration des fonds des bandes

15) lois, valeurs et coutumes traditionnelles Eeyou

16) administration de la justice

17) éducation

18) santé et services sociaux

19) conservation de la culture

20) bien-être général des membres

21) développement de la jeunesse

22) développement des ressources humaines

23) formation et emploi

24) travaux de rechange (mesures prises pour réduire l'impact du développement industriel)

25) affaires et relations intergouvernementales

26) exécution et administration des programmes et services

27) développement des collectivités

28) protection de l'environnement

29) conclusion de traités

30) protection des droits et intérêts des Eeyou

31) représentation politique

32) affaires et relations avec les entreprises

33) rapports de nation à nation

La CBJNQ et la CNEQ visaient à permettre aux Eeyouch de décider, dans une large mesure, des voies qu'ils vont prendre à l'avenir, d'être autosuffisants, de jouir de l'autonomie gouvernementale et de jouer un rôle important dans le développement, la gestion et l'administration des terres et des ressources situées dans leurs territoires traditionnels.

Malgré les améliorations qui ont accompagné les négociations et la mise en oeuvre de la CBJNQ, le plein potentiel du gouvernement local Eeyou n'a pas encore été atteint par les Eeyou d'Eeyou Istchee. Ceci s'explique en grande partie par les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de la CBJNQ, plus englobante. Pour les Eeyou, la mise en oeuvre correcte de cet important traité des temps modernes est essentielle au progrès de la gouvernance des Eeyou. Des progrès ont été accomplis dans la mise en oeuvre de la CNEQ et


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en ce qui a trait à certaines dispositions de la CBJNQ, mais des articles essentiels de la CBJNQ ont été mal interprétés et mis de côté par les gouvernements du Canada et du Québec.

Conformément à son mandat, la Commission crie-naskapie a soumis, jusqu'ici, au total huit rapports biennaux au Ministre des Affaires indiennes, lequel les a déposé devant les deux chambres du Parlement. Les constations de la Commission crie-naskapie relèvent les questions et les préoccupations des collectivités cries et naskapies ayant trait à la mise en oeuvre de la CBJNQ, de la CNEQ et de la CNQA. Notamment, la commission recommande des amendements appropriés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec avec l'objectif de renforcer le gouvernement local Eeyou. Entre autres, la commission a recommandé que le droit inhérent des Eeyou à la gouvernance et l'application des lois et coutumes traditionnelles des Eeyou soient reconnues et enchâssées dans les amendements apportés à la loi. Dans la majorité des cas, le gouvernement du Canada a choisi d'ignorer les constatations et recommandations de la Commission crie-naskapie.

Le plein potentiel de l'autonomie gouvernementale locale, avec sa nature dynamique et évolutive, n'a pas encore été atteint par les Premières nations cries et naskapie parce que, comme une des principales contraintes, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, après vingt (20) ans, demeure un instrument inflexible, rigide et inchangé (cependant, la CBJNQ est un traité au caractère évolutif, car elle a été amendée au moyen de dix-sept (17) ententes complémentaires afin de répondre aux besoins et aux conditions changeantes des parties concernées). La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doit donc être amendée afin qu'elle fournisse un cadre souple pour permettre tous les arrangements gouvernementaux, administratifs et politiques nécessaires aux Premières nations cries et naskapie et souhaités par elles. Parmi ces arrangements, on relève les points suivants :

a) loi souple soumise à des examens périodiques et à des amendements appropriés;

b) légitimité entière, pouvoirs et ressources pour être ordonnée et efficace;

c) relation redéfinie entre les Eeyou et le gouvernement fédéral;

d) ressources suffisantes et financement adéquat pour permettre l'exercice de l'administration locale Eeyou efficace.

De plus, le leadership des Eeyouch et des Eeyou envisage l'amélioration et l'avancement de l'administration locale Eeyou sur la base des droits, buts, besoins et aspirations des Eeyou. Entre autres, la vision de l'autonomie gouvernementale Eeyou englobe les principes, éléments et attributs suivants :

a) exercice du droit à l'autodétermination;

b) expression et exercice entiers du droit inhérent aux Eeyou à l'autonomie gouvernementale;

c) renforcement des pouvoirs et compétences;

d) extension de la compétence territoriale;

e) redéfinition des formes et institutions propres à la gouvernance;

f) attribution de ressources adéquates;

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g) établissement d'une base économique solide en vue de promouvoir l'autosuffisance;

h) éclaircissement et reconnaissance de la légitimité de la gouvernance des Eeyou;

i) redéfinition et établissement de rapports équitables;

j) mise en place d'une administration de la justice orientée sur les Eeyou et basée sur la collectivité;

k) reconnaissance et affirmation des lois et coutumes traditionnelles; l) application des principes et des valeurs des Eeyou;

m) conformité avec l'état présent du droit autochtone; n) autonomisation des Eeyou.

Nouvelle relation entre la nation crie de l'Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec
La signature de la CBJNQ n'a pas marqué la fin des conflits et des différends avec le gouvernement. Elle a plutôt correspondu au début d'une confrontation permanente entre les Eeyouch (Cris) et les gouvernements du Québec et du Canada à propos de la mise en oeuvre correcte de la CBJNQ. Au cours du premier quart de siècle depuis la ratification de la CBJNQ, les Cris se sont livrés, avec les gouvernements du Canada et du Québec, à de nombreux examens touchant la mise en oeuvre correcte des conditions et dispositions de la CBJNQ. Ces examens ont débouché sur un cycle continu de promesses rompues, et la CBJNQ a commencé à dégénérer en une longue suite de traités torpillés. En fin de compte, les Eeyouch ont recouru à l'arbitrage pour défendre leurs droits, car les examens des obligations du gouvernement, et les négociations en vue de résoudre les différends portant sur le mot et l'esprit de la CBJNQ ont le plus souvent échoué. En fait, depuis 1972, les Cris ont été les auteurs ou coauteurs d'une trentaine de poursuites judiciaires concernant l'application des droits des Eeyou. La plupart de ces poursuites ont trait au défaut et au refus des gouvernements du Canada et du Québec d'honorer et d'accomplir leurs engagements envers les Eeyouch d'Eeyou Istchee dans l'esprit de la CBJNQ. Ces procédures devant les tribunaux ont porté entre autres sur les droits des Cris garantis par la CBJNQ, par exemple l'application des régime de protection environnementale et social en vertu de l'article 22 de la CBJNQ et la nécessité d'obtenir le consentement des Cris dès qu'il est question du développement des ressources. Comme durant la période précédant la négociation de la CBJNQ, ces poursuites ont contribué à attirer l'attention des gouvernements (au moins celle du gouvernement québécois) et à entamer une nouvelle ronde de négociations politiques.

Le peuple crie continue à considérer son traité - la Convention de la Baie James et du Nord québécois - comme le principal moyen pour reconnaître et structurer leurs relations avec les gouvernements du Canada et du Québec. À cet égard, la mise en oeuvre correcte de la lettre et de l'esprit de ce traité est un moyen essentiel pour entretenir ces rapports avec le temps. Cependant, d'un point de vue Eeyou, une relation entre peuples et nations n'est pas une chose statique - elle change et évolue en réponse aux besoins et aux conditions. Si des efforts constants ne sont pas déployés pour négocier et mettre à jour les conventions dans l'esprit dans lequel ces relations sont incarnées et entretenues, les rapports eux-mêmes peuvent facilement se détériorer et s'effriter. Avec ce but en tête, la nation crie de l'Eeyou Istchee a conclu une entente historique avec le gouvernement du Québec. Le 7 février 2002, à Waskaganish, dans l'Eeyou Istchee, le Grand Conseil des Cris et l'Administration régionale crie et le gouvernement du Québec ont


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signé la 'Convention sur une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec'. Il s'agit d'une entente de nation à nation entre le Québec et les Eeyouch d'Eeyou Istchee qui promet de renforcer les rapports politiques, économiques et sociaux entre le Québec et les Cris.

La nouvelle entente marque un jalon important dans un nouveau rapport de nation à nation basé sur l'ouverture, le respect mutuel, une autonomie crie élargie et une responsabilité accrue de la nation crie à l'égard de son propre développement économique et communautaire. Eu égard au développement économique en particulier, l'entente reconnaît un important droit aux Eeyou, à savoir celui qui consiste à profiter directement du développement des ressources présentes dans l'Eeyou Istchee.

Pour la période de cinquante (50) ans débutant le 1er avril 2002, les Eeyouch assument les obligations du Québec concernant le développement économique et communautaire prévu par les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. De plus, pour une période de cinquante ans débutant le 1er avril 2002, le Québec doit verser chaque année aux Eeyouch une somme leur permettant d'assumer ces obligations.

L'accomplissement de ces obligations à l'aide des ressources financières qui les accompagnent favorisera sans aucun doute la gouvernance des Eeyou, car les administrations Eeyou locales et régionales exerceront dorénavant les pouvoirs et compétences sur le développement social et économique de leur propre collectivité. En fait, surtout au cours des trois dernières décennies, les gouvernements Eeyou ont déjà exercé de tels pouvoirs et compétences pour leur développement économique et communautaire. La nouvelle entente officialise tout simplement ces arrangements et leur garantit un financement plus sûr.

La nouvelle entente n'affecte pas les obligations du gouvernement du Canada envers les Eeyouch prévus à la CBJNQ. De plus, il reste à voir si le Canada entend suivre le Québec en remplissant ses obligations envers les Eeyouch d'Eeyou Istchee d'une façon qui soit conforme à l'esprit et à la lettre de la CBJNQ et qui établisse une norme acceptable pour la relation de nation à nation entre l'Eeyouch et le Canada. Jusqu'ici, le gouvernement du Canada n'a pas fait preuve de bonne foi et n'a pas démontré de volonté politique dans ce sens.

Le leadership de la nation crie d'Eeyou Istchee a affirmé à la commission que le gouvernement du Canada devrait établir une relation semblable avec les Eeyou d'Eeyou Istchee par des négociations et une entente concernant les obligations du Canada envers les Cris prévues à la CBJNQ. Par conséquent, une relation redéfinie entre les Eeyou et le gouvernement fédéral doit, entre autres obligations, affirmer, reconnaître et légitimer adéquatement les pouvoirs et ressources en vue de l'établissement d'un gouvernement local Eeyou organisé et efficace. Cependant, le Grand chef Ted Moses affirme que : « jusqu'ici, l'AINC a été incapable d'articuler une réponse cohérente à la situation politique, juridique et financière découlant de la nouvelle entente conclue entre la nation crie et le Québec »5.

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Mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
Au cours des vingt dernières années (depuis l'adoption et la promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la commission a reconnu qu'au sein des nations Eeyou, les questions et préoccupations les plus sérieuses concernant la mise en oeuvre de la loi sont les suivantes :

1. Devoirs et responsabilités du gouvernement du Canada

En adoptant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec conformément aux obligations prévues au traité, le gouvernement du Canada a assumé certaines obligations et responsabilités pour l'administration et la mise en oeuvre correctes de la loi (les administrations locales cries et naskapies doivent aussi assumer certaines obligations et responsabilités en vue de la mise en oeuvre correcte de la loi).

Depuis son adoption par le Parlement en 1984, la mise en oeuvre, dans son esprit et sa lettre, de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, n'a pas été accomplie d'une façon qui reconnaisse, améliore et applique l'état présent, la pratique et le plein potentiel des administrations autonomes locaux cries et naskapies.

Il n'a pas été prévu que la mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec serait un processus aisé et simple. D'abord, ce sont les peuples cris et naskapi qui ont eu la volonté politique et la vision de demander et d'amorcer le changement de l'administration locale de régime juridique restrictif qu'elle était à l'époque de la Loi sur les Indiens, à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, tel qu'envisagé dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Par conséquent, les peuples cris et naskapi s'attendent à ce que le gouvernement du Canada trouve la volonté politique et procure les mesures législatives, administratives et financières nécessaires pour la progression et la réalisation de ce changement. À bien des égards, ce changement implique la redéfinition des relations entre le gouvernement du Canada d'une part et les (premières) nations cries et naskapie d'autre part. Dans une large

mesure, la mise en oeuvre correcte et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été entravée par l'absence d'une compréhension ou d'une entente sur la nature des relations qui devraient exister entre le Canada et les peuples cris et naskapi.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec établit des relations de gouvernement à gouvernement et impose des responsabilités et obligations à l'ensemble du gouvernement du Canada et non seulement au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en ce qui concerne les moyens normaux et essentiels de mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cependant, il est essentiel et nécessaire d'établir des relations de gouvernement à gouvernement significatives et productives avec l'ensemble du gouvernement du Canada et non seulement avec l'AINC, qui

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est dépourvu de la structure et des ressources nécessaires pour coordonner efficacement les intérêts et responsabilités interministériels qui seraient au service d'une mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le rapport déposé par le vérificateur général du Canada à la Chambre des communes pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1986 confirme le dernier point. Les relations de gouvernement à gouvernement ont, de temps à autre, été marqué par la confrontation et l'adversité. Cependant, ces relations ont abouti sur des ententes, après des négociations difficiles et pénibles, au bénéfice des administrations locales des Cris et des Naskapis. Par ailleurs, le partenariat entre le Canada et les Premières nations cries et naskapie doit être renouvelé avec l'ensemble du gouvernement du Canada. De plus, l'objectif de la loi devrait affirmer les obligations du Canada à l'égard de l'établissement de relations de gouvernement à gouvernement efficaces.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec n'établit pas spécifiquement de processus servant à sa mise en oeuvre correcte. En l'absence d'un tel processus, la responsabilité générale pour la mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été assumée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). L'accomplissement de responsabilités générale par l'AINC a entraîné des conséquences positives et négatives pour la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Néanmoins, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à déboucher sur un processus d'examen et de mise en oeuvre de la loi significatif et périodique prévoyant une participation directe des parties cries et naskapie. Cet examen périodique devrait prévoir l'assistance de la Commission crie-naskapie.

En général, le processus de mise en oeuvre, comme c'est le cas avec la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a voulu que le Parlement devrait décréter une loi, son administration et sa mise en oeuvre demeurant du ressort du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans le meilleur des cas, il reste quelques questions d'organisation, comme le Bureau de la mise en oeuvre de la Baie James actuel. Durant cette forme traditionnelle de mise en oeuvre, on refuse aux peuples cris et naskapi un rôle significatif dans le processus de prise de décisions, même s'ils (les Eeyouch) sont les plus directement touchés par l'application, l'administration et la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le style traditionnel de mise en oeuvre est souvent insensible aux besoins et aspirations actuels des peuples cris et naskapi et a entraîné une mise en oeuvre symbolique, qui ne correspond pas à un vrai changement de la façon dont les décisions sont prises et dont les choses sont faites.

La mise en oeuvre correcte et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fait partie intégrante du processus politique dans lequel les obligations et responsabilités du gouvernement fédéral, et des administrations cries et naskapies (locales) ainsi que les compétences régionales de la nation crie devraient être clarifiées et convenues par les parties.

2. Financement du fonctionnement et de l'entretien (F et E)

Pour être conforme à l'esprit et à la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et, notamment, de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984, les représentants du gouvernement du Canada, les gouvernements et autorités cris et naskapi ont conclu une entente sur un mécanisme de financement des gouvernements et


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administrations locaux cris et naskapi. Le gouvernement du Canada a par la suite refusé d'accepter le protocole d'entente comme convention liant les parties. La mésentente sur le protocole d'entente a mené à des confrontations, à des conflits juridiques, à des négociations et, enfin, à une entente par arbitrage.

Notamment, les parties se sont entendues pour que le gouvernement du Canada verse une subvention permanente pour le fonctionnement et l'entretien afin de soutenir l'exercice du gouvernement local des peuples cris et naskapi. Les présentes Ententes sur les paiements de transferts pour le financement du fonctionnement et de l'entretien prévoient une subvention annuelle pour le fonctionnement et l'entretien à l'intention des administrations locales cries naskapie ainsi que pour l'administration régionale des Cris.

Ces ententes sur les paiements de transferts prévoient habituellement une subvention annuelle pour une période de cinq (5) ans, après quoi de nouvelles ententes doivent être renégociées. Cependant, le gouvernement du Canada continue d'insister sur des ententes de financement qui omettent de prendre en considération les réalités et les besoins changeants du gouvernement autonome des Eeyou. En vertu de ces ententes sur le financement, les Cris et le Canada devaient réexaminer l'entente et la formule de financement de manière à tenir compte des réalités et des besoins changeants qui n'ont pas été prévus dans l'entente de financement originelle. Ce réexamen ne s'est pas effectué de façon acceptable, car le Canada a tout simplement prolongé l'application de l'entente de financement précédente au moyen d'un rajustement du financement.

Les gouvernements locaux cris ont exprimé les préoccupations principales suivantes à propos des Ententes sur les paiements de transferts pour le financement du fonctionnement et de l'entretien :

a) le gouvernement du Canada a, apparemment, omis d'observer des dispositions importantes et essentielles de l'entente sur le financement du fonctionnement et de l'entretien;

b) le gouvernement du Canada n'a pas assumé sa responsabilité fiduciaire, de manière à protéger les intérêts des Eeyouch;

c) le Canada a refusé d'examiner la situation actuelle, les circonstances et les besoins changeants des Cris, même si un tel examen est prévu dans ladite entente de financement;

d) les niveaux ou critères de financement pour l'année de base, établis en 1984, doivent être examinés et révisés de manière à tenir compte des circonstances, réalités et besoins présents des gouvernements et des administrations locales cries.

Plus tôt dans le présent chapitre, des ressources ont été identifiées comme représentant un attribut essentiel d'un gouvernement organisé et efficace. Par conséquent, un financement suffisant et des ententes financières satisfaisantes doivent être en place pour permettre un exercice efficace de l'administration locale.

La partie crie a exprimé des réserves au moment de mettre en oeuvre et de renouveler ces ententes financières tous les cinq ans. Le temps est venu de redéfinir les relations fiscales grâce à un nouvel arrangement financier qui concordera complètement avec les obligations prévues au traité et qui soutiendra un gouvernement autonome efficace, ordonné et significatif, conformément aux besoins et aux aspirations des Eeyouch.


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3. Projets d'immobilisations et développement communautaire

Malgré les obligations du Canada envers les Eeyou selon la CBJNQ et malgré les besoins des collectivités des Eeyou, les négociations autour des projets d'immobilisations et les ententes sur le financement ont débouché sur des demandes du gouvernement du Canada en vue d'une libération totale de ses obligations et engagements en vertu du traité. Ainsi, le Canada insiste sur une telle libération totale en ce qui concerne la protection contre l'incendie une fois que les Cris auront reçu un financement du gouvernement fédéral. En ce qui a trait aux Eeyouch, le gouvernement du Canada doit respecter et honorer ses obligations envers eux pour financer la protection contre l'incendie et les projets d'immobilisations, tels que le logement et les infrastructures communautaires, tant et aussi longtemps que la CBJNQ est en vigueur.

4. Projet de loi C-23 (loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les lois du Canada)

En raison d'une décision rendue par la Cour suprême du Canada, le gouvernement du Canada a déposé et adopté le projet de loi C-23, une loi sur les droits des couples de même sexe et les avantages auxquels ils ont droit. Le projet de loi C-23 exige des amendements à la définition de 'conjoint' à l'article 174 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Les nations cries et naskapies ont adopté la position selon laquelle le gouvernement du Canada ne peut amender unilatéralement l'article pertinent de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, ces amendements à la loi exigent une entente avec les parties cries et naskapie. La préoccupation porte principalement sur le défaut de respecter le processus d'a-mendement plutôt que sur sa substance.

5. Commission crie-naskapie

En l'absence d'un processus global pour la mise en oeuvre correcte et réussie de la loi, la Commission crie-naskapie a le devoir de produire des rapports biennaux sur la mise en oeuvre de la loi et d'étudier les réclamations qui lui sont présentées ayant trait à la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le rapport biennal est soumis au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, lequel voit à déposer le rapport devant chacune des chambres du Parlement.

En vertu de l'article 165 (1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la commission a le devoir « d'enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l'application de la présente loi, notamment l'exercice ou le défaut d'exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi ». De plus, l'article 21, (j) de la loi affirme qu'un des pouvoirs et objets des bandes est « d'exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure en vertu de la Loi sur les Indiens par toute loi du Parlement ou règlement promulgué en vertu de celle-ci et par les conventions ». (Soulignement fait par la commission)

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La James Bay and Northern Québec Claims Settlement Act - une loi du Parlement - approuve et entérine la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Conformément à cette loi, le gouverneur en conseil a approuvé, par ordonnance, et entériné la Convention du Nord-Est québécois.

Par conséquent, la Commission crie-naskapie considère qu'elle a au moins le devoir et la responsabilité de faire rapport sur la mise en oeuvre des conventions dans la mesure ou ces conventions ont trait à l'exercice d'un pouvoir ou à l'accomplissement d'un devoir des administrations locales cries et naskapie.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) n'est pas d'accord avec cette interprétation particulière des devoirs de la commission.

Les gouvernements Eeyou ont souvent affirmé que la commission devrait continuer à faire rapport sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Depuis l'entrée en vigueur de la partie XII de la loi, la Commission crie-naskapie a produit huit (8) rapports sur la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et, dans une certaine mesure, sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Comme les conclusions et recommandations présentées dans les rapports passés de la commission ont été effectivement, dans une grande mesure, mises de côté par l'AINC, celles-ci n'ont pas de portée, d'impact et d'influence sur les processus de prise de décisions et d'élaboration de politiques du gouvernement du Canada d'une façon qui reconnaisse, améliore et renforce l'état présent, la pratique et le plein potentiel des administrations locales cries et naskapie.

Cependant, les conclusions et recommandations de la Commission crie-naskapie, telles que formulées dans le rapport de 1998, ont été appuyées, en principe, par les résolutions des membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach. De plus, les membres de la nation crie d'Eastmain, lors de leur Assemblée générale annuelle locale de 1999, ont adopté une résolution qui vient appuyer pleinement les recommandations formulées dans le rapport déposé en 1998 par la Commission crie-naskapie. Ces résolutions sont dotées d'autorité et devraient donc être respectées par des actions et des mesures appropriées prises par le gouvernement du Canada.

À l'heure actuelle, la Commission crie-naskapie souffre elle-même d'un manque ou d'une absence de mécanisme de mise en place correcte et efficace. Le fait qu'il n'existe pas maintenant de mécanisme pouvant assurer la mise en oeuvre correcte des recommandations de la Commission crie-naskapie est source de préoccupations.

Les commissions sont des instruments importants pour l'élaboration de politiques. Leur but était de parvenir à une compréhension publique plus élargie des questions en cause et à une base plus informée pour le choix de politiques par les décideurs.

La partie I de la Loi sur les enquêtes gouverne des commissions de grande envergure, comme les commissions royales et les groupes de travail, qui sont des organismes mis sur pied temporairement pour enquêter sur des incidents particuliers ou des politiques générales et qui font rapport au


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gouvernement. Elles sont habituellement démantelées après la production de leur rapport et ne s'engagent pas dans la mise en oeuvre de leurs recommandations.

Cependant, la Commission crie-naskapie a été mise sur pied par une loi fédérale spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui a été adoptée par le Parlement conformément aux obligations des traités en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

Comme la majeure partie des recommandations de la commission touchent la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le gouvernement du Canada fait face à des questions importantes concernant l'exercice de l'administration locale crie et naskapie. Par conséquent, le droit et l'exercice de l'autonomie gouvernementale des Autochtones (Cris et Naskapis) est clairement une question d'importance majeure qui exige des études et des conseils sur les politiques. Cependant, les recommandations de la Commission crie-naskapie ne sont vraiment pertinentes que si elles sont mises en oeuvre correctement, d'une façon qui réponde aux besoins et aspirations des administrations locales cries et naskapie. Comme le gouvernement du Canada semble engagé dans un processus de retards institutionnalisés sur la question du droit et de l'exercice de l'autonomie gouvernementale autochtone, la Commission crie-naskapie paraît perdre sa pertinence pour les créateurs de politiques et les décideurs du gouvernement.

Par conséquent, il faut aborder la question de la pertinence ou de la non-pertinence de la Commission crie-naskapie dans les processus de prise de décisions et d'élaboration de politiques concernant la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, surtout après environ vingt (20) ans d'existence de la commission.

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Durant les discussions, tenues de 1975 à 1984 avec les représentants du gouvernement du Canada sur les conditions et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la partie crie a envisagé un processus par lequel l'efficacité de la Commission crie-naskapie serait passé en revue.

En accord avec l'article 172 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, après une période initiale de cinq (5) ans de fonctionnement de la commission, une enquête indépendante a donc été instituée sur les pouvoirs, devoirs et modes de fonctionnement de la Commission crie-naskapie.

Le Rapport sur l'enquête sur la Commission crie-naskapie a été soumis au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en avril 1991.

Dans leur lettre de présentation du rapport en date du 4 avril 1991, les membres de l'enquête sur la Commission crie-naskapie affirment :

« Nous espérons que ce rapport servira de base aux administrations des Cris et des Naskapis et au gouvernement fédéral pour coopérer ensemble en vue de conclure une entente sur l'avenir de la commission de manière à s'assurer que cet organisme, unique dans les relations entre le gouvernement et les Autochtones au Canada, soit mieux en mesure de servir les intérêts communs des parties de la première législation du Canada reconnaissant l'autonomie gouvernementale des autochtones »6.

Treize (13) années se sont écoulées depuis le dépôt du Rapport sur l'enquête sur la Commission crie-naskapie. Le statu quo demeure, car le gouvernement du Canada semble avoir ignoré les recommandations de l'enquête sur la Commission crie-naskapie.

De plus, les membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), l'Autorité régionale des Cris et la nation naskapie de Kawawachikamach, lors de leurs assemblées générales annuelles respectives de 1999, ont adopté des résolutions qui prévoient que les pouvoirs, devoirs et modes de fonctionnement de la Commission crie-naskapie soient réexaminés et révisés comme il se doit par le gouvernement du Canada, les administrations des nations cries et naskapie (de Kawawachikamach) en prenant en considération les expériences de la Commission crie-naskapie, des administrations locales des Cris et des Naskapis de même que les conclusions et recommandations de l'enquête de 1991 sur la Commission crie-naskapie.

Dans une lettre datée du 16 mars 2000, adressée au présent président de la commission, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien répond à ces résolutions des cris et des naskapis de la façon suivante :

« Je remarque à la lecture de votre lettre que les assemblées générales des Cris et des Naskapis ont suggéré de réexaminer les pouvoirs et devoirs de la Commission crie-naskapie. La commission joue actuellement un rôle important dans la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de même que dans l'étude des réclamations adressées en vertu de la loi, mais le gouvernement fédéral ne prévoit pas à l'heure qu'il est apporter de révisions à la mission de la Commission crie-naskapie.

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J'ai le sentiment que de telles révisions devraient être prises en considération dans le contexte d'une initiative beaucoup plus large, visant à redéfinir l'autonomie gouvernementale des Cris et des Naskapis ».
Par conséquent, en ce qui concerne le gouvernement fédéral, toutes les révisions au mandat actuel de la Commission crie-naskapie devraient être considérées dans le contexte d'une initiative beaucoup plus large visant à redéfinir l'autonomie gouvernementale pour les Cris et les Naskapis.

Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec Dans la préparation de ses rapports biennaux sur la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et dans le cadre de son enquête, la Commission crie-naskapie a engagé des consultations publiques auprès du gouvernement du Canada, des Premières nations cries et naskapie et d'autres parties intéressées. De plus, la commission a élaboré des documents de travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et ses amendements, de même que des rapports d'enquête en réponse à certaines réclamations faites eu égard aux élections au sein des bandes. En s'appuyant sur ses constatations et conclusions, les questions et préoccupations suivantes se révèlent être les principales contraintes et barrières à la mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et l'exercice de l'autonomie gouvernementale chez les Cris et les Naskapis :

A. Questions touchant les Eeyou (Cris et Naskapis)

Les représentants des Cris et des Naskapis ont formulé les commentaires et recommandations exigent une attention immédiate de la part du Canada pour des amendements possibles à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de rehausser l'autonomie locale des Cris et des Naskapis :

1) La mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a permis d'établir des relations entre la nation crie, qui comporte neuf (9) collectivités, et le gouvernement du Canada.

2) Le droit des Eeyou à s'autogouverner ne s'exprime que peu à travers le chapitre 9 de la CBJNQ et en partie seulement dans la convention.

3) Le droit inhérent des Eeyou à l'autodétermination comprend cependant beaucoup plus que ce qui est exposé au chapitre 9 ou même dans l'ensemble de la convention.

4) Dans le préambule de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, il est affirmé que les Cris ne seraient pas entravés par la loi et qu'ils pourraient bénéficier de « de toute mesure législative ou autre, compatible avec les Conventions, édictée à l'avenir en ce qui concerne le régie d'autonomie des Indiens du Canada ».

5) Les conditions et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent évoluer et être compatibles avec les situations, besoins, aspirations et réalités actuels du gouvernement local Eeyou.


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6) Les Eenouch (Cris) d'Oujé-Bougoumou doivent être incorporés à la Convention de la Baie James et du Nord québécois au moyen d'une convention complémentaire et donc être incorporés en tant qu'Eenouch d'Oujé-Bougoumou au moyen d'un amendement approprié apporté à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

7) La Commission crie-naskapie doit jouer un rôle plus efficace dans la résolution des différends, des problèmes et des plaintes. Elle doit être plus indépendante, et ses décisions doivent lier les parties concernées.

8) La modernisation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec reste à faire.

9) Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être clarifiées ou amendées eu égard aux points suivants :

    a) responsabilités des pouvoirs locaux et des représentants de l'électorat local;

    b) devoirs des chefs et chefs adjoints;

    c) pouvoirs du chef et du conseil tels que déterminés par la nation crie;

    d) façon d'appliquer les lois, règles et règlements;

    e) assemblées du conseil;

    f) processus transitoire de pouvoir avec changement de leadership;

    g) assemblées générales;

    h) règles relatives aux conflits d'intérêts;

    i) rôles et devoirs du secrétaire et du trésorier de la bande;

    j) administration financière;

    k) reconnaissance du gouvernement national cri ainsi que du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et de l'Administration         régionale crie.

10) Des ressources financières sont nécessaires pour l'application des règlements.

11) En tant que gouvernement local jouissant de pouvoirs délégués seulement, les pouvoirs de la bande doivent être élargis de manière à permettre l'adoption de règlements qui répondent aux besoins de la collectivité.

12) Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ayant trait à l''Éligibilité des membres du conseil' devraient être amendées de manière à empêcher les représentants officiels, tels que le directeur des opérations et le directeur adjoint de la bande, d'occuper des postes de la bande sujets à élection publique.

13) Les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec souhaités par la nation naskapie de Kawawachikamach doivent prévoir :

    a) d'abaisser certains quorums;

    b) de permettre aux agents de la paix d'émettre des contraventions plutôt que des sommations aux contrevenants aux         règlements de la nation naskapie;

    c) dans certaines circonstances, de permettre au conseil de faire des affaires sans convoquer d'assemblée.


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14) Les dispositions relatives aux exonérations fiscales contenues dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être clarifiées et élargies de manière à inclure tous les bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et les bandes, organismes, entités ou entreprises.

15) Les pouvoirs de la bande doivent être élargis et adaptés au développement d'une économie locale.

16) Pour être plus souple, la loi devrait être mise à jour d'une façon qui permettrait la renonciation à l'insaisissabilité de certaines propriétés situées sur les terres de catégorie IA, afin d'offrir aux entreprises locales davantage d'options de financement commercial.

17) Dans le processus public de prise de décisions, la nation crie d'Eastmain devrait avoir le pouvoir d'établir ses propres exigences quant aux quorums.

18) La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à faire en sorte que la nation crie d'Eastmain dispose d'un maximum d'outils pour garantir que les ressources nécessaires à son fonctionnement adéquat sont toujours disponibles pour l'exercice d'un gouvernement autonome véritable.

19) Les pouvoirs de taxation de la nation crie d'Eastmain devraient être clarifiés et élargis en tant qu'attribut des finances du gouvernement local.

20) Les pouvoirs législatifs de la bande devraient être clarifiés, notamment en ce qui a trait à l'application générale ou à la non-application des lois provinciales.

21) La nation crie d'Eastmain devrait avoir les pouvoirs législatifs d'établir le contrôle et d'administrer le service de l'enregistrement local.

22) La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à prévoir le paiement à la nation crie d'Eastmain d'amendes imposées et encaissées pour la violation de certains règlements, ainsi que pour les contraventions émises pour les infractions au code de la route, de préférence non seulement sur les terres de catégorie IA, mais sur toutes les terres des catégories I et II qui font partie de la route d'accès à Eastmain à partir de la route Matagami-LG2.

23) La nation crie, à travers le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee/Administration régionale crie) devrait élaborer, établir et appliquer une norme ou loi nationale sur toutes les questions touchant les élections. Cette norme ou loi sur les élections devrait être adoptée par la nation crie et remplacer les dispositions concernant les élections envisagées dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

24) Le système d'enregistrement des terres devrait prendre en considération le mode de vie et les traditions des Cris. Le système d'enregistrement des terres des Cris devrait être reconnu et mis en place intégralement, car le gouvernement fédéral tente actuellement d'imposer à la nation crie le système fédéral d'enregistrement des terres.


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25) La nation crie d'Eeyou Istchee devrait procéder à un réexamen complet des points suivants :

a) l'application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec depuis sa mise en oeuvre en 1984;

b) le rôle de la Commission crie-naskapie;

c) le rôle du gouvernement fédéral.

26) Pour favoriser la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et assurer un bon gouvernement, les administrations locales cries devraient avoir des pouvoirs supplémentaires et élargis.

27) Les représentants de l'administration locale manquent de soutien institutionnel pour l'exécution de leurs devoirs et responsabilités.

B. Élections au gouvernement local

Au cours des dernières années, la plupart des réclamations faites par des individus Eeyou, conformément à l'article 165 (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ont trait aux élections au gouvernement local. En plus des rapports d'enquête particuliers soumis aux individus, représentants et pouvoirs concernés, la Commission crie-naskapie a, comme il a été dit, produit un document de travail intitulé "Local Government Elections of the Cree and Naskapi (First) Nations" daté du 22 septembre 1999.

Ce document de travail qui comprend les recommandations de la commission est disponible sur le site Web de la commission.

Depuis la constitution de la Commission crie-naskapie, celle-ci a reçu des réclamations concernant la réglementation et la conduite des élections au conseil de bande de la part de certains individus Eeyou. Les commissaires savent par expérience que ces réclamations ont révélé des préoccupations profondes à l'égard des dispositions électorales actuelles. Plus précisément, cela comprend les préoccupations touchant les dispositions relatives aux élections contenues dans la loi elle-même, des préoccupations au sujet des règlements administratifs, des préoccupations concernant les lois et coutumes traditionnelles ainsi que les pratiques entourant la conduite des élections et la contestation des résultats des élections.

C. Autres questions et préoccupations

De plus, la Commission crie-naskapie a également produit un document de travail intitulé : Mise en oeuvre et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En s'appuyant sur ses constations et conclusions et sur les réclamations des nations cries et naskapie, les points suivants constituent les principales questions et préoccupations concernant la mise en oeuvre et les amendements de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec telles que décrites dans le dit document de travail :

a) politique fiscale fédérale et financement;

b) relations de gouvernement à gouvernement;


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c) forums publics et quorums nécessaires à la prise de décisions;

d) police et application de la loi;

e) administration de la justice;

f) pouvoirs et compétences des gouvernements;

g) mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois;

h) pouvoirs, devoirs et fonctionnement de la Commission crie-naskapie;

i) constitution en personne morale de la nation crie d'Oujé-Bougoumou;

j) application des lois et coutumes traditionnelles des Eeyou;

k) processus d'amendements des lois;

l) appartenance aux Premières nations et dénomination de celles-ci;

m) pouvoir législatif des administrations locales cries et naskapies concernant les points suivants :

  • système d'enregistrement des terres;
  • élections aux conseils de bande;
  • conflits d'intérêts;
  • code de déontologie;
  • contestations des règlements administratifs et résolutions;
  • commerce;
  • fonctionnement des conseils de gouvernement local;
  • activités culturelles;
  • entrée par force;
  • comptes non réglés;

n) imposition;

o) autorité prédominante des règlements administratifs;

p) mise en oeuvre de la loi fédérale sur les armes à feu;

q) insaisissabilité;

r) administration financière des bandes;

s) droits relatifs aux minéraux et droits tréfonciers;

t) compétences sur certaines parcelles de terres de catégorie II;

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u) paiement d'amendes;

v) système de contraventions;

w) pouvoir des règlements en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois;

x) administrateurs locaux des questions environnementales;

y) compétences des trappeurs cris et des agents de la conservation;

z) bénéfices de la future loi et autres mesures concernant le gouvernement autochtone.

Les détails concernant ces questions de même que le document de travail de la Commission sur la mise en oeuvre et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sont disponibles sur le site Web de la commission. Ces facteurs à prendre en compte pouvant faire l'objet d'amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec jouissent également de l'appui de principe des gouvernements des peuples cris et naskapi.

CONCLUSION
Les relations entre les Eeyou et le gouvernement fédéral doivent être éclaircies et, dans certains cas, redéfinies par les Eeyou et le Canada afin d'assurer un système d'administration locale local Eeyou organisé et efficace, conformément à la vision, aux besoins et aux aspirations des nations Eeyou.

En se basant sur les constatations et conclusions de huit rapports biennaux, deux documents de travail et certaines enquêtes menées par la Commission crie-naskapie, il est définitivement et essentiellement clair que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être réexaminé et amendée en vue d'en arriver à un système d'administration locale organisée et efficace des Cris et Naskapis, au service de l'administration, de la gestion et du contrôle des terres des catégories I A et I A-N par les bandes cries et naskapies respectivement, conformément aux pratiques actuelles de la gouvernance Eeyou et à l'état présent de la loi traditionnelle autochtone et Eeyou.

Par conséquent, et en conclusion, un processus significatif doit être établi et mis en oeuvre par le gouvernement du Canada, et par les administrations des peuples cris et naskapi en vue d'un réexamen global et approfondi de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec avec comme objectif l'identification et la détermination des amendements appropriés à la loi fédérale spéciale concernant le gouvernement local cri et naskapi. Ce processus doit inclure une compréhension claire selon laquelle le gouvernement du Canada doit amender la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec d'une manière qui reconnaisse, améliore et renforce l'état présent, l'exercice et le plein potentiel du gouvernement local autonome des Cris et des Naskapis.

NOTES FINALES
1 Ce chapitre constitue une mise à jour, une intégration et un sommaire des documents de travail préparés par la Commission crie-naskapie ainsi que le chapitre 8 du rapport de l'an 2000 de la commission. Les documents de travail, disponibles sur le site Web de la commission, sont intitulés Mise en oeuvre et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et Élections au gouvernement local et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.


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2 L'autonomie gouvernementale des autochtones - L'approche du gouvernement du Canada concernant la mise en oeuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie, Guide de la politique fédérale, Affaires indiennes et Nord canadien.
3 Bande de Waskaganish c. Blackned, [1986] 3 C.N.L.R., 168 à 187.
4 Bande d'Eastmain c. Gilpin, [1987] 3 C.N.L.R., 54 à 67.
5 Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) - Présentation déposée devant la Commission crie-naskapie - Montréal, Québec - Le 12 février 2004, p. 8.
6 Lettre des membres de l'enquête sur la Commission crie-naskapie, datée du 4 avril 1991, adressée à l'honorable Thomas E. Siddon, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.


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Chapitre trois

Préoccupations et problèmes de la nation Eeyou (crie)



Les 10, 11 et 12 février 2004, ainsi que le 23 février 2004, la Commission crie-naskapie a tenu à Montréal au Québec des audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre afin de permettre aux représentants des gouvernements cri, naskapi et fédéral de présenter des exposés à la commission en préparation du présent rapport.

Ce chapitre, qui porte sur les préoccupations et problèmes de la nation Eeyou (crie) doit donc être lu conjointement au chapitre 5 portant sur les réactions du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au rapport de la Commission crie-naskapie de 2002 tel qu'indiqué dans la dite présentation faite par le ministère devant la commission le 10 février 2004.

1. Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)
Le Grand chef Ted Moses et M. Bill Namagoose ont fait une présentation1 à la commission le 12 février 2004. Le Grand chef et les autres représentants du Grand conseil ont soulevé les préoccupations et questions suivantes :

A. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans le contexte de Convention de la Baie James et du Nord québécois

Selon les représentants du Grand conseil, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) a été signée par les Cris qui espéraient qu'une nouvelle ère de gouvernance allait commencer pour eux avec l'élimination du paternalisme et du colonialisme et le début d'une nouvelle relation avec le Canada et le Québec. Le Projet cri commençant par la reconnaissance de la gouvernance leur nation évoluerait avec la mise en place rapide et efficace de la CBJNQ. Cependant, la mise en oeuvre ne s'est pas déroulée conformément à intention et à l'esprit de la CBJNQ.

Le gouvernement du Canada a donné à ses obligations à l'égard des Cris une interprétation très restrictive, ce qui mine gravement le développement de la collectivité et les services qui lui sont fournis, comme le logement et les projets d'immobilisation, tels que les équipements et les installations de lutte aux incendies et les services essentiels.

Dans une lettre datée du 15 novembre 1974 et adressée au chef Billy Diamond, le ministre
Judd Buchanan affirmait ce qui suit :

« À propos de l'alinéa 7 de ladite entente de principe, le Canada accepte entre autres que les programmes et le financement de l'éducation, du logement et de la santé, continueront de s'appliquer aux Cris de la Baie James... sans discrimination à l'égard desdits Cris... en raison des bénéfices et privilèges découlant de l'entente finale... »2.



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Clairement, en ce qui concerne le Grand Conseil des Cris, les Cris avaient reçu l'assurance que le développement communautaire, dont le logement, serait englobé dans une perspective plus large au niveau de la mise en oeuvre de l'entente finale (connue sous le nom de Convention de la Baie James et du Nord québécois).

Le 10 février 2004, M. Michel Blondin, directeur du Bureau de mise en oeuvre de la Baie James et du Nord québécois, affirmait dans une présentation à la commission ce qui suit :

« L'absence d'habitations adéquates est effectivement un problème grave dans la plupart des collectivités cries et naskapies, comme au sein de la plupart des collec tivités autochtones du Nord de tout le pays. Les conséquences de la situation du logement sont profondes et considérables. Cependant, dans les cas des Cris, il y a une autre complication, en ceci qu'ils font souvent allusion à un droit au logement garanti par la CBJNQ. Le Canada est en désaccord ; mais je vais faire en sorte que les Cris aient accès aux programmes fédéraux de logement, comme les autres Indiens vivant dans des réserves ailleurs au Canada »3.

Le Grand conseil continue d'affirmer que la myopie et le manque de volonté politique des gouvernements sont à l'origine des lacunes au chapitre de la mise en oeuvre, qui est « la mesure dans laquelle le développement des Cris a été ralenti depuis 1975 par les gouvernements qui ne sont pas orientés sur le but du traité, à savoir le développement économique et social du peuple cri »4.

Selon le Grand conseil, les Cris (sans compter les Eeyou de Washaw Sibi) vivent actuellement une pénurie d'environ 1 400 habitations, et ils auront besoin de 1 190 autres unités au cours des dix (10) prochaines années. Le coût associé au rattrapage du retard dans le logement, la construction de nouvelles unités, la réalisation des rénovations et l'installation des infrastructures nécessaires pour les nouvelles maisons est d'environ 623 millions de dollars.

De plus, à l'exception d'Eastmain, à qui on a promis des fonds, le gouvernement du Canada n'a pas contribué au financement des centres communautaires, contrairement à ce qui avait été prévu au sous-article 28.11 de l'article 28 de la CBJNQ. La construction ou la prestation d'un centre communautaire dans chacune des collectivités cries (à l'exclusion de celle de Washaw Sibi) coûterait environ 210 millions de dollars de plus. (Le 11 mars 2004, M. Michel Blondin, directeur du Bureau de mise en oeuvre de la Baie James et du Nord québécois, a informé la commission que la nation crie d'Eastmain, Administration régionale crie et le Canada ont conclu une entente en vue de verser une somme de 3,2 millions de dollars au centre communautaire d'Eastmain. Le chef Edward Gilpin, de la nation crie d'Eastmain, a confirmé la réception du paiement pour le centre communautaire d'Eastmain.)

De plus, les projets d'immobilisation qui doivent être réalisés dans les collectivités pour les expansions nécessaires ont été identifiés par les Cris. Cette liste (qui comprend des ajouts aux installations de traitement des eaux usées, des installations aéroportuaires, des entrepôts, des bureaux communautaire, etc.) n'a pas été acceptée par le Canada, mais ces projets d'immobilisation coûteraient environ 531 millions de dollars au cours des dix (10) prochaines années.


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Les lacunes au chapitre de la mise en oeuvre se traduisent également dans le chômage et le sous-emploi, très élevés chez les Cris, et dans l'exclusion des Cris de la main-d'oeuvre régionale. Pendant des années, le Grand Conseil des Cris s'est battu pour la mise en oeuvre correcte des obligations du Canada envers les Cris en vertu de la CBJNQ, entre autres dans le domaine de la formation. Les Cris et le Canada ont conclu une entente sur le Développement des ressources humaines au sein de leur collectivité, mais l'engagement du Canada sera mis à l'épreuve lorsqu'on négociera le renouvellement de ladite entente.

Le Grand conseil considère que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne protège pas suffisamment l'entreprise privée au niveau local. Les tentatives en vue de résoudre cette question avec le Canada ont été entravées par les différends concernant le financement de la loi et la mise en oeuvre de la CBJNQ.

Comme par le passé, le Canada menace de réexaminer et de supprimer la base du régime de financement des gouvernements Eeyou régionaux et locaux.

B. Négociations sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois

L'Entente concernant la nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec (la " Paix des Braves ") établit une nouvelle relation de nation à nation et constitue une façon innovatrice pour le Québec de mettre en oeuvre ses obligations envers les Cris eu égard au développement communautaire et économique en vertu de la CBJNQ.

Le 28 juin 2002, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) a soumis au ministre Nault une proposition globale en vue de l'établissement d'une nouvelle relation avec le Canada. En février 2004, les Cris et le Canada n'avaient pas encore conclu d'entente sur une telle relation, car les propositions du gouvernement fédéral minent les droits des Cris en vertu de la CBJNQ.

C. Financement des dépenses d'exploitation et d'entretien en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et autres aspects du financement local dans le contexte actuel

Selon le Grand conseil, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) n'a pas voulu ou n'a pas pu faire face aux obligations du Canada envers les Cris dans les domaines suivants :

a) « les redressements financiers pour tenir compte de l'accumulation de capital dans les collectivités cries exigés en particulier en vertu de l'entente sur l'exploitation et l'entretien conclue avec le Canada;

b) attribution de nouveau financement d'infrastructures aux collectivités cries, même si AINC l'a constamment assuré par le passé;

c) prestation d'information aux Cris concernant le calcul de la part du financement du logement qui revient aux Cris, même si une bonne partie de ce financement est garanti spécialement aux Cris dans de nombreux engagements écrits du Canada;

d) questions touchant la distribution de l'électricité à la collectivité crie de Waskaganish, même si le Canada est lié par des ententes écrites;


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e) financement du centre communautaire d'Eastmain, malgré les assurances répétées données par les responsables d'AINC selon lesquelles cette question serait résolue "5.

Dans ces questions concernant les Cris, les responsables d'AINC manifestent un immobilisme qui se traduit par de l'inaction et des excuses. Le Grand Conseil des Cris a donc fait appel au processus de résolution des différends envisagé par l'entente sur l'exploitation et l'entretien.

D. Redressements d'exploitation et d'entretien

« Ce qui est en cause, ce sont les redressements au financement annuel de soutien aux collectivités de manière à refléter les projets d'immobilisation réalisés dans les collectivités depuis 1996, la deuxième année de l'actuelle Entente sur l'exploitation et l'entretien jusqu'à aujourd'hui. On a effectué des redressements ponctuels avant 2002-2003, mais au 1er avril 2003, un redressement d'environ 3,55 millions de dollars était en souffrance. Pour les années précédentes, il y a une réclamation d'environ 5,8 millions de dollars provenant du retard de versement de ces redressements et aussi un redressement est nécessaire pour les ajouts de capital faits en 2003-2004 »6.

L'inertie dont fait preuve AINC concernant ces redressements a entraîné des difficultés financières dans certaines collectivités cries.

De plus, AINC souhaite réexaminer non seulement l'Entente sur les opérations et l'entretien, mais aussi utiliser la présente entente comme base de renouvellement. Selon les conditions



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énoncées dans ladite entente, l'entente demeure applicable tant et aussi longtemps que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est en vigueur. Par conséquent, son maintien n'est pas conditionnel à son renouvellement.

Les responsables d'AINC menacent l'intégralité du régime de financement en refusant de reconnaître que l'entente existante est maintenue comme base pour l'avenir et en refusant de procéder à des redressements pour les ajouts de capital.

Le Grand Conseil des Cris demande à la commission de déployer des efforts auprès du gouvernement actuel pour faire en sorte que le décret en conseil nécessaire pour que le juge Réjean Paul préside le processus de médiation soit adopté bientôt (le juge Réjean Paul a maintenant été nommé par le gouvernement du Canada pour présider le processus de médiation qui a débuté).

En vertu des conditions de l'actuelle Entente sur les opérations et l'entretien, la commission doit fournir des services administratifs au Conseil de règlement des différends.

Le 30 mars 2004, le ministre des Affaires indiennes, après une rencontre avec le grand chef Ted Moses, a approuvé le versement d'un financement de l'exploitation et de l'entretien aux collectivités cries en vertu des conditions énoncées dans l'extension de l'Entente sur l'opération et l'entretien de 1995. On prévoit que la négociation de renouvellement de l'entente sera entamée sous les auspices du Conseil de règlement des différends présidé par le juge Réjean Paul.

E. Examen des effets environnementaux des projets de développement des collectivités cries

Les Cris ne contestent pas l'application de l'article 22 (environnement et développement futur au sud du 55e parallèle) de la CBJNQ, mais les projets de développement des collectivités cries ont été examinés et évalués dans le cadre dudit article. Cependant, l'adoption d'amendements à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) a fait naître la nécessité d'un examen et d'une évaluation supplémentaires des projets de développement des collectivités cries. Par conséquent, les bandes cries se sont vu refuser l'accès au financement fédéral pour certains projets à cause des retards entraînés par ces dispositions de la LCEE.

F. Gouvernance de la nation crie

Selon le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), le peuple cri détermine son développement et ses priorités politiques. Au cours des trois (3) dernières décennies, le Grand Conseil des Cris a fonctionné à titre d'Eeyou Tapaytahchehsou ou de gouvernement de la nation crie dans ses relations avec le Québec et le Canada. Pour la gouvernance crie, la prochaine étape consiste à élargir le rôle du Grand conseil en gouvernant la nation crie conformément à la volonté et aux aspirations des Eeyouch d'Eeyou Istchee. Pour ces motifs, entre autres, les Cris doivent entretenir des relations stables avec le Canada par des négociations en vue d'une entente sur la gouvernance Eeyou et diverses questions connexes.


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2. Première nation de Whapmagoostui
Le chef David Masty de la première nation de Whapmagoostui, M. Andrew Kawapit, un aîné, et M. Elijah Sheshamush fils., un jeune, ont fait une présentation7 à la commission le 10 février 2004.

Les représentants de la première nation de Whapmagoostui ont soulevé les questions et préoccupations suivantes :

A. Conseil des aînés de Whapmagoostui

En 1990, le conseil de la première nation de Whapmagoostui a mis sur pied, par voie de règlement, un conseil local d'aînés doté d'un rôle consultatif et administratif pour le gouvernement local. Le conseil a conclu qu'il y avait besoin d'équilibrer la façon et les procédés traditionnels de prise de décisions avec la structure formelle de gouvernement et d'administration locale, tel qu'établis en vertu des conditions générales énoncées dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

B. Utilisation de la langue crie

Le conseil de la première nation de Whapmagoostui a exprimé sa position selon laquelle l'utilisation de la langue crie comme langue officielle dans les relations avec les gouvernements et dans les affaires administratives devrait être reconnue par tous les ordres de gouvernements.

C. Autonomie gouvernementale Eeyou

En ce qui concerne la première nation de Whapmagoostui, le « Gouvernement du Canada doit reconnaître et respecter les structures gouvernementales adoptées par les nations Eeyou et fournir un appui d'une façon qui favorise la transition rapide vers une pleine autonomie gouvernementale »8.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doit être amendée de manière à refléter et reconnaître l'application des lois et pratiques traditionnelles et à élargir les pouvoirs du gouvernement local.

D. Ministère des Affaires indiennes

Les responsables du ministère des Affaires indiennes, à qui incombent la négociation et de la mise en oeuvre des ententes concernant l'exploitation et l'entretien ainsi que des projets d'immobilisation, n'ont pas la volonté de respecter les obligations et responsabilités du gouvernement fédéral, lesquelles consistent à s'assurer que le financement découlant de ces ententes réponde aux besoins présents et futurs, à la situation et aux préoccupations des gouvernements locaux et régionaux des Cris.

Le gouvernement du Canada doit s'acquitter de ses obligations d'une manière qui établisse une norme acceptable pour une relation de nation à nation entre la nation Eeyou et le Canada.


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E. Mission de la Commission crie-naskapie

Le chef David Masty affirme ce qui suit :

« La mise en oeuvre d'un traité ne peut être séparée de l'application des lois habili tantes. La mission de la Commission crie-naskapie doit inclure explicitement la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois »9.

« Le Parlement doit obliger le gouvernement à réagir de façon globale et rapide aux rapports biennaux et aux recommandations de la Commission crie-naskapie »10.

F. Plan de développement de la collectivité de Whapmagoostui

Dans ses rapports de 2000 et de 2002, la commission reconnaît les obstacles considérables que rencontre la première nation Whapmagoostui dans la planification du développement et de l'expansion de sa collectivité. Dans le rapport de 2002, la commission a noté le début de la construction d'une courte route en gravier dans la zone nord-est des terres de la collectivité. Un examen du présent plan de développement de la collectivité de la première nation de Whapmagoostui doit prévoir l'accès et le développement de la rive sud de la rivière.

G. Mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

Les collectivités et gouvernements locaux cris ont besoin de fonds supplémentaires pour la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de satisfaire leurs besoins en matière de formation de personnel pour l'administration locale et les responsabilités fiscales.

H. Assemblée générale sur la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

La première nation Whapmagoostui suggère que la commission commandite et organise une assemblée générale extraordinaire de la nation Eeyou dans le but de discuter les questions et préoccupations concernant la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette assemblée extraordinaire de la nation Eeyou doit formuler les recommandations sur les amendements appropriés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le ministère des Affaires indiennes devrait fournir à la commission les fonds nécessaires à la tenue de cette assemblée générale extraordinaire de la nation Eeyou.

3. Les cris de la première nation Waskaganish
Le chef Robert Weistche des Cris de la première nation de Waskaganish a fait une présentation11 à la commission le 10 février 2004. Le chef Weistche a exprimé les préoccupations suivantes :

A. Électricité à Waskaganish

Dans leur mémoire de 2002, les Cris de la première nation de Waskaganish avaient soulevé la question de l'électricité dans leur collectivité; cependant, la situation n'a pas changé, car les installations de production d'électricité actuelles demeurent inadéquates et ne répondent pas aux besoins de la collectivité. La Paix des Braves promet un raccord au réseau d'Hydro-Québec dans


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les cinq (5) ans suivant la signature de ladite entente (le 7 février 2002). Entre-temps, le gouvernement du Canada reste responsable de la fourniture d'électricité à la collectivité au moyen d'installations de production adéquates et du financement, afin de répondre aux besoins de la collectivité.

Les Cris de la première nation de Waskaganish demandent que la commission « fasse en sorte que les besoins et droits de Waskaganish eu égard à la fourniture d'électricité dans la collectivité soient reconnus et abordés dans les négociations avec les gouvernements du Canada et du Québec »12.

B. Logement

Dans leur mémoire de 2002, les Cris de la première nation de Waskaganish avaient expliqué la crise du logement au sein de leur collectivité. La situation actuelle du logement, avec les maisons infestées de moisissure, les problèmes graves de structure et la pénurie de logements, pour répondre aux besoins d'une population en pleine croissance, demeure une crise. Le financement actuel en vertu de la Loi nationale sur l'habitation ne suffit pas à répondre aux besoins actuels de Waskaganish en matière de logement. Les Cris de Waskaganish ont demandé une aide urgente du gouvernement du Canada afin de remplacer soixante-cinq (65) unités de logement en voie de détérioration. Le Canada n'a pas répondu à cette demande urgente. Par conséquent, les Cris de la première nation de Waskaganish ont dû utiliser des fonds tirés de la Paix des Braves pour remplacer certaines des unités de logement en voie de détérioration. Cependant, le logement demeure une responsabilité fédérale. Le gouvernement du Canada doit donc prendre les mesures adéquates dans la question du logement.

Les Cris de la première nation de Waskaganish demandent à la commission « d'intervenir auprès des autorités fédérales responsables pour faire en sorte que le financement adéquat soit fourni afin de répondre à leurs besoins actuels et futurs en matière de logement... et de rembourser la nation des fonds dépensés par elle »13.

C. Infrastructure de la collectivité

Étant donné l'emplacement des plans d'eaux environnants, la position de l'aéroport actuel et l'état médiocre du sol, Waskaganish se heurte à des obstacles de taille dans l'expansion de la collectivité, obstacles qui exigeront des ressources en capitaux supplémentaires.

Waskaganish demande à la commission « de faire en sorte que le Canada devienne un participant actif dans la planification du capital et le financement de la croissance de la collectivité, reconnaissant ces besoins particuliers et la nécessité que les infrastructures de la collectivité soient élargies et modifiées de manière à répondre à ces conditions inhabituelles »14.


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D. Développement économique

Selon les Cris de la première nation de Waskaganish, l'application de l'article 22(2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a entraîné des limitations aux activités de développement économique de la bande.

L'article 22(2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec énonce ce qui suit :

« (2) La bande ne peut se livrer, directement ou indirectement, à des activités commerciales que dans le cadre :

a) de la gestion :

(i) des terres de catégorie IA ou IA-N qui lui sont attribuées ou des ressources naturelles qui s'y trouvent,

(ii) des bâtiments et autres immeubles lui appartenant qui se trouvent sur ces terres;

b) de la prestation de services publics sur ces terres ou aux personnes qui y résident "15.

L'application et l'implication de cet article particulier de la Loi devraient être réexaminées.

Le financement du développement économique par le Canada et le Québec a été minime. Les Cris de la première nation de Waskaganish ont demandé à la commission « d'examiner le financement et les programmes offerts au peuple cri afin de déterminer leur adéquation dans le cadre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de la Convention de la Baie James et du Nord québécois »16.

4. Première nation crie de Waswanipi
Le 11 février 2004, le chef Robert Kitchen de la première nation crie de Waswanipi, assisté de M. Glen Cooper, a fait une présentation17 à la commission. Le chef Kitchen a soulevé les questions et préoccupations suivantes :

A. Questions non résolues

Le chef Kitchen mentionne les questions suivantes non résolues en vue de les inclure dans des négociations et ententes :18

1) l'intégrité territoriale des terres Waswanipi;

2) les terres ancestrales et le gouvernement traditionnel;

3) les droits relatifs à l'eau et les ressources naturelles;

4) les territoires de piégage cris et les différends;

5) toutes les revendications et titres dans les territoires ancestraux Waswanipi;

6) restauration et protection des aires, zones et sites sacrés;

7) la reconnaissance des Cris de Senneterre (de Waswanipi);


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8) les grandes opérations de nettoyage et d'embellissement des terres de Waswanipi;

9) le déplacement et la relocalisation des premiers habitants de " Old Post ";

10) le statut particulier, les droits et les pouvoirs des aînés cris.

B. Utilisation et occupation des terres de Waswanipi

Les Eenouch de Waswanipi demandent au gouvernement du Canada de lancer une vaste enquête publique sur l'utilisation, l'occupation et l'exploitation des terres de Waswanipi et de ses ressources naturelles. Selon la première nation crie de Waswanipi, le Canada devrait être imputable et établir un fonds du patrimoine au profit des générations présentes et futures de l'Eenouch de Waswanipi.

C. Relocalisation des Eenouch de Waswanipi et ses impacts

Les Eenouch de Waswanipi ont été déplacés et relocalisés à la suite de la mise en valeur des ressources situées dans les territoires historiques et traditionnels de Waswanipi. La première nation crie de Waswanipi demande le financement, en provenance du Canada et sur une période de cinq (5) ans, de la recherche et du développement sur les impacts et les mesures correctives qui permettraient le développement et le maintien adéquats du tissu social de la société Eenou.




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D. Souveraineté et gouvernance Eeyou

De temps immémorial, les Eenouch de Waswanipi se considèrent comme une nation souveraine et un peuple autonome. Par conséquent, en ce qui concerne les Eenouch de Waswanipi, le gouvernement du Canada devrait reconnaître la souveraineté, le statut de nation et la gouvernance Eenou.

E. Accumulation de problèmes à résoudre

La première nation crie de Waswanipi souhaite entamer des négociations sérieuses et sensées avec le gouvernement du Canada en vue de résoudre les problèmes accumulés suivants :19

1) habitations et infrastructures;

2) soins de santé;

3) programmes et services pour la jeunesse;

4) possibilités d'emploi, commerce et initiatives économiques;

5) système de justice des communautés locales;

6) territoire des pointeurs et trappeurs cris;

7) partage des revenus;

8) investissements à long terme ou réinvestissements;

9) mégaprojets ou mise en valeur des ressources à grande échelle;

10) initiatives de restauration à grande échelle;

11) services d'urgence et capacité d'intervention;

12) revendications territoriales se chevauchant et différends sur les territoires de piégage;

13) étude sur les projets de construction de minicentrales hydroélectriques;

14) gouvernance Eeyou.

F. Examen de la réalisation des programmes et de la prestation des services

Les Eenouch de Waswanipi se retrouvent désavantagés au chapitre de la réalisation des programmes et à la prestation des services servant à l'amélioration du niveau de vie. Par conséquent, en collaboration avec le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), ils sont prêts à entamer un processus d'élaboration d'un cadre de référence adéquat pour une étude ou enquête indépendante.

5. Nation crie de Washaw Sibi
Les Eeyou de Washaw Sibi constituent un groupe d'environ trois cent cinquante (350) Cris bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou admissibles pour devenir bénéficiaires. Les Eeyou de Washaw Sibi font partie de la nation crie d'Eeyou Istchee, mais ils se distinguent par leur histoire, leur territoire et leur vision.


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Les membres des Eeyou de Washaw Sibi résident actuellement dans des collectivités de Pikogan, Lac Simon, Amos, Val d'Or, La Sarre, Matagami et dans certaines communautés cries dispersées dans l'Eeyou Istchee.

Le propos des Eeyou de Washaw Sibi est d'être pleinement reconnus comme membres à part entière de la nation crie et comme bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des autres ententes connexes.

Dans ce but, les Eeyou de Washaw Sibi sont déterminés à parvenir au statut de collectivité d'Eeyou et de recevoir tous les avantages et d'exercer tous les droits en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des ententes connexes.

En langue Eeyou, washaw sibi signifie 'rivière de la baie', faisant allusion à la rivière Harricana qui se déverse dans la Baie James. La rivière Harricana ou Washaw Sibi est le lien fondamental entre les Eeyou de Washaw Sibi et leurs territoires traditionnels et historiques situés dans le secteur sud-ouest de l'Eeyou Istchee. Ce territoire s'étend de la baie Hannah au sud-ouest vers les territoires de l'intérieur de l'Abitibi.

Le chef Billy Katapatuk Sr. de la nation crie de Washaw Sibi a fait une présentation20 à la Commission crie-naskapie, lors de ses audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre le 12 février 2004, à Montréal au Québec.

Le chef Katapatuk a rappelé l'histoire des Washaw Sibi en rapport avec l'occupation et l'utilisation de leurs territoires traditionnels et historiques et leurs situations et circonstances passées et actuelles.

Certains membres des Eeyou de Washaw Sibi figurent sur la liste des bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, mais ils n'ont pas droit aux mêmes avantages que les Eeyou des neuf autres communautés.

Les Eeyou de Washaw Sibi ont été forcés par le ministère des Affaires indiennes de se relocaliser à partir de leur peuplement situé aux abords de La Sarre au Québec vers la réserve algonquine de Pikogan près d'Amos. Cette relocalisation forcée s'est révélée nuisible pour le développement social des Eeyou de Washaw Sibi, qui ont fait face à beaucoup de discrimination au niveau de la réception des programmes et services. Les Eeyou de Washaw Sibi ne peuvent maintenir pleinement leur distinction et leur intégrité culturelle dans le cadre d'une communauté algonquine.

Dans ce contexte, les Eeyou de Washaw Sibi n'ont pas droit à tous les bénéfices et droits (par exemple le droit inhérent à l'autodétermination) prévus dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), lors de l'assemblée générale annuelle de 2003 de ses membres, a adopté la résolution des membres qui reconnaît et accepte officiellement les Eeyou


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de Washaw Sibi comme dixième première nation crie. Par conséquent, les Eeyou de Washaw Sibi participent à la gouvernance Eeyou ou au gouvernement de la nation Eeyou par une représentation au conseil du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) ou de l'Administration régionale crie.

Les Eeyou de Washaw Sibi reconnaissent qu'une attribution de leurs propres terres de catégorie en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois serait nécessaire pour la réalisation des programmes et la prestation des services, le développement de leur communauté et d'une base territoriale pour l'exercice de leur autonomie gouvernementale.

Dans l'espoir et le désir de réaliser leur mission et leur vision, les Eeyou de Washaw Sibi demandent à la commission :

a) d'être pleinement consciente de l'histoire et des circonstances des Eeyou de Washaw Sibi;

b) de rendre le gouvernement du Canada conscient de son échec à s'acquitter de ses obligations fiduciaires envers les Eeyou de Washaw Sibi et que les gestes passés du gouvernement fédéral ont lamentablement échoué dans la protection des droits et intérêts des Eeyou de Washaw Sibi;

c) de convaincre le gouvernement du Canada de reconnaître les Eeyou de Washaw Sibi comme dixième première nation crie et d'entamer des discussions et des négociations avec les Eeyou de Washaw Sibi sur l'établissement du village de Washaw Sibi dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.



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6. Nation crie de Mistissini
Dans la présentation21 de la nation crie de Mistissini datée du 23 février 2004, le chef John Longchap soulève les questions et préoccupations suivantes :

A. Présentations passées

Beaucoup de questions et préoccupations soulevées par la nation crie de Mistissini dans ses présentations passées à la commission n'ont pas été traitées et demeurent non résolues et « sont appuyées adéquatement dans les rapports passés de la Commission »22. La nation crie de Mistissini entretient des préoccupations sérieuses sur le manque ou l'absence d'une réaction globale et adéquate du Canada face aux besoins et aux préoccupations de la nation.

B. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

La vision de la nation crie de Mistissini veut qu'elle jouisse du plein contrôle de ses propres affaires en tant que partenaire de la société québécoise jouissant de l'autodétermination. La nation soutient que ceci correspond réellement à l'esprit et à la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Par conséquent, l'objectif de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est de fournir un cadre pour un système ordonné et efficace de gouvernement local cri. Cependant, « les gouvernements successifs n'ont pas réussi à s'approprier les fonds nécessaires pour appliquer intégralement la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et n'ont pas pleinement respecté les obligations administratives et autres énoncées dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et dans la CBJNQ »23.

La nation crie de Mistissini a trouvé certaines dispositions de la loi imposant « trop d'ordre, alors que d'autres entravent l'efficacité »24. Par conséquent, la nation reconnaît le besoin d'amender la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Dans ce but, la Commission crie-naskapie devrait recevoir la mission de mener une étude approfondie et globale sur les conditions et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de recommander au Parlement les amendements appropriés.

Tel que signalé dans la présentation passée, certaines dispositions de la loi prévoient un quorum trop élevé et empêchent la prise de décisions efficace dans la gouvernance. La loi devrait être amendée de manière à permettre à tous les gouvernements cris locaux de déterminer et d'établir leurs propres exigences en matière de quorum ou d'établir des processus autres que le vote lors des assemblées communautaires afin de favoriser la prise de décisions sur les questions importantes.

C. Justice

Actuellement, la cour itinérante tient des séances présidées par un juge de la Cour du Québec ou par un juge de paix à Mistissini. Une récente décision des tribunaux veut que le juge de paix


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ne puisse plus entendre de causes après le 31 janvier 2004. Cette décision de la Cour, qui touche toutes les collectivités cries, entraînera un retard de traitement important des causes, ce qui entraînera des retards ou des dénis de justice.

Cependant, et fait de la plus haute importance, les membres de la nation crie de Mistissini ont besoin d'un système de justice de rechange déterminé et contrôlé par les Eeyou. « Un système de justice qui reflète les valeurs et la langue cries et qui est accessible au peuple parce que situé dans la collectivité, qui entraînerait plus de crédibilité et de respect »25 par les membres de la communauté.

À cet égard, la mise en oeuvre correcte de l'article 18 (Administration de la justice - Cris) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois marquerait le commencement de l'établissement d'un cadre pour le système de justice Eeyou dans l'Eeyou Istchee.

« Le droit de maintenir et d'appliquer la loi et l'ordre est un attribut essentiel d'une société autonome »26.

D. Service de polices

Étant donné l'incidence élevée des délits et crimes et l'augmentation rapide de la population des adolescents, la communauté de Mistissini a un urgent besoin d'un nombre accru d'agents de police. Le rapport actuel, de 1 agent pour 1 000 personnes, envisagé dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, est dépassé et inadéquat pour les besoins actuels de la société Eeyou, en plein changement. L'article 19 (Police - Cris) de la CBJNQ doit donc être amendé en conséquence.

E. Logement

Le manque criant de logement et d'infrastructures afférentes demeure le problème le plus grave pour la nation crie de Mistissini. Par conséquent, à titre de priorité urgente pour le gouvernement du Canada, la nation crie de Mistissini recommande que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d'hypothèque et de logement élaborent et mettent en oeuvre un plan d'action stratégique, conjointement avec la nation crie, en vue d'éliminer les problèmes de logement qui s'accumulent dans les collectivités Eeyou.

F. Partenariat et partage des recettes de l'exploitation des ressources

Les Cris doivent encore exercer leurs droits en ce qui concerne le partenariat dans le développement économique, comme l'exploitation minière et forestière, prévu dans l'Entente concernant la nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. En outre, les ententes entre les Cris et les gouvernements et les lois habilitantes doivent faire en sorte que les revenus tirés de la mise en valeur des ressources dans l'Eeyou Istchee soient attribués comme des revenus partagés pour le gouvernement local Eeyou.


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G. Eeyou de Washaw Sibi

Le propos des Eeyou de Washaw Sibi, qui veulent être pleinement reconnus comme membres à part entière de la nation crie et comme bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois soulève une autre préoccupation pour la nation crie de Mistissini.

Les questions et préoccupations des Eeyou de Washaw Sibi doivent être discutées et résolues par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et les Eeyou de Washaw Sibi.

Entre autres, la nation crie de Mistissini recommande que la recommandation de la commission dans son rapport de 2002 soit appliquée vigoureusement de manière à résoudre cette question. La recommandation particulière de la commission est la suivante :

« 18. Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les Cris de la première nation de Waskaganish doivent déterminer, avec la participation des Eeyou de Washaw Sibi, la faisabilité et la viabilité de l'objectif des Eeyou de Washaw Sibi Eeyou, lequel consiste à obtenir la reconnaissance leur appartenance à la nation crie de Eeyou Istchee et de leur statut de bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des autres ententes connexes. Eu égard à ces questions, la participation du gouvernement du Québec est nécessaire »27.

H. Obligation de rendre des comptes et endettement des bandes

La nation crie de Mistissini est bien consciente des préoccupations du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien eu égard à l'endettement allégué des bandes et du principe d'obligation de rendre des comptes.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec établit un régime juridique et politique pour le gouvernement local Eeyou, qui est responsable à l'égard des membres des collectivités Eeyou. En tant que tel, le gouvernement local est dans l'obligation de rendre des comptes à la collectivité Eeyou sur toutes les questions touchant l'administration financière. Pour la responsabilité financière, la nation crie de Mistissini appuie le principe d'obligation de rendre des comptes à l'aide de mécanismes appropriés de production de rapports. Cependant, en interprétant les exigences de la loi de soumettre une copie de rapport de vérification de la bande au ministre comme obligation de la bande de faire rapport au ministre, le ministère des Affaires indiennes tente de contrôler les affaires financières des bandes. Ce contrôle exercé par ledit ministère sur les affaires financières des bandes va à l'encontre du principe d'obligation de rendre des comptes des gouvernements locaux Eeyou à leurs membres et résidents ainsi que du droit et principe de l'autonomie gouvernementale Eeyou. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à clarifier l'obligation de rendre des comptes sur les plans politique, administratif et financier du gouvernement local Eeyou aux membres de la collectivité Eeyou. En outre, pour éviter un problème d'endettement, le gouvernement du Canada doit garantir la


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capacité du gouvernement local Eeyou de soutenir financièrement son administration. Des ressources financières adéquates pour l'administration du gouvernement local sont essentielles pour la mise en oeuvre adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

I. Compétence de la Commission crie-naskapie

Selon la nation crie de Mistissini, le gouvernement du Canada a ignoré les recommandations de la Commission, car ledit gouvernement a adopté la position selon laquelle la commission n'a pas de compétence pour produire rapport sur la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les actions et positions actuelles du Canada ont fait de la commission un mécanisme inefficace pour la résolution des préoccupations et questions Eeyou.

De l'avis de la nation crie de Mistissini, le leadership Eeyou « doit tenter d'élargir la mission de la commission afin d'être plus efficace »28.

7. Nation crie d'Oujé-Bougoumou

Le chef Sam Bosum a fait une présentation29 à la Commission crie-naskapie lors de ses audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre le 23 février 2004 à Montréal. Le chef Bosum a soulevé les questions et préoccupations suivantes de la nation crie d'Oujé-Bougoumou :

A. Questions et préoccupations passées

Le chef Bosum a souligné le fait que les questions et préoccupations d'Oujé-Bougoumou ne sont pas nouvelles et qu'elles ont été présentées à la commission dans les mémoires précédents de la nation crie d'Oujé-Bougoumou. Ces préoccupations et questions ont été soulevées dans les rapports de la Commission. Cependant, le gouvernement du Canada ne s'y est pas penché. La nation crie d'Oujé-Bougoumou espère que la nation crie d'Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada amorceront et établiront une nouvelle relation, « une relation dans laquelle les préoccupations légitimes ne sont pas ignorées, dans laquelle on trouve une intention sérieuse de remplir les obligations et engagements de longue date »30.

B. Entente Oujé-Bougoumou-Canada

La nation crie d'Oujé-Bougoumou demeure très préoccupée parce qu'il n'y a pas eu mise en oeuvre intégrale de l'Entente Oujé-Bougoumou-Canada signée par les parties concernées en mai 1992.

Le chef Sam Bosum signale que, jusqu'à présent, les discussions avec les représentants du Canada concernant leur engagement à conclure une entente complémentaire ont été longues et ardues, le Canada étant à l'origine de retards excessifs. La nation crie d'Oujé-Bougoumou espère que ceci changera afin que les parties puissent travailler rapidement en vue de l'incorporation officielle d'Oujé-Bougoumou dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.


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C. Financement de l'exploitation et de l'entretien

Selon la nation crie d'Oujé-Bougoumou, le gouvernement du Canada doit assurer aux collectivités Eeyou le financement de l'exploitation et de l'entretien de manière à couvrir leurs besoins en matière d'exploitation, mais il n'a pas reconnu sa responsabilité dans cette question. Par conséquent, la communauté d'Oujé-Bougoumou et les autres font face et continueront de faire face à des difficultés dans l'obtention du financement de l'exploitation et de l'entretien pour les installations, besoins et services nouveaux.

La nation crie d'Oujé-Bougoumou recommande encore une fois « un réexamen de la formule de financement de l'exploitation et de l'entretien en vue de l'incorporation d'une capacité financière capable de répondre aux besoins non envisagés en 1984 »31.

D. Capital passé

Le chef Sam Bosum soulève encore une fois la question du capital passé. Selon la nation crie d'Oujé-Bougoumou, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) a maintenu et continue de maintenir, en contradiction des obligations claires et nettes en vertu de l'Entente Oujé-Bougoumou-Canada, qu'il n'est pas tenu de rembourser les Cris pour le financement reçu par Oujé-Bougoumou pour les projets d'immobilisation après 1994-1995. Depuis 1994-1995, la valeur totale des fonds transférés à Oujé-Bougoumou à partir de la nation crie d'Eeyou Istchee est de 1,7 million de dollars. AINC refuse de reconnaître que ce montant est dû à la nation crie.

E. Réclamation non encore réglée

De plus, le chef Sam Bosum rappelle à la commission « qu'il y a un paiement minimum dû relativement aux fonds transférés à Oujé-Bougoumou en vertu de l'Entente Oujé-Bougoumou- Canada qui reflète le paiement en souffrance des sommes convenues et des manques à gagner associés à cette somme. Il reste une réclamation non encore réglée d'une valeur de 2 952 000 $ »32.

F. Relations entre la nation crie d'Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada

La nation crie d'Oujé-Bougoumou réitère ses préoccupations au sujet de l'ensemble de la relation entre la nation crie d'Eeyou Istchee et le Canada. En vertu de l'Entente concernant la nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, la nation crie d'Eeyou Istchee a entamé une nouvelle relation de nation à nation avec le Québec d'une manière qui assure un partage des revenus, l'emploi et les garanties de contrat ainsi qu'une exécution sensée des obligations du Québec envers les Cris au chapitre du développement économique et communautaire en rapport avec certaines dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. La nation crie d'Oujé-Bougoumou réitère son espoir que le gouvernement du Canada fera de même et adoptera la démarche du Québec dans l'accomplissement de ses obligations envers la nation crie d'une façon qui respecte l'esprit et l'intention de la CBJNQ.


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8. Nation crie de Chisasibi

Le 10 février 2004, des représentants de la nation crie de Chisasibi se sont adressés à la commission lors de ses audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre. Le chef Abraham Rupert, avec M. Robbie Matthew, aîné, qui y est allé de ses commentaires, et Mme Ida Coonishish, jeune, ont exprimé leurs préoccupations à propos des questions suivantes :33

A. Bloc D

Dans son rapport de 2002, la commission a recommandé que : « le Canada doit exercer ses responsabilités et assurer le bon transfert des terres du bloc D à l'usage et au bénéfice exclusifs de la nation crie de Chisasibi »34.

M. Michel Blondin, directeur du Bureau de mise en oeuvre de la Baie James et du Nord québécois,dans sa présentation à la commission faite le 10 février 2004, affirme « que le ministère continue d'appuyer le gouvernement provincial et le Conseil de Chisasibi dans le transfert d'administration de terre ; toutefois, ce faisant, il doit s'assurer que les terres transférées soient saines sur le plan environmental »35.

Selon le ministère, « tout porte à croire qu'une très petite portion des terres, qui comprennent une piste d'atterrissage, a été contaminée à cause des antécédents industriels du site et de son usage actuel comme piste d'atterrissage »36. Par conséquent, toutes les parties sont convenues qu'une étude environnementale des terres doit être entreprise avec une décontamination subséquente du site. Le rapport final de ladite étude est prévue en novembre 2004.

Étant donné l'importance du site en tant que piste d'atterrissage, le chef Rupert a remis en question le long retard dans le transfert des terres du bloc D. Le chef Rupert ne peut accepter ce retard, lequel est à l'origine d'autres retards dans l'établissement des installations convenables pour la piste d'atterrissage.

B. Sécurité des barrages

La construction, l'exploitation et l'entretien des immenses barrages hydroélectriques sur le cours de la rivière Chisasibi ont causé et continuent de causer de graves préoccupations sur la sécurité de la collectivité et de ses habitants.

C. Logement et infrastructures

Le chef Rupert considère l'actuelle situation du logement, avec ses pénuries de maisons à Chisasibi, comme une crise. La collectivité a besoin d'environ 400 nouvelles maisons pour satisfaire ses besoins immédiats. L'actuelle crise du logement est à l'origine de nombreux problèmes sociaux. Avec l'accroissement de la population et la présence d'autres habitants, les infrastructures actuelles de la collectivité de Chisasibi sont inadéquates sur les plans de la santé, des services sociaux et de l'éducation.

Mme Ida Coonishish, jeune de Chisasibi, confirme que les jeunes familles souffrent de la pénurie de logement dans la collectivité.


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D. Radisson

En ce qui concerne le chef Rupert, la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit qu'une ville permanente ne devait pas être établie à la suite de la construction et de l'exploitation du Complexe La Grande (1975). La présence actuelle et continue de la ville de Radisson a contribué et continue de contribuer aux problèmes sociaux (drogue, alcool et jeu) de la collectivité de Chisasibi.

E. Centralité de la terre

M. Robbie Matthew, aîné, a parlé de la centralité et de la connexion d'Eeyou Istchee aux traditions, à la culture et au mode de vie Eeyou. Il craint que la jeunesse Eeyou perde son rapport à l'Eeyou Istchee. Comme mesure servant à rétablir cette connexion, M. Matthew a suggéré un voyage vers un lieu de rassemblement effectué par des moyens traditionnels et la réunion des Cris de Chisasibi et de Whapmagoostui.

F. Éducation traditionnelle

M. Matthew souligne l'importance de vivre, d'apprendre et d'obtenir une éducation sur l'EeyouIstchee auprès des semblables et des aînés comme savoir traditionnel, et que la façon traditionnelle ne peut être apprise et enseignée dans les livres.


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G. Loi traditionnelle

L'aîné de Chisasibi a également parlé de l'existence et de l'application du droit coutumier et traditionnel dans les activités, la vie et la gouvernance des Cris d'Eeyou Istchee.

H. Système et qualité d'éducation

Mme Ida Coonishish, jeune, a exprimé la préoccupation sur la qualité de l'éducation donnée dans le Nord, comparativement à celle du Sud. Pour une population d'environ 4 000 habitants, le nombre de diplômés à Chisasibi est extrêmement faible. Elle a remis en question la motivation des enseignants d'enseigner dans le Nord.

Qui plus est, les jeunes n'ont pas actuellement de programmes et de services pour obtenir et recevoir une formation en connaissances traditionnelles et en mode de vie traditionnel Eeyou.

I. Problèmes sociaux

La jeunesse de Chisasibi fait face à des problèmes sociaux comme l'alcoolisme et la toxicomanie, les grossesses adolescentes et la pénurie de logement, problèmes qui exigent une attention immédiate.

9. Nation crie de Wemindji
Le 10 février 2004, lors des audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre de la commission,

M. Mark Wadden, au nom de la nation crie de Wemindji, a soulevé les préoccupations et questions suivantes :37

A. Questions passées

M. Mark Wadden rappelle que les questions soulevées par la nation crie de Wemindji dans sa présentation de 2000 et 2002 demeurent les mêmes et qu'elles sont non résolues.

B. Lois sur les armes à feu

Il est et reste difficile de mettre en oeuvre les conditions et dispositions de la loi fédérale sur les armes à feu à Wemindji. Ainsi, bien des gens ont demandé un certificat, conformément aux lois, mais n'ont pas reçu leurs documents.

C. Règlement administratif électoral

Le règlement administratif électoral de la nation crie de Wemindji est actuellement à l'étude par la communauté et devrait être présenté à l'occasion de la prochaine assemblée générale annuelle aux fins d'approbation et d'adoption par les membres de la nation crie de Wemindji.


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D. Incinérateur

À titre de projet pilote, la nation crie de Wemindji a construit, entretient et exploite un incinérateur destiné à la gestion des déchets. Ce projet a attiré l'intérêt des gouvernements fédéral et provincial, notamment, en ce qui a trait aux impacts sur l'environnement. La nation crie de Wemindji a donc demandé un financement afin de surveiller les impacts de ce projet. Toutefois, Wemindji n'a pas encore reçu de financement à cet égard.

E. Chemin d'accès

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a dit que le financement à rembourser à la nation crie de Wemindji pour le projet de chemin d'accès serait soumis au Conseil du Trésor; toutefois, en février 2004, la nation crie de Wemindji n'avait pas encore reçu de réponse.

F. Nouvelles relations avec le Canada

La nation crie de Wemindji presse le gouvernement du Canada de négocier une nouvelle entente de relations avec la nation crie fondé sur la mise en oeuvre de la lettre, de l'esprit et de l'intention des obligations du gouvernement fédéral envers les Cris en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

NOTES FINALES
1 Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), Présentation à la Commission crie-naskapie, Montréal, Québec, 12 février 2004.
2 Lettre adressée au chef Billy Diamond et datée du 15 novembre 1974 par l'honorable Judd Buchanan, Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, p. 1.
3 Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Présentation à la Commission crie-naskapie - Présentée aux audiences de la Commission crie-naskapie le 10 février 2004, p. 7.
4 Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), Présentation à la Commission crie-naskapie, Montréal, Québec, 12 février 2004, p. 4.
5 Ibid., p. 11.
6 Ibid., p. 12.
7 Commission crie-naskapie, Audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre, chef David Masty, première nation Whapmagoostui.
8 Ibid., p. 2.
9 Ibid., p. 3.
10 Ibid., p. 3.
11 Mémoire présenté à la Commission crie-naskapie, Audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre, Montréal, 10 février 2004 - Présenté par le chef Robert Weistche, Cris de la première nation de Waskaganish.
12 Ibid., p. 2.
13 Ibid., p. 3.
14 Ibid., p. 3.
15 Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, article 22, paragraphe (2).
16 Mémoire présenté à la Commission crie-naskapie, Audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre, Montréal, 10 février 2004 - Présenté par le chef Robert Weistche, Cris de la première nation de Waskaganish, p. 4.


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17 Commission crie-naskapie, Audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre, 11 février 2004, Montréal, Québec - Waswanipi, Québec, 2 février 2004.
18 Ibid., p. 2.
19 Ibid., pp. 4 and 5.
20 Commission crie-naskapie, Présentation par le chef Billy Katapatuk Sr., Nation crie de Washaw Sibi, 12 février 2004.
21 Présentation de la nation crie de Mistissini aux audiences de la Commission crie-naskapie, 23 février 2004.
22 Ibid., p. 1.
23 Ibid., p. 1.
24 Ibid., p. 2.
25 Ibid., p. 3.
26 Ibid., p. 3.
27 Rapport de la Commission crie-naskapie de 2002, p. 55.
28 Présentation de la nation crie de Mistissini aux audiences de la Commission crie-naskapie, 23 février 2004, p. 7.
29 Présentation par Oujé-Bougoumou à une audience de la Commission crie-naskapie, 23 février 2004, Montréal.
30 Ibid., p. 1.
31 Ibid., p. 3.
32 Ibid., p. 3.
33 Transcriptions des audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre crie-naskapie, Communauté de Chisasibi - chef Abraham Rupert, 10 février 2004, Montréal, Québec.
34 Rapport de la Commission crie-naskapie de 2002, p. 54.
35 Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Présentation à la Commission crie-naskapie, 10 février 2004, p. 9 et 10.36 Ibid., p. 10 37 Transcriptions des audiences extraordinaires sur la mise en oeuvre crie-naskapie, Communauté de Wemindji - Mark Wadden, 10 février 2004, Montréal, Québec.


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Chapitre quatre

(Nation) Naskapie Eeyouch Kawawachikamach



Ce chapitre sur la Nation Naskapie Eeyouch Kawawachikamach doit se lire conjointement avec le chapitre 5 sur les réactions des Affaires indiennes et du Nord canadien au rapport de 2002 de la Commission crie-naskapie, soit les grandes lignes de ladite présentation ministérielle à la Commission, le 10 février 2004.

Le 12 février 2004, le chef Elijah Einish et les représentants de la Nation Naskapie Eeyouch Kawawachikamach présentait un exposé à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales de mise en œuvre, à Montréal (Québec).

Lors de leurs exposés, le chef Einish et M. John Mameamskum, directeur général de l'administration de la Nation Naskapie de Kawawachikamach, soulevaient les grands points suivants :


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1. Gestion des affaires publiques

A. Modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

La Nation Naskapie Eeyouch a indiqué, comme dans ses mémoires antérieurs, qu'elle souhaitait parvenir à une entente avec les Cris au sujet des modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et, subséquemment, présenter des propositions conjointes au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Les modifications voulues par la Nation Naskapie Eeyouch sont, notamment, les suivantes :

a) « abaisser certains quorums;

b) permettre aux agents chargés de l'exécution de la loi de délivrer des billets, au lieu d'assignations en vertu du Code criminel, à ceux qui contreviennent aux règlements administratifs de la Nation Naskapie; c) autoriser une modification permettant au Conseil de faire ses affaires sans convoquer une réunion dans certaines circonstances »2.

B. Modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec au titre du projet de loi C-23

La situation relative à cette question demeure inchangée, car les modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne sont pas en vigueur par suite de l'absence d'entente entre le Canada, les Cris et les Naskapis au sujet de la réglementation définissant " conjoints ", selon le projet de loi C-23 - Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations.

C. Révision de l'article 10 de la Convention du Nord-Est québécois Lors de son exposé de 2002 à la Commission, les Naskapis ont indiqué qu'ils s'attendaient à ce que le Canada consente à une modification, par accord auxiliaire à l'article 10 de la Convention du Nord-Est québécois, relativement à l'admissibilité de certains Naskapis à obtenir des services sociaux et de santé au CLSC Naskapi. L'accord auxiliaire à ce sujet a été signé par la Naskapi Landholding Corporation. Cet accord doit maintenant être signé par les représentants du Québec et du Canada.

D. Révision de l'article 11 de la Convention du Nord-Est québécois

Les parties intéressées n'ont pas progressé de façon significative sur ce point depuis la présentation de 2002 des Naskapis à la Commission. Les Naskapis espèrent que cette révision se fera dans le cadre des négociations avec le Québec, portant sur une entente de partenariat.

E. Commission du Nunavik

En mars 2001, la Commission du Nunavik publiait son rapport contenant ses recommandations pour les négociations et pour la création du gouvernement du Nunavik. Les négociations subséquentes entre les Inuits du Québec, le gouvernement du Canada et celui du Québec ont


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mené à un accord-cadre en 2003. En ce qui concerne les Naskapis, « rien de considérable n'a été fait par le Canada ou une autre partie en vue de répondre aux préoccupations fondamentales et légitimes de la Nation au cours des 16 dernières années »3.

Les Naskapis veulent savoir ce que la Commission a fait pour intervenir en leur nom à propos de leurs droits et inquiétudes. En réponse à cette demande, la Commission a informé la Nation Naskapie, par lettre au chef Elijah Einish en date du 22 mars 2004; ce document traitait des mesures prises par la Commission pour intervenir au nom de la Nation Naskapie, quant à ses droits et intérêts.

La Nation Naskapie demande tout de même à la Commission « d'intervenir vigoureusement et publiquement pour appuyer nos droits et intérêt »4.

2. Maintien de l'ordre

La Nation Naskapie n'a pas d'entente tripartite de maintien de l'ordre depuis avril 2000 à cause du désaccord persistant qui entoure la partage des coûts entre le Québec et le Canada. Depuis le 25 janvier 2004, le Canada et le Québec assurent les Naskapis qu'ils sont prêts à signer une entente tripartite de maintien de l'ordre.

3. Collectivité

A. Approvisionnement en électricité

Dans son rapport de 2002, la Commission recommandait que le « le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien... assume ses responsabilités en matière d'approvisionnement en électricité à Kawawachikamach »5.

La Nation Naskapie souligne le manque d'appui du Ministère et de la Commission à ce sujet.

En guise de réponse, la Commission a informé la Nation Naskapie, par lettre au chef Elijah Einish en date du 22 mars 2004; ce document traitait des mesures prises par la Commission pour intervenir au nom de la Nation Naskapie à ce propos.

La Nation Naskapie de Kawawachikamach affirme que le Québec a autorisé Hydro-Québec à agir au nom du gouvernement. Hydro-Québec peut devenir propriétaire de l'infrastructure de transmission et de distribution se trouvant au Québec et accorder un contrat à une entreprise naskapie/innu, aux fins de l'exploitation et de l'entretien. En outre, une convention de principe a été signée avec Terre-Neuve et Labrador Hydro, par laquelle une entreprise autochtone louerait et moderniserait la centrale électrique et l'infrastructure de transmission se trouvant au Labrador.

B. Logement

Le déclin du financement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, financement devant servir à la construction de maisons, et le nombre croissant de commandes inexécutées a compliqué la situation du logement à Kawawachikamach.


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Les Naskapis veulent savoir si la Commission est « intervenue auprès des autorités fédérales responsables afin d'assurer un financement adéquat pour répondre aux besoins de logement de la Nation »6. En réponse à cette demande, la Commission a informé la Nation Naskapie, et ce, par lettre adressée au chef Elijah Einish en date du 22 mars 2004, au sujet des mesures prises par la Commission afin d'intervenir auprès des autorités fédérales responsables.

C. Perte du mode de vie traditionnel

M. Philip Einish, Jr., aîné de Kawawachikamach, a manifesté de l'inquiétude au sujet de la disparition de la culture, de la langue et du mode vie traditionnel des Eeyou.

4. Commentaires supplémentaires

Le chef Elijah Einish et d'autres représentants de la Nation Naskapie de Kawawachika-mach ont présenté un mémoire additionnel7 contenant de nouveaux commentaires en rapport avec la présentation du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à la Commission crienaskapie, le 10 février 2004. Ledit mémoire contient des commentaires sur les points suivants :

A. Processus de négociation relatif à la création du gouvernement du Nunavik

La Nation Naskapie conteste l'exposé du Canada. Les Naskapis sont outragés par l'utilisation que le Canada fait du mot " Nunavik ", lequel signifie " notre terre " en inuktitut. Le terme englobe les terres au nord du 55e parallèle, y compris le territoire historique et traditionnel de la Nation Naskapie. Clairement, selon les Naskapis, le gouvernement du Canada ne s'est pas « acquitté de ses responsabilités, à savoir veiller à ce que nos droits autochtones et ceux de nos traités soient respectés »'8.

Contrairement à ce que dit l'exposé du Canada à la Commission, les Naskapis ne croient pas qu'il y ait eu un progrès quelconque dans ce domaine.

Aux yeux des Naskapis, la « suggestion du Canada en faveur d'un groupe de travail de bas niveau comprenant le Canada, le Québec, les Inuits et nous-mêmes, est totalement inadéquat pour nos demandes légitimes »9.

B. Logement

Les Naskapis ne sont pas d'accord avec la position du Canada telle qu'elle est formulée dans son exposé, à savoir que du financement additionnel ne résoudra pas les problèmes de logement dans les collectivités cries et naskapies.

Les Naskapis se voient comme des chefs dans la conception et la construction des maisons qui dépassent les normes applicables. Par conséquent, presque les deux tiers des logements de Kawawachikamach ont déjà plus de 20 ans. Ce que suggère le Canada, c'est-à-dire que la moyenne nationale de 20 ans pour la durée d'une maison vaut pour Kawawachikamach, est inexact.


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En outre, étant donné les hauts niveaux de chômage dans la région de Schefferville, « il n'y a pas de raison de croire qu'un effort supérieur pour encourager le marché résidentiel privé n'aurait guère plus qu'une répercussion insignifiante sur le besoin de logement »10.

La Nation Naskapie croient qu'un financement additionnel est la seule solution à la crise du logement à Kawawachikamach.

NOTES FINALES
1 Mémoire présenté à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales de mise en œuvre, à Montréal, le 12 février 2004 - par la Nation Naskapie de Kawawachikamach.
2 Ibid., p. 6.
3 Ibid., p. 7.
4 Ibid., p. 7.
5 Rapport 2002 de la Commission crie-naskapie, p. 52.
6 Mémoire présenté à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales de mise en œuvre, à Montréal, le 12 février 2004 - par la Nation Naskapie de Kawawachikamach, p. 10.
7 Mémoire présenté à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales de mise en œuvre, à Montréal, le 12 février 2004 - par la Nation Naskapie de Kawawachikamach.
8 Ibid., p. 1.
9 Ibid., p. 1.
10 Ibid., p. 2.



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Chapitre cinq

Réponse du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien



CONTEXTE
En préparation de chaque rapport biennal depuis son premier rapport en 1986, la Commission crie-naskapie organise des audiences publiques complètes au cours desquelles chaque Première nation crie et naskapie ainsi que d'autres parties intéressées ont la possibilité de présenter les questions et préoccupations importantes pour eux. En règle générale, les personnes qui font des présentations évaluent que les dossiers qu'ils portent à l'attention de la Commission sont sérieux et qu'en général, d'autres méthodes de règlement efficaces ne sont pas facilement à leur disposition. La Commission a décidé que les présentations faites au cours des audiences méritent d'être traitées avec respect et qu'on doit les évaluer sérieusement. Après des recherches et analyses, la grande majorité des questions soulevées lors des audiences sont présentées dans les rapports biennaux. L'expérience nous a démontré que, pour cette raison, les intervenants présentent seulement des questions sérieuses, ils préparent leurs présentations avec une diligence louable et ils s'attendent à ce que leurs problèmes soient abordés de façon adéquate.

Au fil des ans, bien qu'il y ait eu une variété de questions précises soulevées, il y a aussi eu un certain nombre de thèmes constants, surtout en ce qui a trait aux questions plus larges. Ces thèmes comprennent notamment :

a.     le besoin de meilleurs mécanismes et processus pour mettre en oeuvre la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois;

b.     un processus plus efficace pour la détermination et la prestation ponctuelles du fonds d'exploitation et d'entretien;

c.     le besoin critique de ressources adéquates pour le logement;

d.     le besoin de soutien accru pour le développement économique et communautaire;

e.     le bien-fondé d'avoir des structures et des processus efficaces pour le règlement des conflits;

f.     l'importance et la reconnaissance du rôle des lois traditionnelles et coutumières;

g.     le besoin d'amendements à apporter à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) pour qu'elle soit à jour en se basant sur l'expérience de la gouvernance des gouvernements cris et naskapis au cours des vingt dernières années.

Il n'est pas surprenant que la plupart des questions portées à l'attention de la Commission ne sont pas conçues pour être des messages de félicitations à l'égard du ministère des Affaires indiennes ou des gouvernements cris et naskapis (non plus, en fait, au sujet de la Commission elle-même). Au fil du temps, plusieurs individus, Premières nations et même le gouvernement du Canada ont présenté à la Commission ce que nous pouvons seulement qualifier de " plaintes ".


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Il s'ensuit donc qu'un nombre considérable de conclusions et de recommandations de la Commission découle de ces " plaintes ". La Commission a toujours espéré que les recommandations sont interprétées comme suggestions en vue d'améliorer la situation et non simplement comme critiques. Peu de gens aiment se faire critiquer et souvent, les gens réagissent en fustigeant les autres ou en tentant d'ignorer les problèmes.

Réactions du ministère, 1986 à 2002 Les réactions du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à la suite des rapports de la Commission ont évolué au fil du temps. Du premier rapport en 1986 au rapport présenté en 1998, le ministère a tout simplement ignoré les conclusions et les recommandations présentées dans les rapports et les représentants du ministère affirmaient souvent que la Commission tentait d'assommer les fonctionnaires fédéraux ou qu'elle avait des préjugés en faveur des Cris et des Naskapis. (Il faut noter que les ministres ne se sont pas joints à leurs fonctionnaires en réagissant de cette façon). En tout cas, le ministère n'a pas réagi pour s'occuper des dossiers importants présentés dans le rapport et ce, pendant 16 ans.

Cette absence de réaction semblait quelque peu difficile à comprendre dans le contexte de la responsabilité de rendre compte et de la façon dont cette responsabilité est devenue une obligation en vertu de la législation. Des négociations longues et complexes ont mené à la signature, en 1975, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et peu après, de la Convention du Nord-Est québécois, les premiers traités des temps modernes au Canada. Ces documents sont par la suite devenus enchâssés dans la constitution grâce aux amendements de 1982. Les conventions prévoyaient, entre autres choses, l'adoption d'une loi pour remplacer la Loi sur les Indiens pour autant qu'elle s'appliquait aux nations cries et naskapies. Après d'autres négociations complexes, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée. Dans la partie XII, cette loi a créé la Commission crie-naskapie, dont une des responsabilités est de préparer un rapport aux deux ans sur la mise en oeuvre de la Loi. En préparation de ce rapport, la Commission organise des audiences publiques pour permettre aux nations cries et naskapies, au ministère et à autres parties intéressées de faire des présentations détaillées sur leurs problèmes et préoccupations. Il est ensuite nécessaire de présenter le rapport au ministre qui doit le déposer à la Chambre des communes et au Sénat. La Chambre des communes, par règlement, réfère ensuite le rapport à son comité permanent aux fins d'examen détaillé. Le fait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est responsable de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ait choisi de simplement ignorer les rapports préparés dans ce contexte a certainement soulevé des préoccupations sérieuses.

Après une décennie sans impact ou marquée par peu d'impact de leurs présentations aux audiences de la Commission, certaines communautés ont commencé à questionner s'il valait la peine de faire des recherches, de préparer et de présenter des documents détaillés dans le cadre des audiences de la Commission. À maintes reprises, le leadership cri et naskapi a demandé des réponses du ministère concernant le rapport. Dans une instance, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) s'est joint aux commissaires pour rencontrer le ministre et ils ont exigé des réponses officielles. Le ministre s'est engagé à répondre dans un court délai mais aucune réponse n'a suivi.


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Après le Rapport 1998 et parce que les fonctionnaires n'ont pas donné suite à l'engagement du ministre noté plus haut, les commissaires ont décidé qu'il était nécessaire qu'ils deviennent beaucoup plus proactifs pour assurer le suivi de leurs recommandations. Les commissaires étaient d'avis que leur responsabilité conférée par la loi de rendre compte au ministre ainsi qu'au Parlement sous-entendait nécessairement une responsabilité concomitante de la part du gouvernement pour s'occuper des recommandations contenues dans les rapports. Nous croyions aussi qu'un respect fondamental pour les personnes se présentant aux audiences de la commission exigeait que les préoccupations et questions soient prises au sérieux. En tenant compte de ces considérations, la Commission a entrepris plusieurs initiatives importantes pour obtenir une réaction du gouvernement. Les activités plus précises ont été les suivantes :

a. suivi avec le ministre et les représentants du ministère;

b. suivi avec les gouvernements cris et naskapis;

c. présentations aux comités parlementaires et réunions individuelles avec des députés et sénateurs;

d. suivi avec des tiers intéressés et

e. préparation et distribution de documents de discussion sur les recommandations plus complexes.

Après le Rapport 1998, deux années se sont écoulées deux ans avant que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien réponde, mais le 11 février 2000 (au cours des audiences spéciales sur la mise en oeuvre pour le Rapport 2000), le ministère a réagi. Les réponses ont été données de façon verbale et, malheureusement elles n'étaient pas précises dans le cas de 12 recommandations. Le ministère a laissé de côté une autre série de 29 recommandations en affirmant qu'elles " n'étaient pas directement liées " ou encore " " pas nécessairement liées " à la mise en oeuvre de la Loi.

En raison du refus du ministère d'aborder substantiellement la plupart des recommandations présentées dans le Rapport 1998, les commissaires ont décidé d'adopter des processus de suivi plus proactifs pour donner suite aux recommandations du Rapport 2000. Le plus efficace de ces processus a été d'obtenir l'aide du comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires autochtones, le développement du Nord et les ressources naturelles pour que les questions soulevées par les nations cries et naskapies et abordées dans nos recommandations soient abordées par le ministère. En fait, le comité permanent a effectué une audience complète sur la question et, après avoir évalué les options, a écrit au ministre l'exhortant de présenter une réaction ponctuelle aux recommandations. Finalement, en janvier 2002, une réponse écrite a été transmise au président du comité (plus de deux ans après la première promesse de réponse du ministre).

Bien qu'il s'agissait d'une amélioration par rapport à la pratique précédente de ne pas fournir de réponse par écrit, la lettre du ministère suscité un certain désappointement. Des 34 recommandations présentées, la réponse à 19 de ces dernières expliquait qu'elles étaient " jugées au-delà du mandat précis conféré par la législation à la Commission. " On n'a tout simplement pas tenu compte de plusieurs autres recommandations en affirmant qu'elles ne comprenaient pas " la marque officielle d'intérêt " de la part des Cris et/ou des Naskapis.


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Réaction du ministère au Rapport 2002 de la Commission
La réponse du ministère à la suite du Rapport 2002 a marqué une approche nouvelle et complètement différente. Le directeur du Bureau de mise en oeuvre de la Baie James et du Nord du Québec a comparu à l'audition spéciale sur la mise en oeuvre qui a eu lieu le 10 février 2004 et a fourni des réponses précises pour chacune des 20 recommandations présentées dans le Rapport 2002. Aucune réponse n'a suggéré que certaines recommandations « n'étaient pas nécessairement liées » à la mise en oeuvre ni que certaines recommandations étaient « jugées au-delà du mandat précis conféré par la législation à la Commission ».

Le fait que tout ceci représentait une approche modifiée de la relation avec la Commission ainsi qu'avec les collectivités a été reconnu explicitement. Le directeur, parlant au nom du ministère a affirmé : « Nous voulons améliorer la relation entre AINC, la CCN, les nations cries et naskapies. » Plus tard, il a ajouté : « et nous espérons ainsi que vous reconnaissez que nous voudrions que la situation soit différente, la voie du changement dans une bureaucratie est rarement directe et constante. » Il a ensuite poursuivi en fournissant des réponses précises pour chacune des recommandations contenues dans le Rapport 2002 de la Commission crie-naskapie.

Comme nous l'avons noté dans notre dernier rapport, les commissaires sont d'avis que les peuples sont les meilleurs porte-parole personnels. En tenant compte de ceci, le texte complet révisé des réponses du ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord au sujet des recommandations présentées dans le Rapport 2002 est le suivant :

Texte révisé de la réponse du ministère

1. La relation entre le Canada et la nation crie

Les recommandations 1, 12, 13 et 19 du Rapport 2002 de la CCN représentent ensemble une préoccupation au sujet de la relation entre la nation crie et le gouvernement du Canada. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) est d'avis que la CCN pense « que nous devons tous :

a) Reconnaître la nécessité de redéfinir l'autonomie autogouvernementale crie

b) Entreprendre ce processus de redéfinition et forger une nouvelle relation qui ressemble plus à la nouvelle relation avec le Québec

c) Au cours du processus de redéfinition ou après que la nouvelle définition sera terminée, examiner la Loi et la réviser le cas échéant

d) Clarifier le mandat de la CCN, aborder les questions non résolues des années antérieures

e) Assurer que des processus intégrés sont utilisés et que des fonds adéquats sont affectés à toutes ces tâches1 ».


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M. Michel Blondin, représentant d'AINC a répondu ce qui suit :

« Nous sommes d'accord qu'il s'agit des buts en vue desquels nous devrions travailler et nous avons déployé des efforts considérables pour que ceci arrive. Suite à la proposition du Grand chef Moses de juin 2002 et des détails supplémentaires fournis par les représentants cris en janvier 2003, les équipes de négociation entre les Cris et le fédéral se sont rencontrées dix fois au cours de l'année 2003 pour discuter des propositions des Cris... Je dois expliquer que les Cris ont proposé que le Canada fasse des changements de grande envergure à plusieurs domaines couverts par la CBJNQ.

À cause de cette situation, nous avons soumis nos recommandations à notre ministre pour obtenir un mandat de négociation du fédéral avec les Cris. Lorsque nous obtiendrons le mandat de négociation que nous demandons, nous travaillerons avec les Cris pour établir un processus de négociation qui reconnaîtra et respectera la façon dont toutes les recommandations que j'ai présentées au début sont interreliées »2 .

2. Incorporation des Cris Oujé-Bougoumou et transfert des terres

Les recommandations 2 et 11 du rapport de la CCN 2002 aborde ces questions. Le représentant d'AINC a répondu ce qui suit :

« Un travail considérable a été réalisé sur cette question. Depuis décembre 2002, j'ai participé à un groupe de travail tripartite, composé de représentants des nations cris oujé-bougoumou et mistissini, du gouvernement du Québec et du Canada qui s'est rencontré régulièrement…

Ce groupe doit surmonter deux défis : d'une part, comment s'occuper du transfert des terres et d'autre part, le contenu de l'accord complémentaire…

Le transfert des terres présente un défi étant donné que les personnes qui ont voté au cours des deux référendums qui ont eu lieu à Mistissini au fil des ans - le dernier en janvier 2003 - n'ont pas appuyé la proposition visant à effectuer le transfert des terres. Les représentants de Mistissini ont expliqué les difficultés à obtenir un nou veau vote. Au cours des derniers mois, nous avons consulté Justice Canada pour trouver une solution à ce problème et j'ai confiance que nous sommes près d'une solution qui sera à la satisfaction de toutes les parties…

Le deuxième problème est plus difficile. Dans l'accord complémentaire, le Canada ne s'attendait pas à aborder autant de détails que l'ont proposé les Cris. Et cette ques tion est aussi l'objet d'un recours en justice des Cris, qui a récemment été amendé et élargi, l'ajout de nombreux détails dans l'accord complémentaire provisoire est problématique. Toutefois, les deux parties intéressées font preuve de bonne volonté et j'ai confiance que nous pouvons surmonter nos différences...



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Le travail sur un amendement à la Loi sur les Cris et les Naskapis devrait se poursuivre à court terme, à moins que les parties conviennent qu'il serait mieux d'attendre d'autres amendements importants à cette loi »3 .

3. Processus de négociation sur l'établissement d'un gouvernement au Nunavik

Dans son rapport 2002, la CCN a fait cette recommandation : 7laquo; Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la nation naskapie de Kawawachikamach devraient réviser le processus actuel de négociations concernant l'établissement possible d'un gouvernement du Nunavik et déterminer comment les droits et intérêts des Naskapis peuvent être mieux protégés. »

AINC a répondu que les membres de la Commission tripartie pour l'établissement d'un gouvernement du Nunavik s'étaient rendus à Kawawachikamach et « avaient assuré les peuples naskapis que leurs droits ne seraient pas compromis »4.

De plus, « Le Canada a pris l'initiative d'organiser une réunion entre les Naskapis, les Inuits, le Québec et le Canada dans la ville de Québec le 7 février 2003…. Aucune décision précise n'a été prise au cours de la réunion. À la lumière du résultat de cette réunion, les représentants naskapis ont envoyé une lettre à toutes les parties impliquées, leur expliquant que leurs préoccupations n'étaient pas encore réglées...

Cette lettre a entraîné une réunion entre les Naskapis et le Canada le 14 janvier 2004 pour discuter de l'établissement d'un groupe de travail qui serait composé de représentants du Canada, du Québec, des Inuits et des Naskapis. Le Chef nouvellement élu des Naskapis discutera de cette question à la prochaine réunion du conseil des Naskapis. Nous attendons leur décision et demeurons prêts et engagés à participer à ce processus »5.

4. Services de maintien de l'ordre pour les Naskapis

La recommandation 4 du rapport 2002 est la suivante :

« Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la nation naskapie de Kawawachikamach devraient réviser l'accord de financement relatif aux services de maintien de l'ordre de Kawawchikamach et trouver une solution possible pour résoudre le conflit du partage des coûts. La Commission reconnaît que la participation du Québec est requise dans ce processus ».

Le représentant d'AINC a expliqué ce qui suit :

« D'après ce que je comprends, cette question est maintenant réglée. Avant, les services de maintien de l'ordre étaient assurés en vertu de deux ententes bipartites : une entre la nation naskapie et le gouvernement du Québec et une autre entre les Naskapis et le ministère du Solliciteur général du Canada. Pour l'avenir, des



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négociations ont été entreprises pour conclure plutôt une entente tripartite, dans le cadre de laquelle le Canada fournira 52 % du financement pour les services policiers tandis que le Québec fournira 48 %. Je crois que ces négociations se déroulent bien et que la nouvelle entente tripartite sera signée sous peu. Nous resterons en contact avec les représentants du olliciteur général du Canada pour surveiller cette entente et d'autres ententes de services policiers pour les Cris et les Inuits »6 .

5. Approvisionnement en électricitédes Naskapis

La recommandation 5 du rapport 2002 de la CCN était la suivante : « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien doit s'acquitter de ses responsabilités en ce qui concerne l'approvisionnement de Kawawachikamach en électricité ».

Le représentant du ministère a répondu ce qui suit :

« Nous pensons que la solution de cette question exige des négociations complexes entre le Canada, les Naskapis et le Québec. Il ne s'agit pas d'une question sur laquelle j'ai pu passer assez de temps et j'espère que cette situation pourra être corrigée dans un avenir rapproché »7 .

6. Habitations

La CCN a recommandé l'affectation d'un financement adéquat pour répondre aux besoins actuels et futurs de la nation naskapie en matière de logement ainsi qu'un examen des besoins en logement des peuples cris. (recommandations 6 et 8 du Rapport 2002 de la CCN)

AINC a répondu ce qui suit :

« L'absence de logement adéquat est en effet un problème sérieux dans la plupart des collectivités cries et naskapies, comme ce l'est dans la plus grande partie des collectivités autochtones nordiques à travers le pays. Les incidences de la situation du logement sont profondes et d'une grande portée. Toutefois, dans le cas des Cris, il existe une complication supplémentaire en ce sens qu'ils ont souvent revendiqué un droit spécial en matière de logement en vertu de la CBJNQ. Le Canada n'est pas d'accord mais j'assurerai qu'ils auront


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accès aux programmes fédéraux en matière de logement de la même manière que les autres Indiens sur les réserves à travers le Canada. Ceci dit, je ne pense pas que des fonds supplémentaires, que les Cris aient un droit spécial ou non à cet égard, régleront les problèmes de logement dans les collectivités cries et naskapies. Le ministère aimerait voir un effort plus concerté pour s'attaquer au logement de façon plus complète, notamment :

a) De plus grands efforts pour planifier les collectivités et leurs logements de manière adéquate, surtout étant donné le contexte nordique. La division de la recherche de la Société canadienne d'hypothèques et de logement a préparé un matériel remarquable à cet effet;

b) De plus grands efforts pour limiter l'accès au logement social seulement aux familles qui en ont besoin et un plus grand appui au marché privé du logement pour les gens qui ont de meilleurs moyens financiers. Ceci devrait inclure des initiatives non financières comme la prestation d'un cadre juridique pour donner accès à des hypothèques aux personnes qui en ont les moyens;

c) Poursuivre les efforts communautaires pour aller chercher autant de développement économique qu'il est possible en matière d'infrastructures et de construction de logements.

Ensemble, ces mesures, et d'autres mesures le cas échéant, devraient viser à étendre la vie des logements d'une moyenne actuelle de moins de 20 ans à plus de 50 ans. Ceci est la clé, Sans cette solution, les chances sont minimes de pouvoir résoudre la crise du logement.

C'est dans ce contexte que le ministère a l'intention de s'attaquer au problème du logement dans les collectivités cries et naskapies, comme priorité en 2004 "8.

7. Révision de la formule de financement pour l'exploitation et l'entretien

La CCN a fait la recommandation suivante : « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la nation crie d'Eeyou Istchee devraient examiner la formule de financement pour le fonctionnement et l'entretien en vue d'y intégrer des ressources financières pour répondre aux nouveaux besoins qui n'étaient pas pris en compte en 1984. » (recommandation 7 du rapport 2002 de la CCN).

AINC a confirmé que « l'examen que vous avez recommandé est adéquat. Cet examen sera réalisé au cours des prochains mois comme partie intégrante de la renégociation de l'entente E&E de 1995. Toutefois, le Canada juge essentiel qu'en même temps, nous évaluions la capacité financière pour s'attaquer à de nouveaux besoins qui non pas été envisagés en 1984. Les parties devraient aussi examiner à quoi sert le financement actuel. Enfin, le Canada voudra aussi examiner la capacité des Premières nations de produire ses propres revenus, comme cela a été fait dans les années 1980 lorsque les subventions originales ont été négociées.

Le renouvellement de l'entente E&E de 1995 a été retardé pour une variété de raisons de la part d'une partie ou de l'autre au cours des dernières années. Toutefois, je pense que les


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parties sont maintenant prêtes à aller de l'avant avec cette négociation et j'espère que nous pourrons la conclure en 2004 »9.

8. Garanties ministérielles en matière de logement

La CCN a fait la recommandation suivante : « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait négocier de bonne foi avec les Cris de la Première nation de Waskaganish en vue de régler le conflit entourant les garanties ministérielles pour les projets de construction de logements. » (recommandation 9 du Rapport 2002 de la CCN)

Le représentant d'AINC était d'avis que cette question était réglée mais a décidé de la porter à l'attention du Chef Weistche « pour assurer qu'il n'y a pas de problème résiduel »10.

9. Approvisionnement de Waskaganish en électricité

La Commission a fait la recommandation suivante : " Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien doit s'acquitter de ses responsabilités et obligations et fournir aux Cris de la Première nation de Waskaganish une quantité d'électricité suffisante pour répondre à leurs besoins. " (recommandation 10 du Rapport 2002 de la CCN)

Le ministère a répondu ce qui suit :

« L'historique de cette question est long et complexe. AINC a produit et distribué l'électricité à la collectivité de Waskaganish pendant plus de 30 ans. Au cours de cette période, plusieurs tentatives ont été effectuées en vue de transférer à Hydro- Québec, la responsabilité de l'énergie hydroélectrique pour la collectivité.

En 2002, comme partie intégrante de l'Accord de la nouvelle relation avec Québec, Hydro-Québec s'est engagé à construire une ligne de transport d'énergie à Waskaganish d'ici décembre 2006 au plus tard, sans implication financière de la part du Canada. Nous nous attendons à ce que la ligne soit construite comme le prévoit l'engagement. Je désire rassurer la collectivité de Waskaganish et la Commission que le Canada va collaborer avec le Conseil de Waskaganish et Hydro-Québec pour assurer que le réseau local de distribution d'électricité sera prêt à être connecté à la ligne de transport d'énergie et que le Canada s'occupera de l'enlèvement du matériel de production, y compris le nettoyage nécessaire, comme il l'a fait dans d'autres collectivités cries. À nouveau, je porterai cette question à l'attention du Chef Weistche dès que possible afin de le rassurer à ce sujet »11 .

10. Transfert des terres du Bloc D à la nation crie de Chisasibi

La recommandation 14 du Rapport 2002 de la CCN était la suivante : « Le Canada doit exercer ses responsabilités et veiller au transfert adéquat des terres du Bloc D, réservées à l'intention et à l'utilisation exclusives de la nation crie de Chisasibi. »


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AINC a répondu ce qui suit :

« Je veux assurer la Commission que le ministère continue à appuyer le gouvernement provincial et le Conseil de Chisasibi pour effectuer ce transfert de l'administration des terres. Toutefois, en ce faisant, il doit aussi assurer que les terres transférées sont sans danger pour l'environnement.... De vives indications portent à croire qu'une très petite portion des terres, y compris la piste d'atterrissage, a été contaminée à cause des antécédents industriels du site et de son utilisation actuelle comme piste d'atterrissage. On appelle maintenant cette petite parcelle de terrain le "rectangle rouge".

Toutes les parties impliquées se sont entendues qu'il est nécessaire d'effectuer une étude environnementale des terres. Le cadre de référence pour cette étude a déjà été préparé par Québec qui conclura une entente contractuelle pour ce travail. Nous nous sommes fait dire que le contrat sera adjugé et que le travail de l'étude environne mentale devrait débuter à la fin avril. Un rapport préliminaire est prévu pour la fin juin 2004 et le rapport final sera remis en novembre 2004.

Toutes les parties ont convenu que si le rapport préliminaire, qui doit être présenté à la fin juin, fait ressortir des niveaux relativement faibles de contamination... le Canada amorcera alors immédiatement l'arpentage des terres du Bloc D. Lorsque cet arpentage sera réalisé, les représentants provinciaux prépareront un décret en conseil par lequel le transfert complet des terres sera effectué.

Toutes les parties sont aussi d'accord que si le rapport préliminaire démontre qu'il y a contamination à l'intérieur du rectangle rouge, mais des niveaux relativement faibles de contamination à l'extérieur de ce rectangle, les mêmes étapes seront aussi suivies pour effectuer plutôt un transfert partiel qui comprendra toutes les terres sauf le rectangle rouge. Ensuite, lorsque le rectangle rouge sera décontaminé, ce qui prendra probablement un certain nombre d'années, un arpentage sera réalisé et un décret en conseil sera préparé pour transférer cette parcelle de terre, ce qui terminera le transfert complet des terres du Bloc D à la nation Chisasibi.

Il est regrettable que ce transfert de terres ne puisse pas se réaliser plus rapidement. Toutefois, nous continuerons de participer activement aux réunions à ce sujet pour assurer de garder les délais au minimum nécessaire »12 .

11. Besoins en formation

Comme les gouvernements cris font continuellement face à de nouveaux besoins et demandes en matière de responsabilités administratives, la recommandation # 5 du Rapport 2002 précisait ce qui suit : « Le gouvernement du Canada doit répondre à ces besoins en créant de nouveaux programmes de formation et en augmentant les occasions de formation actuelles. »


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AINC a répondu ce qui suit :

« Nous sommes d'accord que l'autonomie gouvernementale exige que les fournisseurs de services soient bien formés. En 2001, l'Administration régionale crie, Développement des ressources humaines Canada et mon ministère ont conclu une entente de cinq ans pour le perfectionnement des ressources humaines dans le territoire. Je comprends que la mise en place, par l'ARC, des structures et du personnel a pris un certain temps, mais je pense qu'elle est maintenant capable d'aider les gouvernements cris régionaux et locaux par rapport à leurs besoins de formation. En tout cas, je vais demander à l'agent ministériel responsable de cette entente d'évaluer la question avec les représentants de DRHC et des Cris aussitôt qu'il sera possible. De plus, j'ai l'intention de faire un suivi avec les gouvernements régionaux et locaux sur cette question lors des nouvelles négociations pour l'accord sur l'exploitation et l'entretien »13 .

12. Plan de ville et expansion de la communauté de Whapmagoostui

Dans sa recommandation 16, la CCN a recommandé ce qui suit : " Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Première nation de Whapmagoostui devraient examiner le plan communautaire et déterminer comment sera financée l'expansion de la communauté, selon les aspirations des Eeyouch de Whapmagoostui. "

La réponse du ministère a été la suivante :

« Ceci a fait l'objet de discussions lors d'une réunion entre les représentants du ministère et de l'ARC en novembre 2003.... Au cours de notre réunion en novembre, les deux parties ont convenu que l'expansion à Whapmagoostui sera tout un défi parce que le sol est très rocailleux. Ceci complique les projets d'ingénierie et augmente les dépenses liées à l'expansion communautaire. Reconnaissant qu'une inspection sur place sera utile pour déterminer ce qui doit être fait et le coût du



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projet, les deux parties se sont entendues pour que des arrangements soient être faits pour que des représentants du ministère visitent Whapmagoostui au cours des prochains mois. Au cours de cette visite, nous tenterons aussi d'établir un plan d'action avec le Chef et le Conseil de Whapmagoostui pour s'attaquer à la question à long terme »14 .

13. Administration ponctuelle de la justice

La 17e recommandation du Rapport 2002 de la CCN était la suivante :
« Puisque l'administration de la justice est une fonction et une question qui relève clairement de l'administration locale, la Commission recommande que le Comité consultatif judiciaire visé par le paragraphe 18.0.37 de l'article 18 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois se penche sur la nécessité d'une administration opportune du processus judiciaire pour les communautés cries. Bien que, dans ce cas-ci, l'administration de la justice soit considérée comme étant une question de compétence provinciale, le Canada doit veiller à ce que les droits constitutionnels et conventionnels des Cris soient respectés dans le cadre de ce processus. »

La réponse d'AINC a été la suivante :

« Le Canada a appris récemment que des représentants des Cris discutent des domaines judiciaires de façon bilatérale avec Québec et qu'ils ont approché le gouvernement provincial pour qu'il prenne part à ces discussions. De plus, ceci pourra devenir un sujet de négociation entre les Cris et le Canada si les négociations pour une entente globale débutent en 2004 »15 .

14. Reconnaissance de Washaw Sibi Eeyou

Dans la recommandation 18, la CCN proposait que :
« Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les Cris de la Première nation de Waskaganish devraient déterminer, en collaboration avec les Eeyou de Washaw Sibi, la faisabilité et la viabilité de l'objectif des Eeyou de Washaw Sibi d'être reconnus comme membres à part entière de la nation crie d'Eeyou Istchee et comme bénéficiaires à part entière de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et d'autres conventions connexes. En ce qui a trait à ces questions, la participation du gouvernement du Québec est requise. »

La réponse du ministère a été la suivante :

« En 2003, un certain nombre de réunions ont eu lieu entre le ministère et des représentants des WSE. Les activités ont englobé des réunions entre des hauts dirigeants des deux groupes et des réunions de personnel technique des deux groupes Une de ces réunions a eu lieu sur place pour assurer que les gestionnaires ministériels - et j'étais une de ces personnes - pourraient rencontrer et se mêler à ces personnes des WSE et obtenir leur point de vue directement.



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Au tout début de ces discussions, les deux parties ont convenu que le règlement de cette question exigera une négociation à long terme. En évaluant la demande des WSE, le Canada devra aussi tenir compte des intérêts de la communauté algonquine Pikogan.

L'année dernière, les deux parties se sont entendues pour proposer un certain nombre de projets à court terme qui aideraient le groupe ou les individus de ce groupe à régler leurs préoccupations les plus pressantes. Un des projets discutés était une initiative de deux ans avec Développement économique Canada, par lequel un poste à plein temps serait créé et financé pour identifier et évaluer les possibilités économiques.

Il nous fait plaisir d'annoncer que ce projet a été approuvé le 23 janvier 2004. Un autre projet qui a été discuté était le développement et la prestation d'un programme sur la langue crie pour les enfants des WSE. Nous avons communiqué avec le MEQ pour leur communiquer ce projet et nous continuerons à évaluer le projet avec les WSE et le MEQ.

En plus de rencontrer différents représentants des WSE, des représentants du ministère ont aussi rencontré le Chef et le Conseil de la communauté algonquine Pikogan afin de mieux comprendre leur point de vue sur cette question et de se familiariser avec le genre de préoccupations que pourrait avoir cette communauté au sujet du désir des WSE de se faire reconnaître en vertu de la CBJNQ.

Finalement, à l'automne 2003, des représentants du BMOBJ ont rencontré des représentants du Québec pour discuter de cette question. Les deux parties ont convenu que la prochaine réunion à ce sujet devrait être une réunion tripartite et nous attendons maintenant la réponse des WSE avant d'organiser cette réunion »16 .

15. Endettement et imputabilité

Le dernière recommandation de la CCN dans son rapport 2002 était la suivante : " La Commission crie-naskapie devrait discuter et discutera avec les Cris, les Naskapis et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, d'une enquête éventuelle, par la Commission, sur les causes sous-jacentes de ce que le Ministère considère comme étant des problèmes majeurs au niveau de l''imputabilité' et de l''endettement'. Une telle enquête aurait pour objectif de fournir, à toutes les parties, des recommandations sur la façon dont on devrait aborder ces questions. Cette enquête serait menée conformément à l'alinéa 165 (1)(b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. "


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La réponse du ministère a été la suivante :

« La Commission a effectué son enquête et présenté un rapport d'enquête sur les commentaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord au sujet de l'imputabilité financière et l'endettement des bandes, daté du 30 juin 2003. Dans ce rapport, vous avez soulevé plusieurs préoccupations et distingué aussi plusieurs contradictions dans les commentaires d'AINC »17 .

Le représentant d'AINC a dit que le Canada a examiné de rapport d'enquête de la CCN et a s'est affairé à préparer la réponse du Canada au sujet des questions et recommandations présentées dans ce rapport.

La réponse du Canada sur le rapport d'enquête traite des questions et recommandations suivantes :

a) Fonds de transfert;

b) Examen des exigences en matière d'imputabilité financière;

c) Évaluation de la possibilité de changer l'exercice financier;

d) Avertissement des vérificateurs au sujet des retards;

e) Besoins de formation;

f) Révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec); et

g) Publication de l'information des tiers.

La Commission crie-naskapi s'est assurée d'informer les gouvernements cris et naskapis des questions et recommandations soulevées dans son rapport d'enquête sur les commentaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord au sujet de l'imputabilité financière et l'endettement des bandes, daté du 30 juin 2003 ainsi que la réponse du ministère au sujet de ce rapport.

NOTES FINALES
1 Présentation d'Affaires indiennes et du Nord canadien à la Commission crie-naskapie - présentée lors des audiences de la Commission crie-naskapie le 10 février 2004 - p. 2 et 3, des copies de cette présentation sont disponible au bureau de la Commission.
2 Ibid., p. 2.
3 Ibid., p. 4 et 5.
4 Ibid., p. 5.
5 Ibid., p. 5.
6 Ibid., p. 6.
7 Ibid., p. 6.
8 Ibid., p. 7.
9 Ibid., p. 8.
10 Ibid., p. 8.


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11 Ibid., p. 9.
12 Ibid., p. 9 et 10
13 Ibid., p. 11.
14 Ibid., p. 11.
15 Ibid., p. 12.
16 Ibid., p. 12 et 13.
17 Ibid., p. 13.


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Chapitre six

Recommandations



La Commission crie-naskapie soumet les recommandations suivantes afin que le gouvernement fédéral et les pouvoirs Eeyou (Cris et Naskapis) prennent des mesures adéquates et opportunes pour faire progresser l'administration locale Eeyou ainsi que ses droits : La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

A. Mise en oeuvre de la Loi sur les Cris at les Naskapis du Québec et amendments à cette loi

1. Une assemblée extraordinaire des nations cries et naskapie sur la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec serait tenue conformément aux termes du présent rapport. En l'absence de mécanismes adéquats pour la mise en oeuvre de la loi, cette assemblée serait financée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, car c'est le gouvernement fédéral qui s'est porté responsable de la mise en oeuvre correcte de la loi.

2. Les administrations fédérales et Eeyou (Cris et Naskapis) devraient établir, par le biais de négociations, un mécanisme approprié au service de la mise en oeuvre correcte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

3. Le chapitre 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et le chapitre 7 de la Convention du Nord-Est québécois de même que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devraient être amendés de manière à prévoir, entre autres choses, les dispositions suivantes :

a) une reconnaissance entière et explicite du droit inhérent des Eeyou à l'autonomie gouvernementale;
b) la reconnaissance de l'existence et de l'application des lois, coutumes et pratiques dans l'exercice du droit des Eeyou à l'autonomie gouvernementale.

B. Dévelopment des ressources humaines

4. Les administrations fédérales et Eeyou devraient prendre les mesures adéquates quant aux ressources humaines nécessaires pour l'administration correcte de l'autonomie gouvernementale locale, et le Canada devrait voir à la mise à la fourniture des ressources financières adéquates nécessaires pour la satisfaction de ces besoins.


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C. Financement du fonctionnement et de l'entretien

5. Le gouvernement du Canada devrait négocier, de bonne foi, une nouvelle entente sur le financement du fonctionnement et de l'entretien avec la nation Eeyou, conformément à l'esprit et à la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, au protocole d'entente de 1984 et à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est Québécois

6. Le gouvernement du Canada devrait adopter de nouvelles mesures législatives, politiques et administratives en vue de garantir la mise en oeuvre correcte de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Les mesures qui devraient être prises en considération pour la mise en oeuvre correcte des accords sur les revendications territoriales, comme la CBJNQ et la CNEQ, sont esquissées dans les documents de travail intitulés Proposal for a Policy Management Accountability Act et Proposal for an Aboriginal Treaty Implementation Act de la commission ainsi que dans la proposition intitulée A New Land Claims Policy de la Coalition sur les accords sur les revendications territoriales.

Préoccupations et questions de la nation Eeyou (crie)

A. Habitation, projets d'immobilisations et infrastructures

7. Les autorités fédérales et Eeyou devraient déterminer les besoins futurs des collectivités cries concernant le logement, les projets d'immobilisations et les infrastructures ainsi qu'élaborer et mettre en place un plan directeur stratégique, à court et à long terme, afin de répondre à ces besoins conformément à l'esprit et à la lettre du Protocole d'entente de 1974 et de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que des conventions connexes. Les revendications en cours des Eeyou concernant le remboursement du fonds des Cris pour les projets d'immobilisations passés devraient être traités en même temps que ce projet.

B. Besion d'une nouvelle relation Canada-Eeyou

8. Le gouvernement du Canada devrait négocier, de bonne foi, avec la nation crie d'Eeyou Istchee, une entente qui établit une nouvelle relation de nation à nation and et contribue de façon innovatrice et constitue une façon innovatrice de mettre en oeuvre les obligations du Canada envers les Cris en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des conventions connexes.

C. Governance de la nation Eeyou

9. Comme la gouvernance de la nation Eeyou a évolué au cours des trois dernières décennies pour les Eeyou d'Eeyou Istchee, le gouvernement du Canada devrait négocier de bonne foi, avec les autorités Eeyou une entente sur la gouvernance Eeyou et les questions afférentes conformes aux présents principes et pratiques de la gouvernance Eeyou.


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D. Plan de développement de la communauté de Whapmagoostui

10. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les autorités devraient réexaminer le plan de développement de la communauté de Whapmagoostui afin qu'il tienne compte des besoins et des circonstances spéciales de la communauté tels que les coûts plus élevés à cause de son isolement et des caractéristiques physiques du territoire de la bande.

E. Approvisionnement en électicité de Waskaganish

11. Alors que la Convention sur une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec promet un branchement par Hydro-Québec dans les cinq (5) années suivant la signature de ladite convention (laquelle a été signée le 7 février 2002), le gouvernement du Canada doit exercer ses responsabilités eu égard à la fourniture d'électricité à la collectivité de Waskaganish en veillant à l'installation d'infrastructures adéquates et en les finançant afin de répondre aux besoins de la collectivité.

F. Développement de Waskaganish

12. Le gouvernement du Canada doit participer à la planification des immobilisations et au développement de Waskaganish et il doit prendre en considération les besoins particuliers de la collectivité, besoins déterminés par les circonstances matérielles inhabituelles (médiocrité du sol, nature des étendues aquatiques environnantes) du territoire de cette communauté.

G. Eeyou de Washaw Sibi

13. Le gouvernement du Canada et les autorités Eeyou doivent décider de la viabilité des objectifs des Eeyou de Washaw Sibi eu égard à leurs droits en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des conventions connexes.

14. Le gouvernement du Canada, les autorités Eeyou, entre autres celles des Washaw Sibi, doivent entamer des discussions et des négociations à propos de l'éventuelle reconnaissance des Eeyou de Washaw Sibi à titre de dixième nation autochtone crie et de l'établissement du village de Washaw Sibi.

H. Administration de la justice

15. Les autorités canadiennes et Eeyou devraient réexaminer le présent système de tribunal itinérant afin de prendre les mesures adéquates pour les impacts de la récente décision judiciaire selon laquelle le juge de paix n'entendra plus de causes à compter du 31 janvier 2004 (la commission reconnaît les intérêts du gouvernement du Québec dans cette affaire).

16. Les autorités canadiennes et Eeyou devraient discuter et négocier un système juridique particulier, qui tiendrait compte des valeurs et principes des Eeyou, conformément au chapitre 18 (Administration de la justice - Cris) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (la commission reconnaît les intérêts du Québec dans l'administration de la justice).


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I. Police

17. Étant donné la présente situation et les besoins actuels en matière d'agents de police dans les collectivités Eeyou, les autorités canadiennes et Eeyou devraient réexaminer l'adéquation et l'application du rapport, lequel est actuellement fixé à un agent de police par 1 000 habitants, tel que le prévoit le chapitre 19 (Police - Cris) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (ici également, la commission reconnaît les intérêts du Québec dans cette question).

J. Entente Oujé-Bougoumou-Canada

18. Comte tenu des retards excessifs occasionnés par les autorités fédérales, le gouvernement du Canada doit discuter et négocier, de bonne foi, avec les autorités Eeyou, la mise en oeuvre entière, opportune et correcte de l'Entente Oujé-Bougoumou-Canada signée par les parties intéressées en mai 1992.

K. Réclamations en souffrance d'Oujé-Bougoumou

19. Les autorités canadiennes et Eeyou doivent régler les réclamations de la nation crie d'Oujé-Bougoumou concernant le versement d'une somme de 2 952 000 $ due relativement aux fonds transférés à Oujé-Bougoumou en vertu de l'Entente Oujé-Bougoumou-Canada, laquelle correspond au paiement en souffrance de sommes convenues et de manque à gagner associé à cette somme.

L. Bloc D

20. Étant donné L'importance du site en tant que piste d'atterrissage pour les institutions de Chisasibi et des Cris, le Bloc D doit être transféré sans délai par le ou les gouvernements à la nation crie de Chisasibi, de même que pris en charge le nettoyage environnemental du site, afin que les installations nécessaires à la piste d'atterrissage puissent être mises en place.

M. Incinérateur de Wemindji

21. Compte tenu des intérêts des gouvernements fédéral et provincial, notamment en ce qui concerne les impacts environnementaux de l'incinérateur, les gouvernements devraient assurer un financement à la nation crie de Wemindji pour le suivi des impacts de ce projet.

N. Chemin d'accès à Wemindji

22. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait prendre toutes les mesures adéquates pour garantir le financement du remboursement à la nation crie de Wemindji des coûts associés au chemin d'accès à la communauté.


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Préoccupations et questions de la nation Eeyou naskapie de Kawawachikamach

A. Examen de l'article 10 de la Convention du Nord-Est québécois

23. Comme la convention complémentaire concernant le ou les amendement(s) à l'article 10 (Santé et services sociaux) de la Convention du Nord-Est québécois a été exécutée par la Naskapi Landholding Corporation, les représentants du Canada et du Québec devraient procéder à l'exécution de ladite convention complémentaire.

B. Étude de l'article 11 (éducation) de la Convention du Nord-Est québécois

24. Le ou les gouvernement(s) concernés et les autorités naskapies devraient examiner la mise en oeuvre de l'article 11 (Éducation) de la Convention du Nord-Est québécois.

C. Négotiations avec le gouvernement du Nunavik

25. Le gouvernement du Canada doit assumer ses responsabilités adéquatement et prendre des mesures opportunes et adéquates en consultation avec la nation naskapie pour garantir les droits et intérêts des Naskapis dans les actuelles négociations concernant l'établissement d'un gouvernement du Nunavik.

D. Police

26. Puisque le Canada et le Québec ont assuré à la nation naskapie qu'ils étaient disposés à signer une entente tripartite concernant les services policiers, les gouvernements devraient ratifier ladite entente.

E. Approvisionnement en éléctricité

27. Les autorités canadiennes et naskapies devraient discuter et négocier les mesures adéquates pour assurer l'approvisionnement en électricité de la collectivité de Kawawachikamach.

F. Habitation

28. Les autorités canadiennes et naskapies devraient déterminer et s'entendre sur les besoins actuels et futurs de la collectivité de Kawawachikamach eu égard à l'habitation, ainsi qu'élaborer et mettre en oeuvre un plan directeur stratégique, pour le court et le long terme, en vue de répondre à ces besoins, en conformité avec l'esprit et la lettre de la Convention du Nord-Est québécois et des conventions connexes.


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Chapitre sept

Conclusions



Selon la loi eeyou et l'état de la législation canadienne relative aux droits autochtones et des traités, la pratique de l'autonomie gouvernementale chez les Cris et les Naskapis est un droit fondamental de ces peuples. Les Premières Nations et peuples cris et naskapis se prévalent du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale d'une façon qui dépasse le cadre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette évolution du gouvernement local cri et naskapi est coutumière et naturelle car le pouvoir politique est universel et inhérent à la nature humaine.

Toutefois, au cours des vingt (20) dernières années, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec n'a pas suivi l'évolution de la pratique du gouvernement local cri et naskapi et l'état du droit autochtone et contemporain. En fait, certaines dispositions existantes et l'absence d'articles essentiels dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec constituent de sérieux obstacles et contraintes pour l'administration et le gouvernement local cri et naskapi.

Le présent rapport et d'autres du passé, des documents de travail et les leçons apprises des enquêtes de la Commission crie-naskapie ont abouti à des conclusions, constatations et recommandations au sujet de l'examen et de la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, et ce, en vue d'atteindre, entre autres, les fins et objectifs ci-dessous lors de la mise à jour de la Loi et afin que celle-ci reflète la réalité actuelle et la dynamique du gouvernement local eeyou ainsi que l'état du droit autochtone et contemporain :

1) reconnaissance complète et explicite du droit inhérent des Eeyou à l'autonomie gouvernementale;

2) reconnaissance de l'existence et de l'application du droit, des coutumes et des pratiques traditionnels des Eeyou en matière d'autonomie gouvernementale;

3) élimination des dispositions qui entrent en conflit avec le droit, les coutumes et les pratiques traditionnels des Eeyou;

4) conformité à la législation autochtone et à la loi traditionnelle eeyou;

5) préséance de la loi traditionnelle eeyou sur les lois générales, dans les affaires d'importance primordiale pour les Eeyou;

6) reconnaissance des Eeyou comme autorité historique et traditionnelle en matière de gouvernement;

7) élargissement de la portée des " missions et pouvoirs " des bandes (nation eeyou);

8) élargissement des compétences territoriales des bandes (nation eeyou);

9) élimination des obstacles du processus décisionnel;

10) détermination de tous les quorums par les autorités législatives des bandes (nation eeyou);

11) élargissement de l'autorité législative des bandes (nation eeyou);


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12) détermination des conditions pour être membre de la nation eeyou;

13) clarification des responsabilités du gouvernement local pour ses membres;

14) autorité législative exclusive dans toutes les affaires relatives aux élections de bande (nation eeyou); 15) insertion du droit, des pratiques et des coutumes traditionnels liés aux élections eeyou;

16) révision périodique de l'application de la Loi par le Canada et les nations eeyou;

17) amélioration et simplification du processus de modification de la loi;

18) habilitation et amélioration du respect de la loi;

19) conception et mise en place des systèmes appropriés pour l'administration de la justice;

20) insertion de la nation crie ouje-bougoumou à titre de bande (nation eeyou);

21) amélioration de l'efficacité de la Commission crie-naskapie en tenant compte de ce qui suit :

a) expérience et recommandations des gouvernements des nations eeyou;

b) constatations, conclusions et recommandations du rapport de 1991 : " Réexamen du fonctionnement de la Commission (crie-naskapie) ";

c) mise en oeuvre des accords de paiement de transfert pour le financement de l'exploitation et de l'entretien;

d) mise en oeuvre de la CBJNQ et de la CNEQ;

e) mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;

f) expérience et rapports de la Commission;

g) rôle du gouvernement fédéral.

22) clarification des dispositions relatives aux exemptions de saisies, afin d'éliminer ce qui nuit au développement économique;

23) clarification des dispositions portant sur les exonérations fiscales;

24) dispositions visant la gestion appropriée des terres communautaires, y compris un régime eeyou d'enregistrement des actes qui remplacerait le bureau d'enregistrement du gouvernement fédéral;

25) habilitation des nations eeyou;

26) élimination de l'autorité réglementaire et administrative externe dans les affaires eeyou;

27) entente avec les nations eeyou sur la modification de la définition d'" époux/épouse " afin de refléter l'évolution du droit;

28) disposition pour les sources et les arrangements financiers adéquats;

29) responsabilité financière appropriée relativement à la nation eeyou et à l'administration des fonds Eeyou (bande);


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30) besoin d'investir l'ensemble du gouvernement du Canada de la responsabilité de la mise en oeuvre adéquate de la Loi;

31) dispositions pour un mécanisme efficace, aux fins d'une mise en oeuvre adéquate de la Loi;

32) création d'un mécanisme efficace de résolution des conflits.

Tout comme la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a évolué à partir des obligations fédérales envers les Cris et les Naskapis, selon leurs traités respectifs, l'article 9 de la CBJNQ et l'article 7 de la CNEQ et d'autres articles pertinents de ces conventions devraient être révisés et modifiés en conséquence.

En plus de ces besoins législatifs et politiques, il faut aux gouvernements locaux eeyou des ressources humaines et financières appropriées.

En outre, après quelque trente (30) ans depuis de la passation de la CBJNQ, la mise en oeuvre adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois demeure une question encore en litige et une source d'inquiétude chez les Eeyou de l'Eeyou Istchee. La Commission a abordé cette affaire essentielle dans le présent rapport, dans des rapports biennaux du passé ainsi que dans ses documents de travail intitulés " Projet de loi sur la responsabilité en gestion de politique " et " Projet de loi sur la mise en oeuvre des traités autochtones ". De plus, la nation Eeyou de l'Eeyou Istchee a exprimé le désir que le Canada noue une nouvelle relation de nation à nation avec les Eeyou, d'une manière qui honore les obligations et les engagements du Canada envers les Eeyou dans le cadre de la CBJNQ.

Pour amorcer le processus de révision et de modification de la CBJNQ, de la CNEQ et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Commission planifiera et dirigera une assemblée spéciale des Cris et des Naskapis si suffisamment de fonds sont accordés à cette fin par le gouvernement du Canada. La Commission espère que cette réunion des nations eeyou se terminera par un relevé et des recommandations pour les affaires législatives, réglementaires et administratives qui s'imposent pour en venir à des administrations et à un gouvernement locaux eeyou efficaces, puis pour permettre au gouvernement du Canada de démarrer les négociations avec les nations eeyou.


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